Chapitre 29. Gustave/ Father and son
L'indécision
se cache souvent derrière
tes choix les plus fermes
Je suis revenu auprès de Philippe et je me sens perdu. Mon père ouvre les yeux :
— Claire est passée.
— Ah ?
— C’est une fille bien, tu devrais oublier Anne-Sophie, tu devrais…
— Dors, papa, dors…
Il ferme les yeux et je peux laisser mes larmes couler. Qui avertir, si le pire arrive ? Ma mère, Catherine ?
Nous n’avons plus aucun contact ; le coup de grâce a été Un amour éternel.
Avec mon père, tous les deux, nous avons écrit cette philofiction, inspirée de Matrix.
Catherine n’a lu que le début et nous a envoyé un mail d’insultes. Pourtant ce n’était que la réalité, légèrement déformée :
L’homme pleurait à chaudes larmes qui mouillaient sa chemise. Il pleurait, comme un enfant, avec de longs silences, de lourds sanglots.
Catherine ne lui donnait pas d’âge avec ses yeux rougis, son visage défait, un homme détruit, brisé .En lisant son dossier, elle eut envie de pleurer avec lui : il avait son âge, la cinquantaine.
Elle prit une voix douce : « sodomie, fessée, bondage ? »
L’homme acquiesça.
« Vous savez, Monsieur K, tout le monde a les mêmes fantasmes.
- Je ne suis pas pervers ?
- Non »
Après tout ce n’était que la vérité : elle avait abusé de son statut de psy, pour accéder aux dossiers médicaux de Philippe et gagner son divorce.
J’avais, sans doute, eu tort de suivre mon père dans les méandres tortueux de la personnalité de Monsieur K , son double virtuel, l’occasion de revenir à la philosophie de sa jeunesse.
Mais je ne regrette pas ces textes écrit à deux mains. Certains comme Réécriture ou Le Noël de Léon sont réussis, d’autres moins.
Puis nous avons écrit chacun de notre côté : lui de la philosophie, moi de la poésie.
J’écoute sa chanson préférée, notre chanson : Father and son de Cat Stevens.
It's not time to make a change,
Just relax, take it easy
You're still young, that's your fault,
There's so much you have to know
Find a girl, settle down,
If you want you can marry
Look at me, I am old, but I'm happy
La porte s’ouvre, Claire entre et dit « Gustave, tu n’as pas dormi de la nuit ! «
C’est vrai hélas ! Mais cette apparition me fait du bien et je note que, sans s’en rendre compte elle a abandonné ce « vous » qui me glace, Claire reprend :
— J’ai croisé Vincent : C’est incroyable !
— C’est la vérité, hélas !
— La route est dégagée ?
— Oui, mais les chasseurs alpins nous interdisent de passer.
— Pourquoi ?
— J’ai vu Guillaume, il a marmonné à propos d’un virus puis s’est vite repris, dis-je en soupirant..
— Un virus ? Oui, tous les malades du village ont un point commun.
— Je sais, ce sont tous des proches du maire : Philippe ne le lâchait pas d’une semelle.
— Mais si ton père meurt que vas -tu devenir ? Suivre Vincent ? me demande Claire , avec des sanglots dans la voix.
— Non sa vie est trop désordonnée et puis, il a Pearl, maintenant.
— Retourner avec cette fille ?
— Anne-Sophie ?
— Oui, elle est ...
— Odieuse ?
— Profondément méchante, mais pourquoi ?
— Elle est jalouse.
— Jalouse ?
— Elle est méchante mais fine, elle m’a dit qu’elle sentait bien que je ne te laissais pas indifférente.
Rouge, confuse, Claire me quitte précipitamment.
Je souris et relis le dernier texte philosophique écrit par Philippe : Sur la mort.
Le problème de la mort est, le plus souvent, mal posé.
Pour se rassurer, pour se faire peur, on ne cesse de penser à l’instant de sa mort, on se voit mort.
Ce n’est qu’un simple délire de l’imagination : Épicure a tranché le débat.
Quand la mort est là, je ne suis plus là, quand je suis là, elle n’est pas là.
Depuis deux millénaires, ni la science, ni la philosophie n’ont réussi à dépasser cette simple et sublime vérité.
Mais, cela ne veut pas dire que le débat est clos.
La première question est celle de la vie après la mort : que se passe-t-il après l’instant 0, quand la mort est là, et que je ne suis plus là ?
Rien, vraiment rien ?
Et pourquoi pas ?
Quelle pensée, quelle vie peuvent naître en dehors d’un corps ?
Il y a la foi, mais la foi est là, quand règnent l’ignorance et l’incertitude. La foi donne corps à l’impossible, à l’impensable.
Une question reste ouverte : peut-on faire l’expérience de la mort, avant la mort ? Ou, présenté autrement, le concept de mort est-il univoque ?
La réponse de Spinoza est surprenante, et, en un sens, est un nouveau lien entre le philosophe de l’Absolu et Hegel.
Pour Spinoza, nous vivons chaque jour la mort : devenir adulte c’est mourir, réaliser un désir c’est mourir.
Mais domestiquer, ainsi, la mort n’est-ce pas ignorer la vraie mort ?
Mourir c’est laisser le désir mourir, ne vivre que pour ses besoins.
Toutefois, c’est le lot de milliards d’hommes et de femmes sur cette terre.
Alors, se pose une inquiétante question : et si notre monde n’était peuplé que de zombies ?
Annotations
Versions