Chapitre 34. Claire / Rapprochement
Depuis deux jours, je me tourne et me retourne, je n'arrive pas à trouver le repos. Je me lève pour la troisième fois et jette un oeil dans la chambre d'ami où Gustave dort à poings fermés.
Il m'a fait une telle frayeur que je n'ai pas voulu le laisser seul dans son préfa et l'ai traîné de force chez moi.
Il a touché à peine à son repas puis est allé se coucher, assommé par les derniers événements et probablement par l'inquiétude et le chagrin.
Nous n'avons pas de nouvelles de Philippe et je songe à aller à la pêche aux informations, quitte à faire le forcing auprès des services sanitaires bien que le colonel m'impressionne un peu.
Nous avons peu de contact avec les autres et les soirées festives se font rares, l'heure est à l'appréhension.
Je perçois du mouvement dans la pièce d'à côté et voilà Gustave qui émerge, le visage chiffonné et les cheveux en bataille. Je souris, il est comme un gosse qui vient de se réveiller.
Je lui ai préparé de la soupe et ai mis sur la table du pain de campagne et du fromage. J'espère qu'il aura un peu d'appétit.
Il se laisse choir sur la chaise à côté de moi et me fait "merci" du regard.
Je me lève pour aller chauffer sa soupe et il commence à faire des tranches avec le couteau.
Je place deux bols fumants et me rassieds.
Dans un silence religieux nous avalons le bouillon.
— A-t-on des nouvelles de Philippe ? me questionne-t-il.
Je lui fais non de la tête et lui raconte les derniers événements, le blocage du village, les consignes de sécurité et le couvre-feu.
— Nous n'avons plus de communication avec l'extérieur, et les informations sont filtrées. Nous ne voyons que ce qu'ils veulent bien nous montrer, je ne suis pas certaine que tout cela soit bien clair. Ce qui est certain c'est qu'ils craignent et redoutent une contagion.
— Connaissant toutes les manipulations politiques je ne serai pas étonné qu'ils nous cachent un secret.
— Oui... Mais comment savoir ?
La lune derrière la fenêtre joue entre les mèches des cheveux de Gustave, j'ai une envie de les toucher mais je me refrène. Me levant d'un bond, je lui prends le bras et l'entraîne dehors.
— Le couvre-feu ? me lance-t-il.
— Tant pis, ils ne peuvent nous voir de là bas. Viens t'asseoir sur le banc profiter de cette belle soirée d'été.
En passant, j'attrape deux pommes et je lui lance. Gustave la rattrape avec un bon réflexe. Nous sortons en rigolant et je me précipite pour avoir la meilleure place. Gustave plonge en essayant de me dépasser et c'est essoufflés, que nous atterrissons tous deux sur le banc qui, sous le choc, a failli se renverser.
Ce petit moment nous sort de nos pensées et vient nous apporter ce petit souffle d'insouciance dont nous avions besoin. Nous contemplons la lune en dégustant nos pommes. Qui aurait cru que dans ce village si paisible, nous connaitrions ces heures angoissantes ?
Gustave se tourne vers moi et me questionne à brûle-pourpoint.
— Je sais que cela ne me regarde pas, mais qui est cette Anne-Laure ?
Ma bouche reste en suspens devant le fruit, je ne m'attendais pas à la question. Je prends le temps de croquer et de mastiquer avant de lui répondre.
— Une très chère amie que j'ai perdue...
— Et...
— Et ? fis-je en levant un sourcil. Ma bouche s'étire en un sourire car je devine ce qu'il n'ose dire.
— Euh... Je...
Pour seule réponse, je scelle ses lèvres d’un doux baiser.
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