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C'étaient deux larmes qui coulent. S'écrasent sans un bruit, à l'abri des regards. La main devant les yeux, les ombres avancent à tâtons. Elles se mélangent, se défont. Se délient, se confondent. Presque un pas dehors, elles manquent de peu d'envoyer les gouttes dans le décor.

Il y a un doigt sur sa joue. Qui susurre et suture, les creux laissés par les eaux salées. Il se désarticule, pour mieux se laisser glisser, se faire apprivoiser. Mais les plaies sont mouillées et la toile s'effiloche. Le tissu de rêve se déchire doucement. Dans un bruit de murmure. Presque agréable, presque mort.

C'étaient deux larmes qui coulent, et d'une simple pression sur la vitre, se sont retrouvées. Dans le reflet de chacune, il y avait l'autre, et au fond... Elles ne se regardaient plus. L'image était si floue qu'elle n'en paraissait que plus confortante de l'illusion. Il n'y avait que le son alors. Celui que la pluie revêt, dans son manteau de gris grelots, lorsqu'elle chute un instant sur l'air, confondant toutes les gouttes pour un moment. Perdant celles amères de vue.

Il y a une silhouette qui se jette depuis le ponton vermoulu. La mer à perte de vue. C'est là-dedans, quelque part, qu'elles s'étaient perdues. Au moins un instant. Et peut-être plus. Elles avaient cette lueur singulière, qu'il n'était pas permis de voir. Seulement une manière d'exister, comme une singularité...

C'étaient deux larmes qui coulent, d'un seul et même visage, qui aurait aimé que le miroir lui en dise plus que ce qu'il ne voulait plus voir. On lui avait ramené, dans un petit coffret, cette ultime perle de jais. Mais il n'avait plus pu pleurer, les rivières s'étaient asséchées, et alors... Il l'a avalée, pour la garder quelque part.

Le poison a tué ses maux et donné raison à sa joie. Seulement qu'il n'en voulait pas. Et que chaque soir, il se demandait pourquoi. "Pourquoi je ne pleure pas ?" "Est-ce que les choses se terminent toujours aussi promptement qu'elles commencent ?" "Alors j'ai peut-être rêvé plus longtemps que d'autres... Je suis toujours en léthargie."

C'étaient deux larmes qui coulent, de deux autres joues fatiguées. Elles avaient le goût doucereux d'une farce de cadavres exquis. Personne ne l'avait jamais vue le bleu au visage. Personne ne devait la voir ainsi. Dans une somptueuse boîte ornementée, on lui avait offert un masque de soirée.

Alors dans la nuit noire, elle dansait jusqu'à ce que ses pieds irradient d'une douleur que la souffrance dans sa tête ne saurait éclipser. Son masque s'occupait de sourire pour elle.

"Y a-t-il vraiment un problème si personne ne le voit ?" "Je ne veux pas qu'on parle de moi, je ne veux pas qu'on parle de moi, je ne veux pas que mon nom rende triste." "Je suis seulement ça. Et peut-être que je ne veux plus parler de moi. Parce que moi, ce n'est..."

Rien. Rien ne les aurait fait se retourner. On ne peut pas mentir à un inconnu qui nous parle de notre passé comme si c'était le sien. Et qui a une main tendue au-dessus du vide, pour chercher de loin ceux qui y sont tombés après lui. Ou auprès de lui. Il n'en a aucune idée après tout. Et peut-être bien que c'est ce qui le rendait spécial à vrai dire. De ne pas avoir à tout le temps savoir. De laisser faire la beauté du silence. Une éternité à regarder ses pupilles.

C'étaient deux larmes qui coulent de ses yeux qui n'ont jamais pleuré. Ils ne l'auraient pas vu, derrière la soie du rêve, et puis il fait si noir... C'est parce qu'il se rencontraient souvent la nuit, là où les deux larmes s'étaient échouées. Dans un petit trou du sol, un puits de lumière aussi grand que la paume d'une main. Des idées qui tournaient tout autour, mais sans les atteindre. 

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