chapitre 4

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Mais Shawn en garde tout de même de bon souvenirs, c’est dans ce genre de soirée qu’il a embrassé une fille pour la première fois après avoir dansé avec elle. C’était il y’a bien longtemps, il a l’impression que c’était dans une autre vie. Il sourit en repensant à ces soirées nostalgiques, mais il sait que ce soir, cela n’aura strictement rien à voir, ce sera l’étape au dessus, il passe à un autre niveau.

Surtout que les soirées américaines sont réputées pour être phénoménales. Et comme il l’a déjà dit, il n’aura aucune limite, ayant envie de tout découvrir. Finalement tout se déroule vraiment bien pour lui. En l’espace de deux jours, il a pu discuter avec la fille de ses rêves et cette dernière la considère comme son héros. Il se demande s’il aurait pu imaginer meilleur scénario. La vie est vraiment incroyable.

- On est en cours de quoi cette après midi ? demande t’elle, en cherchant son emploi du temps dans son sac en fouillis.

- Je crois que c’est sociologie mais je ne serais pas là j’ai rendez vous chez un médecin et je suis déjà à la bourre dit Shawn, avant de se lever rapidement, après avoir regardé sa montre.

- Ok, alors à ce soir dit Jamie.

- Pas de problème, on se retrouve où? Vous êtes où sur le campus ?

- On a prit un appart en ville, c’est plus tranquille et ça fait plus classe. Le plus simple, c’est qu’on se retrouve devant le bar où je travaille à 20h dit Sarah

- Ca marche dit Shawn en acquiesçant de la tête, avant de les saluer.

Shawn prend son plateau et se dirige vers la sortie, il ne se rappelle même plus pourquoi quelques instants plus tôt, il se sentait si démoralisé. La chance est avec lui et il ne compte pas s’en plaindre. Il a l’impression d’être dans un film, tellement tout est parfait et pour une fois c’est lui qui a le bon rôle. Ça le change de d’habitude, finalement la vie en dehors de la France est bien plus agréable. S’il l’avait su, il se serait expatrié plus tôt.

Jamie et Sarah restent assis, le regarde partir et en profitent pour finir leurs repas.

- Tu avais raison, il a l’air bien sympa dit Jamie

- Je te l’avais dis. Je n’arrive pas à l’expliquer mais il y’a quelque chose qui me plais chez lui, je sens de bonnes énergies. j’aimerai bien qu’on forme un petit groupe d’amis à nous trois.

- Ça pourrait se faire, je ne suis pas contre. Mais bon ne t’emballes pas trop vite et attendons de le côtoyer un peu plus.

- Eh ! Je n’ai pas dis que je voulais me le faire.

Jamie faillit s’étrangler avec une frite en entendant ce que vient de dire son amie, il n’est pas habitué à l’entendre parler aussi crûment. Il la regarde d’un air choqué. Sarah sourit, amusé de voir la tête de son ami. Elle aurait aimé le prendre en photo, Jamie fait une tête si comique. Ce dernier se reprend et dit :

- En tout cas, j’ai fait une grosse gaffe quand j’ai parlé de ses parents. Tu as vu sa tête ? ça se voit que ça l’affecte.

- Ouais, je pense que ce serait le cas de tout le monde. Nous on a des parents qui nous prennent la tête. On ne se rend pas compte de la chance que l’on a de les avoir, il faudrait peut être faire plus d’effort et leur montrer qu’on les aime, t’en penses quoi ?

- En tout cas, une chose est sûr dit Jamie, sur un ton grave.

- Quoi ?

- Le self n’est vraiment pas terrible !

Sarah rit, secoue la tête avant de dire.

- Toi, je te jure ! Moi qui penser que tu allais sortir une phrase philosophique.

- Mon cerveau a parfois besoin de se reposer.

- Je crois qu’il ne fait que ça pendant toute la journée.

Sarah ramasse une frite de son assiette et la jette sur le visage de son ami, qui réussit à l’éviter.

- Arrêtons, ce genre de jeu puéril, on est des étudiants quand même. On est plus au lycée dit Jamie, l’air sérieux.

Deux secondes plus tard, il lui jette à son tour des bouts de pains. Jamie adore toujours avoir le dernier mot. C’est un grand farceur qui ne recule devant rien pour attirer l’attention ou faire la plus grosse bêtise possible. C’est dans sa nature et il le fait si bien que finalement personne ne le juge mal. Pour lui la vie sans humour, c’est trop triste. Il dit souvent que si les gens se déridaient un peu plus, il y’aurait moins de personnes tristes et déprimés, il comptait fonder une association à ce propos avec des potes pour rigoler mais quand il a vu toutes les procédures à remplir pour en créer une, il a finit par abandonner. Il aime se la couler douce et en faire le minimum, juste ce qu’il faut pour réussir. Pas plus, pas moins. C’est une de ses règles, il s’y tient toujours et jusqu’à maintenant, cela lui a réussit.

Une demi-heure plus tard. Après avoir pris un autobus en direction du coin ouest du centre ville, Shawn a réussit sans trop de difficulté à se rendre à l’adresse transmise par son médecin particulier en France. Le trajet en bus a été très agréable, il a pu découvrir un peu plus la ville où il a élue domicile. Le bus est passé devant Grant Park, qui est un parc public, situé au centre-ville. Il est fréquenté pour ses fresques murales et pour ses installations et aménagements qui incluent des terrains de base-ball, une salle de fitness, des salles de réunion, une piscine extérieure et des courts de tennis.

Shawn est lui-même étonné de réussit à si bien s’orienter dans cette ville, alors que tout lui est inconnu. C’est comme s’il était déjà venu, ce qui est totalement ridicule. Il lève la tête devant l’adresse transmise et se trouve face à un immeuble luxueux de 6 étages. Aucune personne n’y habite, tout l’immeuble est occupé par tout type de médecins et praticiens. L’architecture est assez moderne, les baies vitrées et les balcons sont très bien dessinés et rendent l’ensemble, encore plus design. On peut même voir, à l’arrière, un petit coin de verdure, avec des bancs sur le coté. Tout l’ensemble crée un climat de bien être très agréable.

L’étudiant se dirige vers la porte d’entrée, regarde le nom des médecins et voit celui qu’il recherche, il s’agit d’un dénommé Alexander Myrick, psychiatre de son état.

Après s’être annoncé auprès de la secrétaire, Shawn se rend en salle d’attente et attend patiemment le moment où le praticien viendra le chercher. Il est le seul patient présent, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Il a toujours trouvé que l’ambiance dans une salle d’attente médicale est un peu malsaine, encore plus lorsqu’il s’agit de patient suivi par un psychiatre. Il ne se sent pas à l’aise lorsqu’il doit attendre, entouré de personnes qui semblent sur le point de se suicide ou qui sont en profonde dépression.

Etre seul ne le dérange vraiment pas et pourtant, malgré cela, il ne peut empêcher les tremblements nerveux de ses mains. Il expire et inspire un grand coup afin de calmer son anxiété grandissante. Le jeune étudiant n’aime pas du tout ce qui touche au monde médical. C’est dû à un traumatisme subit lorsqu’il a du quitter l’orphelinat pendant plus d’un an et vivre dans un asile. Il ferme les yeux, ne voulant pas que les images de cette période reviennent le hanter, il en a suffisamment souffert. Il se concentre sur le moment présent et passe sa main droite sur son front, en sueur.

Il se reprend et réussit tant bien que mal à se calmer. Il ne veut surtout pas donner une image de malade mental au docteur avec qui il a rendez vous, car il sait que tout se passe lors du premier regard et il ne veut pas aggraver plus qu’il n’en faut son image. Il doit réussir à tout oublier, il est venu à Chicago pour tout recommencer et il n’a aucune envie que ses hantises le poursuivent.

Il soupire un bon coup et se parle tout seul à haute voix, pour se donner du courage :

- c’est le passé, trace un trait une bonne fois pour toute et pense plutôt à ta soirée avec Sarah !

C’est à ce moment que la porte du docteur s’ouvre et un homme de 45 ans apparaît. Il est assez grand, mesure dans les 1m90, cheveux châtains, courts, des lunettes simples mais élégantes. Des yeux marron, on a l’impression à son regard qu’il pénètre au plus profond de l’esprit de la personne. Il est habillé d’un costume sobre et élégant. Il ébauche un sourire rassurant. Le docteur sait mettre à l’aise le patient, Shawn se sent tout de suite mieux. Même s’il reste toujours sur ses gardes, il s’agit d’un mécanisme de défense. C’est ce que lui avait expliqué son psychiatre en France.

- Vous devez être Monsieur Weaver ?

- Oui, c’est exact.

- Enchanté, je suis le docteur Myrick. Le changement de pays n’est pas trop dur à gérer ?demande le praticien avec un sourire bienveillant.

- Je commence à m’y faire.

- J’en suis ravi. Voulez vous passez dans mon bureau dit il en lui désignant de la main la pièce au fond.

Shawn acquiesce, avant de se diriger ver le lieu désigné. La pièce est toute simple, mais accueillante avec des murs de couleur saumon, un bureau, un long canapé et un fauteuil en cuir juste à coté, des tableaux sont accrochés un peu partout et une étagère remplie de livres de tout genre finit d’occuper l’espace.

- Asseyez-vous sur mon fauteuil, aujourd’hui ce sera vous le psy.

Shawn ne peut s’empêcher d se tourner vers le docteur avec un regard empli d’étonnement sur le visage. Il est surpris par une telle attitude. Myrick acquiesce pour lui faire comprendre qu’il peut le faire en toute sérénité. Shawn hoche la tête avant de s’exécuter il se sent tout de suite à l’aise dans ce fauteuil très confortable. Il trouve la situation vraiment très originale, n’ayant jamais connu cela par le passé et pourtant il a connu de nombreux psychiatre. Le jeune étudiant se dit que si le docteur lui demande d’agir ainsi, ce dernier doit avoir ses raisons et que c’est sans doute une nouvelle méthode pédagogique d’approche. Quant à lui, Myrick s’assoit sur le canapé en face, sans pour autant s’allonger.

- J’ai eu un appel de mon confrère en France et il m’a demandé de vous suivre durant cette année.

- Oui, je suis au courant dit simplement Shawn, mal à l’aise, les mains dans les poches.

- Il m’a dit aussi que votre comportement c’était stabilisé, vous prenez toujours vos pilules?

- Oui.

- Bien. Alors dites moi, est ce que vous seriez d’accord pour qu’on travaille ensemble ?

- Je ne crois pas avoir trop le choix.

Le médecin secoue la tête et agite négativement le doigt devant le jeune homme, il n’est pas du tout d’accord avec lui. Shawn est un peu dérouté par le comportement du médecin. D’habitude les psychologues font tout pour ne jamais donner leur avis et dire que le patient à tord. Ils réussissent à le faire sentir par des moyens détournés, mais ne le disent jamais ouvertement. C’est la première fois que le jeune français voit une telle attitude, il doit avouer que ce n’est une technique d’approche mauvaise et que d’autres médecins devraient se baser dessus.

- Sachez Shawn, je peux vous tutoyez, (puis voyant que le jeune patient répond par l’affirmatif) qu’on a toujours le choix.

- Je sais dit Shawn, sur un ton peu convaincu qui n’échappe pas au docteur.

- Dis-moi, depuis que tu es arrivé, il ne t’est rien arrivé de fâcheux ? Tu as réussit a te faire des amis ?

- Non, rien de spécial (il n’a aucune envie d’aborder le sujet du combat de la veille) et oui je me suis fais quelques amis, mes voisins et des jeunes de ma promotion.

- C’est très bien, l’amitié est une valeur importante, surtout quand on vient de loin. L’intégration ne sera que plus facile. Et quels sont tes projets ?

Shawn souffle, réfléchit avant de finir par hausser les épaules. Il n’a pas trop réfléchit sur ce sujet, mais a plutôt agi sur un coup de tête. Il a toujours réagit comme cela et on le lui a souvent reproché. Shawn est une personne qui écoute son cœur avant d’écouter sa tête, ce qui ne lui a pas toujours été bénéfique, mais cela fait parti de sa nature. Un jour, un ami lui avait dit une phrase qui lui est resté, « je suis admiratif devant toi car tu vis tes rêves ». Cela n’est pas faux, car Shawn est un grand rêveur, mais de nos jours, ce n’est pas une qualité toujours bien perçue.

- Vous savez ce qui compte le plus, c‘est que je m’installe et que je réussisse à m’intégrer. Pour ce qui est du reste comme trouver un boulot, on verra quand ça viendra.

- Tu as tout à fait raison, rien ne presse. Il est inutile de se précipiter et de stresser inutilement.

Tout en écoutant son psychologue, Shawn regarde les différents tableaux qui ornent les murs.

Il reste sous le charme de l’un d’eux dont il n’arrive pas à lire le titre, Il est comme captivé, ne pouvant le quitter des yeux. Il s’agit d’un grand tableau dont le décor est un champ de bataille sanglant avec des flammes partout. Cela l’étonne de le trouver dans un bureau d’un psychiatre où tout est normalement fait pour apporter sérénité au patient, Myrick est vraiment un psy différent de tout ceux qu’il a connu.

On peut voir des nymphes sublimes et au milieu un homme monté sur un cheval, levant une épée étincelante. La peinture est magnifique mais ce n’est pas que cela, il y’a autre chose qui captive autant le jeune homme. Ce dernier ne s’aurait expliqué quoi, lui qui pourtant, n’est pas un grand féru d’art. Il s’arrête sur chaque détail, regarde chaque plan.

Soudain il entend des voix, au début il n’en tient pas compte, pensant divaguer. C’est comme un bruit de fond, puis ça s’intensifie, devenant des murmures, puis les voix se firent plus distinctes, devenant des hurlements stridents. Shawn n’y comprend rien, les paroles sont dans un dialecte qu’il ne connaît pas. Il a l’impression qu’il s’agit d’un charabia, c’est totalement incompréhensible. Mais il n’arrive pas à détacher ses yeux de l’œuvre, ni à se concentrer. Il n’entend même plus ce que dit son docteur, ce dernier plisse les yeux.

Il commence à remarquer que quelque chose ne va pas avec le jeune homme. Il se tourne vers la direction où Shawn à poser ses yeux avec autant d’intensité, sans pour autant comprendre ce qui se passe. Tout d’un coup, Shawn déglutine avec peine, les yeux grands ouverts. Il a l’impression que le tableau bouge, que les personnages sont vivants, il entend presque le hennissement du cheval et sent la chaleur des flammes lui brûler le visage et les mains. Brusquement, il ressent comme un pic dans son cerveau, il est totalement déconnecté de la réalité, Shawn s’entend hurler et a l’impression de tomber dans un puit obscur sans fond. Quelques secondes plus tard, le jeune noir s’écroule sur le sol, inconscient.

Au bout d’un moment, il ne saurait dire combien de temps s’est écoulé, il ouvre à nouveau les yeux. Le jeune homme ne comprend pas ce qu’il vient de se produire. Il se retrouve allongé sur le canapé et le docteur Myrick est penché au dessus de lui, un regard empli d’inquiétude sur le visage. Shawn respire un bon bol d’air, il a l’impression que son crâne est en morceaux. Il ne sait pas du tout combien de temps, il est resté inconscient.

- On vous a déjà dit que vous aviez une grosse tête ! s’exclame Shawn, les yeux hagards.

- On va dire que c’est le choc qui te fais halluciner dit le docteur avec un sourire.

Shawn réussir à sourire à son tour et tente de se relever mais le docteur le repousse gentiment sur le canapé.

- Tout doux, on ne sait pas ce qui c’est passé alors reposes toi.

- Je vais mieux, je vous assure, regardez je reprends des couleurs.

En voyant que le docteur ne va pas le laisser se relever, il n’insiste pas, reste allongé et en profite pour reprendre complètement ses esprits. Il se rend compte que c’est trop tard pour donner une bonne image de lui. Myrick doit le prendre pour un fou et cela ne l’étonnerait pas s’il appelle une ambulance pour l’emmener dans un asile.

- Dis-moi ce qui t’es arrivé ? As-tu mal quelque part ? Ca t’es déjà arrivé auparavant ? Tu m’as vraiment fait peur !

- C’est la première fois que cela m’arrive. Je ne sais pas du tout ce qui c’est passé, je ne faisais que regarder vos tableaux et deux secondes plus tard, je me retrouve inconscient sur votre canapé.

- Je vois ! Eh bien, je crois que c’est une bonne idée qu’on se consulte.

- Vous savez ce n’était sans doute rien, juste un petit vertige, ça arrive même au gens normaux dit Shawn en insistant bien sur ce dernier mot.

Le psychologue le regarde avec de grands yeux, très sérieux. Il semble choqué par les propos que vient de tenir son patient. Le docteur grimace avant de dire :

- Je ne veux plus jamais t’entendre dire cela. Tu es tout à fait normal ! Ne crains rien, tu ne risques pas l’enfermement. je n’ai jamais baissé les bras avec mes patients. Tu vas devoir te battre, je serai là pour toi et je t’assure qu’on y arrivera.

- Je me battrai dit Shawn, qui retrouve un regain d’énergie, touché par les mots d’encouragement, prononcés avec autant de volonté par le docteur.

- Très bien, c’est ce que je voulais entendre dit Myrick, en retrouvant le sourire.

Le psychologue tend la main droite à Shawn, comme pour sceller un pacte. Malgré sa fébrilité le jeune noir lui serre fermement la main, il ne sait pas pourquoi mais il a confiance en Myrick.

Ce dernier a l’air d’être un bon docteur et non pas un de ses vieux débris qui dorment pendant les consultations ou font des mots croisés et qui demandent des prix exorbitants. Finalement, il croit de plus en plus, qu’il a bien fait de venir à Chicago. Depuis qu’il est arrivé, il ne lui arrive que des bonnes choses et rencontre des gens biens. Il se dit qu’avec un peu plus de chance, il pourrait même finir dans les bras de Sarah. Cette idée lui fait ébaucher un large sourire qui ne quitte ses lèvres que plusieurs minutes plus tard.

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