chapitre 27
Au même moment, université de Chicago. Des coups insistants sont frappés à la porte 65. Griffin ouvre en grand la porte de sa chambre, se demandant de qui cela peut s’agir. Il sourit en voyant son voisin et pousse un soupir de soulagement. Pendant un instant, il a eu peur que Shawn se soit fait attraper et que ce soit la police devant sa porte.
- Content de te voir. Je commençais à croire que quelque chose avait mal tourné. Vas y entre !
Shawn ne se fait pas prier, il s’engouffre rapidement dans la chambre de son ami. Avant de s’écrouler sur une chaise et de pousser un soupir d’épuisement. Griffin ne sait pas quoi dire, il devient inquiet en voyant le teint livide de son camarade. Ce dernier semble sur le point de s’effondrer d’une seconde à l’autre. Shawn se passe une main sur son front en sueur et prend de grandes bouffés d’oxygène, afin de se remettre de ses émotions.
- On dirait que tu reviens d’un marathon dit Griffin.
- Tu n’es pas loin de la vérité. Je me suis fait courser par deux flics.
- Sans déconner ! Ils t’ont vu ? Ils ont peut-être tes empreintes ! s’exclame Griffin, commençant à paniquer.
- Relax ! Je n’ai pas de casier. J’ai tout effacé et je suis parti avant qu’ils ne puissent me voir. C’est tout bon, pour cette fois en tout cas.
- C’était chaud ! Du coup, tu ne risques rien. Tu m’as fait une de ses peurs !
Shawn sort la clef USB de sa poche et la tend à son ami. L’informaticien la regarde pendant quelques secondes sans bouger, l’air admiratif.
- Tu as réussi ! s’exclame-t-il, un large sourire sur les lèvres, avant de prendre l’objet.
- Encore heureux, je ne me suis pas tapé tout ça pour rien. Mais je n’ai pas pu tout télécharger.
- On va bien voir ce qu’il y a à l’intérieur lui répond Griffin, redevenant sérieux.
Le voisin de Shawn pousse sa chaise à l’aide des roulettes devant son ordinateur. Il fait craquer ses doigts, signe de grande concentration chez lui. Le jeune informaticien insère la clef lentement, comme s’il s’agissait d’un trophée et regarde l’importance du stockage. Il se tourne vers Shawn en hochant la tête, fier de son ami.
- Tu as pris pas mal de choses. Il va falloir que je décompresse le tout. Laisses moi trois heures et tu sauras tout.
- Je te remercie. J’apprécie ce que tu fais. C’est vraiment sympa de vouloir m’aider. J’ai rarement pu compter sur quelqu’un dans ma vie dit Shawn, en pensant à Myrick.
- C’est vrai que les temps changent, on ne peut pas facilement faire confiance. Mais parfois il existe des exceptions et c’est ça qui rend la vie si intéressante.
- Toujours optimiste à ce que je vois dit Shawn, en souriant du coin des lèvres.
- Il le faut bien et puis je dois t’avouer que c’est vraiment excitant de faire ça. Même si c’est toi qui a pris tous les risques dit Griffin en commençant à tapoter sur son ordinateur.
Shawn tapote l’épaule de son camarade avant de prendre congé. Sachant que lorsque son voisin est concentré sur son ordinateur, plus rien n’existe pour lui. Cela ne servirait à rien d’attendre avec lui. Autant le laisser travailler tranquillement, à son rythme et ne pas le déconcentrer.
En sortant de la chambre de son voisin, il regarde la porte de la sienne et fait la moue, n’étant pas très motivé à attendre trois heures. Il se connait, il sait d’avance qu’il ne ferait que tourner en rond. La patience ne fait toujours pas partie de ses qualités, il se demande comment il pourrait passer le temps.
Il ne pense même pas à s’avancer sur ses révisions. Sachant que dans son état actuel, il n’arriverait pas à se concentrer sur quoi que ce soit. Soudain, une idée lui traverse l’esprit, Shawn sait où il a envie d’aller, il aurait dû y penser tout de suite. Un des rares lieux où il se sent bien, c'est-à-dire le bar où Sarah travaille.
Il pourra discuter avec elle et il est sûr qu’il ne verrait pas le temps passé. Il a besoin d’elle. La jeune fille prend une place de plus en plus grande pour lui. Il ne peut plus se passer d’elle. Ce qui n’est pas non plus une très chose très judicieuse. Shawn a toujours appris à se débrouiller seul et à ne pas s’attacher. On finit toujours en miettes lorsque les gens nous déçoivent et nous quittent. Ce qui malheureusement se produit assez souvent.
Mais malgré les protections et barrières qu’il peut bâtir pour se protéger. Sarah trouve toujours le moyen de l’atteindre. Il a l’impression de ne pas exister sans elle et se demande comment il a fait pour exister avant leur rencontre.
En se rendant en ville, le jeune français fait attention d’éviter tout contact avec la police et contourne le quartier où se trouve le café Internet. Il n’a aucune envie de prendre des risques inutiles. Il en a assez fait aujourd’hui.
Il arrive sans encombre à sa destination finale. Sa barmaid adorée est accoudée au comptoir et a l’air de rêvasser. Elle relève la tête lorsque Shawn entre dans le bar et sourit en le reconnaissant.
- Ne serait-ce pas ce cher Shawn Weaver?
- Le seul et l’unique lui répond Shawn en faisant une petite révérence théâtrale.
- Trop d’honneur monsieur !
Sarah passe un petit coup de torchon sur le bar à l’endroit où son ami s’assoit et lui sert une bière.
- Quel bon vent t’amènes ?
- Je passais dans le coin dit Shawn, en déglutinant avec peine, se rendant compte que le ton de sa voix n’est pas vraiment convaincant.
Sarah le regarde droit dans les yeux et fait la moue, ne le croyant pas une seconde.
- Ok, je m’ennuyais et puis j’ai pensé à toi. Je suis venu te faire un petit coucou finit par avouer Shawn, en levant les bras en l’air.
- Je préfère cette version. C’est trop mignon, j’adore !
Gêné, Shawn s’assoit et en profite pour regarder la salle, occupée par à peine cinq clients.
- On ne peut pas dire qu’il y ait foule aujourd’hui. Comment tu fais pour ne pas t’ennuyer ?
- Tu me connais. Je suis une grande rêveuse et puis je ramène de la lecture dit-elle en lui montrant le livre qu’elle lit.
Shawn se saisit du roman et regarde le titre. Il s’agit du très célèbre « Dracula » de Bram stocker. Il hoche la tête, avant de le rendre à son amie.
- Bon choix.
- Tu l’as déjà lu ?
- Oui, ça remonte à deux ans. Tu sais, je suis passionné par la mythologie des vampires. J’ai toujours trouvé ça fascinant.
- C’est le fait de sucer qui te passionne ?
- Pardon ! s’exclame Shawn, s’étranglant à moitié.
- Le sang, les vampires sucent le sang de leurs victimes. Je ne suis pas une experte en la matière, mais je ne pense pas me tromper.
- Ah oui, t’as raison dit Shawn qui acquiesce la tête, rougissant de la tête aux pieds.
Sarah regarde son ami d’un air suspicieux, avant d’éclater de rire, en secouant la tête. Shawn ne peut s’empêcher de la regarder béatement. Elle est si belle quand elle est heureuse, quand elle sourit, quand elle rit. Peu importe ce qu’elle fait, elle est toujours belle à ces yeux. Il a l’impression d’être au paradis. Il pourrait passer le reste de sa vie à la contempler. Il est convaincu qu’il ne se lassera jamais d’un tel spectacle.
- Je suis sûr que tu pensais à autre chose.
- Quoi, moi ? Mais non pas du tout ment Shawn, qui ne veut pas passer pour un pervers.
- Vous êtes tous les mêmes.
- Ok, je plaide coupable ! J’y ai pensé et tu ne peux pas m’en vouloir. Tu as été un peu directe! Mais si tu veux tout savoir. Ce qui me passionne vraiment chez les vampires, c’est leur côté sombre et sensuel. Ils sont toujours vêtus de noir et ont trop la classe. Je crois que je suis attiré par les ténèbres et tout ce qui est obscur.
- Tu sais que n’importe qui te dirait que tu as un problème.
- Et toi, c’est ce que tu dirais ? demande Shawn, sur un ton nonchalant.
Le jeune noir ne le montre pas, mais il attend avec appréhension la réponse de son amie. Il espère de tout son être qu’elle ne le considère pas comme un fou. Shawn a toujours dit qu’il se moquait de l’opinion des autres, mais l’avis de Sarah compte plus que tout. Il a vraiment besoin de l’entendre dire qu’elle le voit comme un gars « normal ». Le contraire lui ferait trop mal. Il se rend bien compte qu’il est plus sensible et fragile qu’il ne le pensait
- Je dirai juste que je commence à assez bien te connaitre pour ne pas raisonner comme une conne.
Shawn acquiesce de la tête, la remerciant en même temps. Il se sent tout de suite mieux. C’est fou le pouvoir qu’a Sarah sur lui ! Il hésite quelques secondes, Sarah se rend compte qu’il n’ose pas lui dire quelque chose. Elle lui tapote gentiment sur l’épaule.
- Craches le morceau, qu’est-ce qu’il y a ?
- D’habitude je ne suis pas très fort pour dire ce que je pense. Mais je voulais que tu saches que je suis vraiment content de te connaître. C’était vraiment extra hier, c’est la première fois que je m’amusais comme ça. Je ne veux pas remercier les deux connards qui t’ont agressé, mais je suis heureux de t’avoir connu grâce à cette occasion. Sinon ma vie aurait été très morne. Tu es comme un arc en ciel qui illumine ma vie !
Sarah reste immobile, elle ne sait pas du tout quoi répondre, ne s’attendant pas à une telle déclaration. Ce que vient de dire son ami l’a touche beaucoup, cela l’atteint au plus profond de son cœur. Cela fait longtemps que quelqu’un ne lui avait pas dit des mots aussi doux. Heureusement qu’elle n’est pas trop émotive sinon elle se serait mise à pleurer comme une madeleine. Cela aurait fait mauvais genre ! Elle se reprend rapidement et dit :
- Je ne crois pas que ta vie aurait pu être inintéressante. Tu es quelqu’un de bien, d’exceptionnel. Tu as un cœur en or et ce n’est pas donné à tout le monde. Je suis sûr que tu aurais vécu des choses magnifiques avec ou sans mon aide. Je suis très heureuse de faire partie de ta vie et pour très longtemps, j’espère.
Les deux amis se regardent droit dans les yeux, en silence, avec tendresse pendant presque une minute.
- Et si on arrêtait de s’envoyer des compliments, ça devient gênant suggère Sarah.
- Je suis d’accord. On va dire que c’était le quart d’heure émotion. Ca va finir par me mettre mal à l’aise et après je vais prendre la grosse tête dit Shawn.
- Ne t’inquiètes pas, je serai toujours là pour te faire redescendre sur terre dit Sarah, en riant.
Les deux amis discutent tranquillement de choses et d’autres. Shawn aide son amie à débarrasser les tables ou à servir les clients. Il interprète tellement bien son rôle que certaines personnes pensent qu’il fait vraiment parti du personnel. Sarah sourit en voyant Shawn jouer les serveurs bénévoles. Il ressemble à un petit garçon qui vient de trouver un nouveau moyen de s’amuser.
L’après-midi touche à sa fin et le jeune homme se rappelle soudain que Griffin l’attend avec des informations très importantes. Il va enfin en savoir plus sur la mystérieuse organisation, qui en a après lui. Cela fait plus de trois heures qu’il s’est absenté, son ami doit avoir fini de décrypter les informations.
En tout cas, il se rend compte avec plaisir qu’il ne s’était pas trompé. Le fait d’être auprès de Sarah lui a fait oublier tous ses soucis. Il se dit qu’il aimerait pouvoir ne faire qu’un avec elle. Une véritable symbiose où il se sentirait enfin en paix avec lui-même et son âme. Il a lu un jour, que lorsqu’on ressent de la colère, cela est dû au fait que notre esprit est en contradiction avec notre être. En compagnie de la jeune barmaid, son esprit et son être ne font qu’un. Plus de colère, plus de frustration. Juste un sentiment de sérénité qu’il ne ressent que lorsqu’il est près d’elle.
Il abandonne Sarah et se dirige d’un pas rapide vers le campus universitaire. Mais à peine a-t-il mit un pied à l’extérieur du bar qu’il remarque une personne qui ne lui ait pas inconnu. Le docteur Myrick se trouve sur le trottoir d’en face et l’observe avec attention.
Shawn pousse un long soupir et ressent à nouveau sa colère remonté à la surface. Il aimerait lui faire un geste ordurier et continuer son chemin. Mais il n’est pas comme ça. Il doit lui parler, ne pas laisser sa peur du conflit prendre le dessus. Le jeune étudiant traverse la rue d’une démarche déterminée et se trouve face à son ancien patricien.
Shawn a du mal à se retenir, n’ayant qu’une envie. Celle de sauter à la gorge de ce traitre et de lui hurler ses quatre vérités. Mais il ne peut pas laisser ses émotions le submerger, il ignore ce qui pourrait en sortir. Il ne veut pas que son pouvoir se manifeste et qu’il brûle par inadvertance le jeune psychologue. Il le déteste mais ne veut pas sa mort pour autant.
Il s’oblige donc à rester le plus serein possible et à contrôler sa colère. A ne pas laisser prendre le dessus. Il doit rester maître de ses émotions, surtout que Sarah n’est pas loin. Elle pourrait l’apercevoir depuis la vitrine du bar. Il ne se retourne pas pour voir si elle le regarde, ne voulant pas que Myrick découvre qui elle est pour lui. Même s’il sait qu’il lui en a déjà durant ses séances.
- Qu’est-ce que vous faites là ? Comment avez-vous su que je serai ici? demande Shawn sur un ton très agressif.
Myrick ébauche un petit sourire timide. Il se sent mal à l’aise même s’il sait pertinemment qu’il devait s’attendre à un accueil de ce genre.
- Tu m’avais souvent parlé de ton amie et du bar dans lequel elle travaillait. Je me suis dit que je te trouverais peut être ici.
- Bingo, vous avez êtes vraiment fort ! Vous devriez penser à vous reconvertir comme détective ! Bon maintenant si vous voulez bien m’excusez, j’ai des trucs à faire.
Shawn fait mine de s’en aller, mais le psychiatre le retient par le bras. Le jeune noir fait volte-face et se dégage violemment, ne voulant pas que Myrick le touche. Il est suffisamment écœuré par cet homme.
- Je n’ai pas de temps à perdre avec vous. Alors, sans vouloir vous manquer de respect, foutez-moi la paix ! Est-ce que je suis assez clair ! grogne Shawn, sur un ton ferme.
Myrick lève les deux mains en l’air, pour prouver qu’il vient en paix et qu’il ne cherche qu’à s’expliquer. Il n’est pas venu pour lui compliquer l’existence. Seulement pour avoir une chance de lui donner sa version des faits. Le psychologue le supplie du regard de le laisser s’exprimer.
Shawn sait qu’il devrait tourner les talons et mettre le plus de distance possible avec son ancien praticien. Il lui donne envie de vomir. Mais pourtant, il reste sur place et le laisse parler. Le jeune homme est le premier étonné par son comportement. Il se doute que le fait d’avoir été en présence de Sarah quelques minutes plus tôt a joué un grand rôle. Elle arrive à l’assagir comme personne.
- Je sais que j’ai mal agi, mais certaines choses doivent rester secrètes. Ce que tu as lu sont des propos que j’ai échangé avec ton ancien psychologue en France. La situation a beaucoup évolué depuis. Pour ma part, je trouve que tu es sain d’esprit. Mais il y’a du travail à faire et je peux t’aider. Tu dois juste me laisser essayer.
- Je suis sûr que c’est faux et puis d’ailleurs, on s’en fout. J’aurais du mal à vous croire maintenant. Vous avez perdu ma confiance et sans ça… Je ne vois pas comment on pourrait continuer.
- Ne dis pas ça, je comprends ta colère mais il faut qu’on continue à se voir, je peux t’aider.
Shawn secoue négativement la tête. Myrick voit à son regard que son avis est définitif et que quoi qu’il puisse dire, il ne le fera pas changer d’avis. Il s’en veut d’avoir laissé trainer ses documents, mais c’est trop tard pour rectifier le tir.
- Pour moi, c’est impossible ! Même si je le voulais, je me sens trahi. Vous…vous êtes discrédité à mes yeux. Et rien de ce que vous pourrez me dire, ne me fera penser le contraire.
- Je sais ce que tu ressens. Mais tu ne dois pas laisser la colère te consumer.
Shawn s’énerve, son sang lui monte à la tête, le faisant bouillir de l’intérieur. Il ne supporte plus d’avoir Myrick en face de lui et de devoir l’écouter prêcher pour sa paroisse. Avant qu’il ait le temps de comprendre ce qu’il fait, son corps a déjà agi. Il attrape Myrick par le col de sa chemise et l’attire brutalement vers lui. Le psychologue ne fait pas mine de se défendre, s’attendant même à recevoir un coup. Mais Shawn se contente de lui vociférer à la figure :
- Arrêtez avec vos analyses à la con. D’abord, essayez-les sur vous, on en reparlera après !
- Tu as besoin de moi. Je suis la seule personne en qui tu peux croire ! Laisses moi une deuxième chance !
- C’est trop tard, désolé !
Sans attendre plus longtemps, il relâche son étreinte et se dirige d’un pas rapide en direction de son campus. Il profite de la foule pour s’y noyer et disparaitre en quelques secondes de la vue de Myrick.
Son psychologue grimace, déçu d’avoir raté son approche. Il reste immobile et regarde son patient s’en aller sans pouvoir faire quoi que ce soit. Il a raté son coup mais ce n’est pas pour autant qu’il va abandonner. Myrick va devoir trouver un moyen de l’atteindre et de lui faire changer d’avis, il n’a pas le choix. Shawn l’ignore encore, mais il a une grande place dans ses plans. Et sans l’aide de ce dernier, tout ce qu’il prépare depuis ces dernières années n’aura servi à rien et Myrick refuse cette idée.
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