chapitre 50
Dans les environs de 21 heures, agence du CAS. L’agent fraichement arrivé, Styles est installé derrière un bureau, près de celui de Peterson. Il prend connaissance de plusieurs rapports, transmis par ces nouveaux collègues afin de se familiariser avec les dossiers de l’organisation. Le nouvel agent est déçu, pensant qu’il serait déjà au centre de l’action. Il n’est pas un excité de l’adrénaline, mais il n’aime pas rester dans les bureaux, s’ennuyant très vite. Tout ce qui concerne l’administratif n’a jamais été sa tasse de thé, il voit cela comme une punition. Il prend sur lui et fait profil bas, attendant le bon moment pour montrer ce qu’il a dans le ventre, comme lui a conseillé son supérieur.
Après plus d’une heure de lecture, Styles se permet une pause. Il relève la tête et voit Cross se diriger vers l’ascenseur, jouant avec ses clefs de voiture. Le jeune agent regarde avec envie son directeur d’agence. Il aimerait pouvoir lui aussi quitter les locaux, il jette un coup d’œil à la pile de dossier qu’il lui reste à traiter. L’agent sait qu’il en a encore pour au moins 3 heures devant lui. Il pousse un soupir avant de se remettre au travail. C’est à ce moment que Thompson apparaît, un dossier à la main. L’informaticien regarde dans le bureau de Peterson, puis voyant qu’il n’y a personne, s’apprête à faire demi-tour.
- Je peux peut être vous aider monsieur ? demande Styles.
- Monsieur. Waouh, tu dois être nouveau ici ! Moi c’est Thompson. Juste Thompson, je préfère ! je suis l’informaticien, le geek de service si tu veux dit Thompson en lui tendant sa main.
Le nouvel agent sourit du coin des lèvres, amusé par le caractère de son collègue. Il a l’impression que Thompson ne se prend pas au sérieux et qu’il joue sur son coté nonchalant. Styles se dit qu’il doit s’agir d’un véritable génie car cette agence n’a pas l’habitude de conserver des employés qui ne se donne pas à 200%.
- Je suis l’agent Styles. Vous cherchez Monsieur Peterson, je suppose.
- Ouais, c’est bien ça. T’as tapé dans le mille.
- Il a dû quitter le bureau pour une urgence. Je n’en sais pas plus.
Thompson pousse un long soupir en apprenant cette nouvelle. Il n’aime pas ce que cela sous-entend, mais alors pas du tout.
- c’est donc moi qui dois me coller d’aller voir le grand manitou. Génial ! s’exclame-t-il sur un ton ironique.
- Si vous parler du directeur Cross, il vient de s’en aller.
- Eh bien ça c’est vraiment dommage ! Je ne vais pas pouvoir lui remettre ce dossier s’exclame Thompson, qui retrouve tout de suite le sourire.
Le jeune informaticien a beaucoup de difficultés à cacher sa joie, sachant que ce n’est pas très professionnel. Mais il n’a aucune envie de se retrouver seul à seul avec Cross. Moins il le voit, mieux il se porte. Thompson n’a jamais rencontré quelqu’un qui lui fasse autant froid dans le dos. Il dépose le dossier sur le bureau de Peterson et après un rapide salut à l’agent Styles, se dépêche de retourner dans son bureau confiné. Au cas où Cross ne se serait absenté qu’un court instant, il ne veut pas trop tirer sur la corde.
Styles se tourne vers son écran, prêt à se pencher sur un nouveau dossier, quand soudain une idée germe dans son esprit. Il se demande pourquoi il n’apporterait pas le dossier en main propre à Cross. Ce dernier ne doit pas avoir quitté le building, avec un peu de chance Styles pourrait le rattraper. Il se mord la langue, se demandant s’il doit prendre cette initiative ou se contenter de rester à sa place. Puis il repense au discours de Peterson, il ne doit pas hésiter s’il veut faire ses preuves. On préfère toujours les personnes réactives, qui savent faire preuve d’audace. Sa décision prise, il se lève d’un bond de sa chaise puis récupère le dossier sur le bureau de son supérieur. L’agent court vers l’escalier avant de dévaler les étages qui le sépare de sa poule aux œufs d’or.
Dans le parking souterrain, Cross traverse une longue allée pour rejoindre sa voiture. Le parking est pratiquement vide, de nombreux agents ont quitté les lieux. Le directeur pousse un long soupir, ayant l’impression de travailler avec des fonctionnaires. Alors qu’ils devraient tout donner pour leur mission, même leurs vies si cela pouvait permettre d’atteindre leur but. Cross ne croit pas que la jeunesse et que de nouvelles recrues amélioreront la situation, comme essaye de lui faire comprendre les hauts dirigeants. Les jeunes d’aujourd’hui ne veulent que deux choses, être bien payé et en faire le moins possible. Ce n’est pas avec cette vision qu’ils vaincront leurs adversaires. Il est hors de question que le diable l’emporte. Pas tant qu’il aura son mot à dire, il l’a promis à son défunt père et il se considère comme un homme de parole.
Lorsque le directeur arrive prés de sa voiture, il remarque qu’une jeune femme très séduisante est assise à même le sol, près de sa portière. Elle affiche un visage d’une grande tristesse, comme si elle venait de subir un terrible choc.
Cross se demande comment une civile a pu avoir accès à un parking surveillé 24h sur 24 par des agents de sécurité. Même si elle ne semble pas dangereuse, Cross est du genre méfiant. C’est ce trait de caractère qui l’a sauvé à maintes reprises par le passé. Il continue à avancer, tout en gardant sa main droite proche de son holster, prêt à dégainer son arme à la première occasion.
Il s’arrête à quelques mètres d’elle, ne la quittant pas de son regard sombre et fermé. La jeune femme ébauche un sourire timide, mal à l’aise et n’ose pas le regarder droit dans les yeux. Elle se relève lentement en prenant appui sur la portière et Cross remarque qu’elle ne possède pas d’arme. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle soit dotée de bonnes intentions à son égard.
- Je peux savoir ce que vous faites là ? demande Cross d’une voix bourrue.
- Je me suis perdue.
- Comment êtes-vous entré ? C’est un parking privé. Les vigiles ne vous ont pas arrêté ?
- Oh ! Ils ont essayé mais ils n’étaient pas très résistants. Ça a été même trop facile de les tuer. Entre nous, vous devriez vraiment revoir votre sécurité dit la jeune femme, une pointe d’humour dans la voix.
Avant que Cross n’ait eu le temps de réagir, la jeune femme qui n’est autre que Lilith a déjà agi. Elle tend sa main droite et fait quelques mouvements étranges avec ses doigts. L’instant d’après, Cross s’écroule à genou. Ses jambes ne le supportent plus et il ne peut s’empêcher de pousser un cri de douleur. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, la jeune femme ne l’a pourtant pas touché. Il a l’impression que ses organes internes sont en train de brûler, que son corps tout entier va exploser.
Une souffrance comme il n’en a jamais ressenti le paralyse totalement et des gouttes de sueur dégoulinent le long de son front. Il relève la tête et fixe son agresseur avec un regard empli de haine. Même s’il s’agit de sa dernière heure, il veut rester digne et il ne lui fera pas le plaisir de la supplier. Peu importe les supplices qu’elle compte lui infliger. Lilith semble prendre beaucoup de plaisir à le torturer, un sourire sadique se dessine sur les lèvres.
- Moi, c’est Lilith, il parait que tu me recherches !
La jeune femme s’approche de sa victime et lui assène un redoutable coup de pied en plein visage. Cross pousse un râle de douleur avant de se cogner durement la tête contre le bitume. Pendant quelques instants, il se sent groggy.
Lilith jubile en voyant l’état dans lequel elle a mis le directeur de l’agence, lui qui en a après sa famille. Il ne semble plus aussi impérieux. Elle se demande d’ailleurs pourquoi aucun de ses demi-frères n’a pensé à le tuer. Cela aurait calmé les ardeurs du gouvernement, heureusement qu’elle est là pour rectifier la situation. Lilith se doute qu’elle subira le courroux de son père lors de son retour en Enfer. Elle n’a pas le droit d’interférer sur ce qui se déroule sur Terre, mais elle sait qu’il lui pardonnera. Satan ne peut jamais lui en vouloir très longtemps, ce n’est pas pour rien qu’elle est sa préférée. Une relation très forte les unit dont beaucoup en sont jaloux.
Soudain, la jeune femme entend le cliquetis d’un revolver qu’on vient d’armer. Lilith se retourne lentement, nullement inquiétée et se retrouve face à l’agent Styles. Ce dernier pointe son arme dans sa direction. Elle affiche un sourire carnassier, n’ayant aucun doute sur l’issue de l’affrontement. Quant à lui, l’agent Styles affiche un masque de détermination. Il jette un rapide regard en direction de son supérieur, afin de s’assurer que ce dernier est encore conscient.
- Reculez de plusieurs mètres et gardez les mains bien en évidence.
- Tu as l’air tendu. Un massage te ferait le plus grand bien ricane Lilith
- Fermez là et faites ce que je dis !
- Pas besoin d’être injurieux dit Lilith, d’une voix boudeuse.
Cross récupère quelques peu ses esprits, tout son corps le fait souffrir atrocement mais au moins il est toujours en vie. Il se tourne vers le jeune agent à qui il doit la vie. Il essaye de le prévenir du danger que la jeune femme représente, mais il est trop faible et aucun mot ne sort de sa bouche.
Lilith recule très lentement avec une certaine nonchalance, les mains en l’air et dit sans se départir de son sourire narquois :
- Si je peux dire un seul mot pour ma défense, c’est brûles !!!!
L’agent Styles n’a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive, une vague de chaleur l’envahit. L’instant d’après, son corps s’enflamme et il hurle de douleur et de peur. Il regarde, apeuré les flammes le submerger, Styles tente de se jeter sur le sol pour éteindre les flammes mais sans résultat.
Il supplie son agresseur du regard, mais malheureusement pour lui, son bourreau n’est pas n’importe qui. Lilith ignore ce que le mot pitié signifie. Elle se contente de le fixer sans ciller avec un regard de prédatrice qui se délecte de la scène. Styles a l’impression que son agonie dure des heures, tellement la souffrance est insupportable.
Styles ressemble à une torche humaine, il s’écroule à genou, avant de s’affaisser raide mort sur le bitume. Personne n’entend son dernier râle en raison du crépitement des flammes. Lilith laisse le feu le consumer entièrement, ne voulant pas mettre fin à un si joli spectacle.
Cross trouve enfin la force de sortir son arme et de viser cette intruse qu’il considère comme une démone. Mais, malheureusement il est encore trop faible pour appuyer sur la détente, sa vision se brouille et son arme, devenue trop lourde, tombe au sol. La dernière image qu’il voit avant de sombrer dans l’inconscience, c’est Lilith qui se rapproche dangereusement.
Campus de Northwestern. Shawn gravit l’escalier qui le mènera à l’étage où se trouve sa chambre. Le jeune étudiant sort tout juste de la bibliothèque, où il a passé une bonne partie de l’après midi en compagnie de Sarah. Ils ont travaillé ensemble sur un devoir qui porte sur la société de consommation. Cela lui a fait du bien d’oublier toutes ses interrogations sur sa destinée et de se concentrer sur ses cours. Même s’il a du mal à ne pas repenser à la nuit de folie qu’il a vécu.
Il aimerait beaucoup pouvoir la reproduire mais il sait qu’il ne doit pas écouter ses bas instincts. Aussi tentant que cela puisse paraitre. Il doit rester maitre de ses émotions, Sarah est son ancre. Elle est la seule qui peut le sauver de lui-même. Il doit arrêter de courir après le feu, les ennuis viendront bien assez tôt à lui. La tentation est le pire des vices et pourrait avoir raison de lui, s’il ne garde pas les pieds sur terre. En arrivant à l’étage de sa chambre, il voit Griffin qui sort de la cuisine, un cure-dent dans la bouche. Les deux amis se saluent d’un signe de la tête.
- Alors ça va mon vieux, pas trop fatigué ? demande le jeune informaticien, avec un large sourire sur les lèvres.
- De quoi tu parles ?
- Ce matin, Scarlett a croisé ton amie dit Griffin, en insistant bien sur le dernier mot.
- Ah ouais ! s’exclame Shawn, ne sachant pas où se mettre.
- C’est tout l’effet que ça te fait ! Tu ne m'en as même pas parlé, ce n’est pas cool entre potes dit l'informaticien, faisant la moue.
- Franchement, j’ai rien vu venir. Y’a d’autres personnes qui sont au courant ? demande Shawn, son cœur battant la chamade dans sa poitrine, à l’attente de la réponse.
- A part Scarlett et moi, personne d'autre.
- J’aimerai bien que ça en reste comme ça. Aucune envie que ça s'ébruite. Personne ne doit en avoir connaissance. C'est très important dit Shawn, fixant son voisin droit dans les yeux.
Griffin le regarde quelque peu perplexe. Il se demande pourquoi il est si sérieux alors que n’importe quel homme s'en vanterait ou au moins raconterait tout à ses amis. Il acquiesce tout de même, en haussant les épaules.
- Comme tu veux. Je saurai tenir ma langue et je ne pense pas que Scarlett soit du genre à raconter des potins. Ton secret sera bien gardé.
- Merci, je t’en dois une dit Shawn, se détendant un peu et tapotant l’épaule de son camarade.
Soudain le téléphone portable du jeune français vibre dans la poche de sa veste. Il s’empresse de le sortir, se demandant de qui il peut bien s’agir.
- Elle était bonne au moins ? demande Griffin derrière lui.
- Tu n’as pas idée, elle pulvérise tout lui répond Shawn, un sourire rêveur sur les lèvres.
- Enfoiré !
Il porte l’appareil à son oreille et n'a pas le temps de prononcer le moindre mot qu'il reconnait la voix de Lilith.
- Retrouves moi dans 20 minutes à l'endroit où tu as tué ton premier homme.
Shawn n'a même pas le temps de lui poser la moindre question car sa demi-soeur a déjà raccroché. Shawn entre dans sa chambre, perplexe. Il a un mauvais pressentiment et se demande dans quelle histoire il va encore se retrouver à cause de la jeune femme. Le ton de sa voix était glacial, cela lui fait froid dans le dos. Mais il sait que de toute façon, il se rendra au rdv. La curiosité est trop forte, c’est ce qui finira par le tuer un jour.
Agence du C.A.S. L’agent Peterson revient d’une mission sur le terrain avec cinq de ses hommes. Il a à peine le temps de traverser le hall d’entrée que Thompson surgit du bureau de surveillance et l’attrape par le bras. Le bras droit du directeur s’apprête à se dégager violemment, mais il s’abstient en voyant le visage pâle de son collègue. Il comprend tout de suite qu’un évènement grave s’est produit.
- Qu’est ce qui se passe Thompson, expliquez-vous ?
- Nous avons eu une intrusion. 3 agents sont morts et le directeur Cross a été kidnappé.
- C’est quoi ce bordel, putain ! On sait qui a fait le coup ?
- Venez avec moi. Ça sera plus simple.
Peterson hoche de la tête, prés à suivre l’informaticien, avant de faire un signe de la tête aux autres agents. Ces derniers comprennent les instructions. Ils se dirigent vers l’armurerie afin de s’équiper et de se tenir prêts à en découdre.
Une fois dans son bureau, l’informaticien se connecte au serveur afin de retrouver la vidéo du parking. Les deux hommes assistent à l'agression de Cross et l'agonie de l'agent Styles. Peterson grimace en voyant le spectacle macabre, les cris de l’agent ne l’aide pas à se calmer.
Pour la première fois depuis le début de leur lutte, ils peuvent voir le visage d’un des rejetons de Satan sans que l'image ne soit perturbée. Lilith semble savoir où se trouve les caméras et ébauche même des larges sourire dans leurs directions. Elle soulève le corps de Cross à mains nues, comme s’il était aussi léger qu’une feuille avant de le jeter dans le coffre d’une voiture et de prendre la fuite.
Peterson a très envie de vomir. Il se considère responsable de la mort du jeune agent. C'est lui qui aurait dû être à sa place. C’est lui le bras droit de Cross, c’est son travail. Ce sentiment de culpabilité va le hanter longtemps. Styles n’était qu’un gamin, il avait toute la vie devant lui. Il ne méritait pas de finir ainsi. Peterson est plus que motivé à arrêter cette furie et à lui faire payer ses actes, au prix fort.
L’agent ne doit pas laisser sa colère prendre le dessus, il doit conserver son sang-froid et agir comme un leader. Tous les hommes du C.A.S comptent sur lui pour reprendre la situation en main et sauver le directeur. Ce n’est pas le moment de laisser ses émotions dicter sa conduite. Le temps de la vengeance viendra bien assez tôt.
- Cette vidéo est notre première vraie preuve depuis longtemps. Avec ça, on va pouvoir avancer dit Peterson.
- Qu’est ce que l’on fait pour le directeur ?
- Vous avez pu localiser la balise qu’il porte sur lui ?
- Elle est brouillée, le satellite fait choux blanc. C’est pourtant du matériel High Tech, on devrait pouvoir le retracer. Je ne comprends pas ce qui a bien a pu se produire.
- Ce n’est pas la première fois que nous sommes dans le flou. Je prends les opérations en main.
- Je suis en train de me pencher sur les caméras de circulation. Je devrai pouvoir retrouver la voiture avec laquelle ils sont partis.
- Que quelqu’un s’occupe de prévenir le haut conseil, je n’ai pas le temps pour ça. Je veux que tous les agents reprennent du service et qu’ils passent toute la ville au peigne fin. Il nous faut du concret et vite. Chaque seconde est cruciale. Cette fille ne semble pas animée des meilleures intentions dit Peterson, en montrant la vidéo du doigt.
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