CHAPITRE 25 : « Royaume de Fram » « Alexandre »
CHAPITRE 25 : « Royaume de Fram » « Alexandre »
Alexandre hoche la tête en comprenant bien les réserves du maître d’armes.
- Il y aura toujours et partout des fourbes qui chercheront à tirer les marrons du feu sans se salir les mains, je présume que tu as quelqu’un en tête en particulier ?
- Qui d’autres que les nobles et les officiels des cinq royaumes !! Maître Wong paie les taxes rubis sur l’ongle, mais il y a toujours des personnes qui espèrent obtenir plus même si ce n’est pas issu d’un décret royal et donc à se mettre hors-la-loi des royaumes.
- Cela s’appelle de l’extorsion de fonds, n’y a-t-il personne pour les condamner ?
Sire Timan reprend les rênes de sa monture, signifiant par là qu’il est temps de repartir et ce n’est qu’une fois remis en selle, qu’il se tourne de nouveau vers son jeune compagnon de voyage.
- Es-tu stupide ou viens-tu d’un autre monde ? Ce sont justement ces gens qui font les lois et qui sont au cœur de toutes ces dépravations, qui veux-tu qui les condamne sinon le roi lui-même ? Encore faut-il qu’il ait des preuves formelles pour ça !! Le jeu de pouvoir dans les cinq royaumes fait que l’ennemi d’hier peut devenir l’allié d’aujourd’hui et vice versa, de plus les officiels sont pour la plupart issus de la haute noblesse et donc plus ou moins lointains cousins royaux, crois-tu que Sa Majesté irait les mettre en prison ou en exil pour avoir tiré profit du peuple ?
- Mais alors comment font les autres ?
- Tu parles de qui ? Des autres marchands ou de tous ceux qui se font escroquer ?
- En général !!
- Ils paient tout simplement, certains pour les plus pauvres au point de ne plus pouvoir nourrir leur famille et de se vendre en esclavage pour ne pas mourir de faim.
Sire Timan n’attend pas de réponses, il voit bien combien le jeune Ale semble perturbé par ces paroles et du coup se demande une fois encore, quel genre de vie ils ont vécu lui et ses deux amis, pour ne pas connaître ce qui pourtant n’est un secret pour personne.
Bien sûr il est loin, voire très loin de la vérité concernant les garçons que maître Wong a recueillis, pourtant la présence du grand chaman lui permet de ne pas tellement s’en éloigner quant au côté mystérieux, voire mystique de leur véritable nature.
C’est donc chacun avec des pensées bien différentes qu’ils reprennent leur chevauchée, jusqu’au soir où ils s’arrêtent pour la nuit à l’auberge jouxtant l’établissement de coche qui reprend leur monture en leur promettant d’en retrouver des fraîchement reposées dès le lendemain matin.
L’entrée dans l’auberge amène d’emblée aux deux amis une étrange impression, le silence ambiant ne correspondant absolument pas à ce genre d’endroit surtout bondé comme il l'est ce soir-là.
Sire Timan se penche à l’oreille d’Ale.
- Garde ton visage bien couvert pour l’instant, nous demanderons des chambres et à ce que nos repas nous soient montés.
- Entendu !!
Les deux amis s’avancent jusqu’au comptoir de l’estaminet où un homme rougeaud et de fort embonpoint les reçoit avec un grognement, sire Timan lui tend une pièce d’argent qui disparaît aussi vite qu’elle était apparue et qui amène un semblant de jovialité au personnage.
Du coup sire Timan ose une question sur l’ambiance du lieu.
- Pourquoi ce calme ?
- Sans doute à cause du groupe là-bas, nous ne sommes pas habitués à avoir ce genre de clients.
Sire Timan dirige son regard dans la direction de celui du maître des lieux, il aperçoit alors en fond de salle quatre prêtresses accompagnées par deux novices, le visage caché par la vaste capuche de leur vêtement de toile.
La beauté des femmes lui amène un intérêt soudain, accompagné d’un ricanement de compréhension.
- Hé ! Hé ! Ne serait-ce pas plutôt la beauté de ces prêtresses qui cloue le bec de tous ces hommes ?
- C’est ce à quoi j’ai pensé au début mais ce n’était pas aussi silencieux loin de là, je dirais même que c’était à la limite de l’incorrection face à des représentantes du temple, attendez seulement messire que l’un ou l’autre des novices se tourne de votre côté et vous comprendrez le trouble de ces hommes frustes à admirer de la sorte quelqu’un de leur propre sexe.
- Vous piquez là ma curiosité monsieur ! Mais nous sommes rompus de fatigue et nous préférons nous reposer plutôt que…
Sire Timan n’a pas le temps de terminer sa phrase que tout semble reprendre la normale autour d’eux, sauf qu’un groupe d’hommes grossièrement vêtus s’approche de la table des prêtresses avec des intentions on ne peut plus claires.
- … cessez donc là gredins, où il va vous en coudre de devoir vous frotter à mes poings et à mon épée !!
Ale qui suivait tout cela à moitié endormi sursaute en entendant la voix puissante de sire Timan, il va pour lui demander quelle mouche le pique que déjà il n’est plus près de lui et envoie voler l’homme le plus proche des prêtresses, la suite se fait comme dans un brouillard tellement c’est rapide et expéditif, laissant Ale sans voix d’une telle maîtrise des arts du combat qu’il va devoir rapidement apprendre.
Il comprend mieux alors le délai de cinq ans qui lui avait amené sa réflexion sur le fait de ne pas savoir où il serait l’année suivante.
***/***
Les quatre prêtresses s’apprêtaient à supporter tout en remettant à sa place le groupe de soûlards, quand ces derniers se retrouvent dans le fossé bordant la route et qu’elles voient réapparaître celui qui leur est venu en aide, en compagnie d’un compagnon semblant bien plus jeune.
L’une d’elles reconnaît en premier les vêtements qu’ils portent et s’en trouve soudainement rassurée, reprenant espoir de terminer leur voyage sans plus de soucis.
- N’êtes-vous pas messire de la garde noire du maître marchand Wong ?
- Si fait mais que font des prêtresses seules dans un tel endroit et surtout sans personne pour les accompagner ?
- Ce n’est juste que pour la nuit messire, nous ne nous attendions pas à ce que cette auberge soit aussi mal fréquentée. La caravane que nous suivions n’allait pas jusqu’à la cité royale et il est prévu que nous soyons pris en charge par la prochaine qui passera ici demain matin, les caravanes de maître Wong sont bien connues pour leur ponctualité et je me vois ravie qu’il vous ait envoyés devant pour prendre soin de nous.
- Vous faites erreur, nous voyageons seuls avec mon compagnon mais je serais honoré de vous accompagner jusqu’à la cité royale où nous nous rendons également.
La discussion continue ainsi jusqu’à ce que l’aubergiste les avertisse que leur repas a été monté dans leur chambre, un gargouillis venant de leur estomac montre bien combien l’annonce arrive à bon escient.
Ils se quittent donc avec promesse de s’attendre pour partir ensemble le lendemain, ce n’est qu’une fois dans la chambre de sire Timan qu’Ale prend enfin la parole.
- N’est-ce pas étrange ?
- Pourquoi donc ? Cette auberge est à un carrefour où nos caravanes se croisent souvent.
- Je ne parlais pas de ça mais du fait qu’elles soient seules dans un tel endroit, et puis il y a aussi les deux gars qui cachaient leur visage, j’ai bien essayé de les apercevoir mais impossible tellement ils faisaient attention.
Sire Timan l’écoute d’une oreille, trop préoccupé par son repas qu’il avale à grandes bouchées, quand une réponse lui vient aux paroles de son compagnon de voyage.
- Maintenant que j’y pense ! Sans doute est-ce deux des novices que le grand chaman a fait venir en renfort pour ton ami !!
Ale se rappelle des conversations à ce sujet qu’ils ont eues durant toute la durée de ce long voyage, aussi fronce-t-il le front, visiblement troublé par une pensée.
- J’ai idée qu’ils vont faire tout ce trajet pour rien.
- Comment peux-tu le savoir ?
- Parce que mon « ami » n’est pas ce genre de gars à faire n’importe quoi avec n’importe qui, que ce soit lui, Kim ou moi, nous ne sautons pas sur le premier venu comme des pervers, juste pour satisfaire nos envies.
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