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Ce qu’elle avait entrepris de me faire comprendre ce soir là, avec cet homme imaginaire qui aurait bien pu être moi, cet homme aigri qui est voué à voir venir la mort obscurcir les derniers jours de « sa piteuse et calamiteuse existence » — pour reprendre les termes exacts de ma mère —, se trouvait être une réponse à la troublante question que je te livre : en quoi la mort est une « vérité » sur la vie ?
Je n’avais pas de doute à ce qu’il faille savoir goûter l’extraordinaire quintessence de la vie, et cela sans se poser mille et une questions afin de l’apprécier, car dans le cas contraire, la vérité se fait tout d’un coup entendre à nos oreilles et sa voix n’est pas des plus douces, elle fait peur, elle "grince des dents" des souvenirs malheureux, elle ordonne aux cerveaux de se remémorer ses plus vifs regrets.
Encore aujourd’hui, j’imagine cet homme aigri dont ma mère faisait le portrait, et cela avec beaucoup de tendresse et non de pitié. L’idée même d’être en empathie avec lui me fait pleurer, et je n’ai de cesse de ressentir avec émotion sa terrible fatalité qui vient le hanter tel un démon jusqu’au point de ne plus pouvoir fermer l’œil la nuit.
Comme lui, j’étais effrayé de trépasser et de croire que l’on puisse à jamais finir dans l‘oubli. Et je savais que seul un testament puisse répondre à cette injustice.
Dès lors, j’entends une voix me dire que la mort est un salaud. Et c’est la trouille au ventre que je rédige mon testament. Qu’allais-je pouvoir léguer à mes camarades de mauvaises vicissitudes ? Mes frères humains ? Ces raclures pourvues d’un cœur de pierre. Le DEUS EX MACHINA ? En rien, je ne leur ferais ce lègue, ami, car en rien ils n’ont su être le "Deus ex machina" pour autrui.
Ami, penses-tu réellement qu'on peut être un sauveur pour les autres quand on ne sait pas aimer ?
Ma réponse est "non", car tous ces impies, ces mécréants de la vie ne veulent qu’une seule chose, que je sois ce vieil homme aigri, qui autrefois, nourrissait comme tout à chacun le rêve de devenir une personne respectée et honorable.
Oui, ceux-là veulent que je crève en homme éreinté par la vie. Une vie pleine de tourments qui n’a d’égale que son vieux cœur fatigué, usé par le temps ainsi que par une existence trop bancale, assujettie par mille et un regrets.
Ils souriront ces merdeux lorsque viendra poindre l’heure fatidique à l’horloge de ma déplorable destinée. Je n’aurais alors, en ma faveur, qu’une seule et dernière volonté, celle-là même de reposer en paix, loin du vacarme incessant d’une espèce humaine déshumanisée ainsi que des hurlements effrontés de quelques milliard de loups affamés.
À l’inverse de la dernière volonté d’un homme aigri, je ne saurais dire quelle est la première et véritable volonté d’un enfant ingénu dans l’idée que celle-ci va écrire sa destinée.
Je me souviens que pour ma part, ma première et réelle volonté arriva tard dans ma vie. Il est vrai que je ne fus pas précoce en la matière. Elle vint à l’aube de mes quatorze ans, alors que je finissais de lire un ouvrage intitulé « Le jour où je me suis mis à écrire ».
Ce roman, dont la mièvrerie utopique me fascinait plus que tout, fut pour moi une véritable révélation.
Alors que je ne saches en rien de ce que pouvait me réserver l‘avenir, je sus, après la lecture de ce bouquin, que mon destin était lié à celui de devenir écrivain.
Oui, ami, mon destin était scellé à la magie de mon imaginaire qui n’était pas en reste d’histoire abracadabrantesque. Aussi, j’entrepris avec foi et sérieux de suivre le chemin tortueux du métier d’écrivain qui mène tout droit vers l’excellence d’un texte, d’une poésie ou même voir d’un roman.
Dès lors, je mis ma mère dans la confidence de cette divulgation qui me tenait tant à cœur. Elle trouva cela géniale et m’encouragea dans cette voie. À ce soutien espéré, je me souviens que j’étais fou d’excitation.
Dès lors, trépidant d’impatience, je me mis au travail en m’offrant corps et âme à l’exercice de l’écriture. Chaque jour, dès le soir venu, après avoir dîné où je flirtais avec ma douce mère, j’allais dans « la claire fontaine » où j’écrivais tout et n’importe quoi.
J’écrivais tout ce qui me passait par la tête en les couchant sur le papier.
Seulement, pauvre de moi, ami, je dois t’avouer une regrettable « vérité », en rien je n’avais une once de talent. Mes écritures s’enlisaient dans un style et un schéma tortueux. C’était décevant, voire même déprimant.
Me lire était un véritable calvaire. Tout sonnait faux et pis encore, tout le contenu de mes écritures n’était que de la poudre de Perlimpinpin.
Certes, j’étais déçu mais pas vaincu. Il était hors de question que j’abandonne, que je me laisse aller à l‘introspection de mes pensées négatives.
J’allais de suite me ressaisir et m’efforcer à vivre mon rêve et non pas de rêver à ma vie, il en allait de ma fierté jusqu’au plus lointain de mes désirs insoumis. Aussi, je ne baissais pas pavillon et au fil de dure soirées de travail, je pouvais me ventais d‘un léger progrès dans ma fonction d‘écrivain.
Parfois, j’avais sur des phrases, des idées de génie. Les mots s’enchaînaient admirablement bien, faisant bout à bout un texte lisible sans être dénué de sens. La syntaxe était agréable à lire et sans m’en rendre compte je faisais de la poésie à mon insu.
A ce sujet, je me rappelle avoir écrit une sorte de poème en prose que j’aimais particulièrement. Celui-ci, dédié à ma sainte mère chérie, s’intitulait « Belle de match » et ommençait par c’est quelques mots :
« Au jour où les belles de matchs se font précieuses, vous êtes la plus belle d’entre toutes.
Mon cœur, chaque fois, s’embrase en vous voyant, et je n'ai de cesse à me convaincre, que vous aussi, vous venez d'une planète invisible.
La simple évocation de votre nom me fait frémir et quand vient la nuit, aux heures de mes plus tendres chimères, je songe à l’idée de partager un baiser avec vous.
Aussi, je rêve que je suis votre partenaire de tennis en votre si charmante compagnie.
Vous me faites le plaisir de vous donner une leçon intime et cabotine de mon savoir sur la petite balle jaune.
Dès lors, je ne peux m’arrêter en rien de rêvassais à vos services pleins de vices que je relance d’un retour adroit, ma main posée sur mon manche bien bandé, afin d’apercevoir sur une de vos frappes en revers chopé, votre petite culotte blanche sous votre jupe plissée ».
Puis, je me laissais aller dans mon écriture à la divagation de l’auteur qui aurait un peu trop bu de boisson alcoolisée.
Mais la magie n’opérait pas à chaque fois et rebelote, je me remettais à écrire des âneries.
Beaucoup d’autres que moi, je le sais, auraient abandonnés l’idée de devenir écrivain, pas moi.
Obstiné, je me suis mis à travailler sans relâche et sans avoir peur de tacher le buvard. Je me disais à chaque fois que je prenais une feuille et un stylo, « à cœur vaillant, rien d’impossible », et ce proverbe, qui fut mon leitmotiv pendant des années entières, ne peut, encore à ce jour, se détacher de moi.
Oui, ami, avec du courage on vient à bout de tout. Preuve à l’appui ce manuscrit que tu tiens, fébrile, entre tes mains.
ALORS, QUOI D’AUTRE ? La volonté d’un homme est sacrée, si tant est qu’elle ne soit pas assassine, et de volonté, dans ce mariage, il en était question. SILENCE.
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