Chapitre 12
Dès que Véra et Marcus furent hors de mon champ de vision, je me reconcentrais sur ce qu’il se passait autour de moi et surtout sur Isa et ses filles. Je leur fis préparer une chambre au sein du palais. Pendant près d’une heure, je discutais avec tout le monde, jusqu’à ce que Margot arrive. La colère sur son visage ne me rassura pas.
— Élia, viens là, il faut que je te parle.
— J’arrive.
Elle m’attrapa par le poignet et je la suivis pendant une vingtaine de minutes jusqu’à une petite pièce où nous attendait une femme, un mètre autour de cou.
— Mets-toi là et ne bouge pas. Myriam est la styliste du palais, elle va refaire ta garde-robe, comme me l’a demandé l’Impératrice. Bien que je trouve cette dépense tout à fait inutile et superflue.
— Avouez que vous ne m’aimez pas ! Je déteste les sous-entendus.
— Que se soit clair Élia, tu n’es rien ici. Ce n’est pas une gamine dans ton genre, une simple demoiselle de chambre qui va faire la loi. Aurais-tu déjà oublié qu’en tant que tel, tu n’as pas le droit de toucher l’Impératrice ou de lui parler sans qu’elle t’autorise à le faire ?
— Je n’ai pas oublié.
— Pourquoi tu ne le fais pas alors ?
— Vous êtes juste jalouse en fait. Vous ne m’aimez pas parce que je suis proche d’elle et ça vous dérange. Parce que vous travaillez ici depuis qu’elle est née et parce que je ne suis qu’une simple demoiselle de chambre, comme vous le dites si bien. Si elle vous aimait un tant soit peu, ne croyez-vous pas que c’est avec vous qu’elle passerait plus de temps ? Si elle avait pu, je vous aurais déjà remplacé depuis longtemps.
Ses joues s’empourprèrent de rage et elle me gifla. J’avais visé en plein dans le mille. Elle était juste jalouse de ma relation avec Véra. On ne se connaissait que depuis cinq mois, et elle voulait déjà faire de moi la nourrice de ses enfants.
— Tu n’es qu’une gamine insolente ! Dès que toute cette mascarade est terminée, tu remballes tes affaires et tu iras dormir ailleurs. À partir de maintenant, je t’ai à l’œil, petite, tu ne seras plus jamais seule avec l’Impératrice.
— Faites, si ça vous chante. De toute façon, ce n’est pas vous qui décidez d’où je dois dormir ni qui je dois voir. Vous n’êtes ni ma mère ni mon Impératrice.
— Dépêchez-vous d’en finir au plus vite, ordonna-t-elle à la styliste avant de sortir de la salle.
Pendant près de deux heures, je restais debout, immobile. Elle prit d’abord mes mensurations avant de me faire essayer divers tissus. Quand elle fut satisfaite, elle me laissa enfin partir. Même si ces deux heures été passer lentement, je voulais y retourner. Je devais faire mes affaires, les ranger dans ma valise pour me trouver une nouvelle chambre. Margot avait été claire, elle ne voulait pas plus de moi dans la chambre de Véra. Si elle avait pu, je suis sûr qu’elle m’aurait renvoyé chez moi.
Je me dépêchais donc de tout ramasser, ne voulant pas croiser Véra à ce moment-là. Malheureusement pour moi, elle arriva quand je m’apprêtais à partir.
— Élia ? Qu’est-ce que tu fais ? m’interrogea-t-elle alors, inquiète.
Je vérifiais que Margot n’était pas là avant de lui répondre.
— Je vous avais prévenue que Margot ne m’aimait pas. Elle n’accepte pas que nous soyons si… proches.
— Je vais lui parler, repose tes affaires.
— Non ! S’il vous plaît. Je ne veux pas avoir plus de problèmes que je n’en ai déjà.
— Comme tu veux. Dès que tu sais où sera ta chambre, préviens-moi et fais attention là-bas. Ferme ta porte à clé toutes les nuits, d’accord ?
— Je vous le promets.
— Tu reviendras vite ici, fais-moi en confiance.
— J’ai confiance en vous, Véra. Plus qu’en n’importe quoi d’autre.
— Fais attention à toi, mon ange.
Elle m’embrassa sur le front avant de me laisser partir. Pour moi aussi c’était compliqué. À cause de Margot, finis nos ballades en solitaire dans les jardins. Finis nos excursions secrètes dans son repère. Finis nos discussions passionnée et constructive pendant son bain. Heureusement pour nous, Margot ne savait pas que j’avais le numéro de téléphone de Véra et que nous pourrions toujours échanger de cette manière.
Muni de ma valise, je descendis jusqu’au sous-sol, étage des domestiques et demanda une chambre à celle qui régissait l’ensemble du personnel du Palais. Elle regarda dans un registre avant de récupérer une clé derrière elle et de m’inviter à la suivre. En arrivant devant une porte en bois, elle me donna la clé et s’éloigna. Je mis la clé dans la serrure et ouvrit la porte.
La chambre était minuscule. Hormis un lit une place et une armoire, il n’y avait rien d’autre. Elle était même plus petite que ma chambre chez ma mère. Au plafond, une ampoule éclairait faiblement la pièce. J’ouvris ensuite les volets qui dévoilèrent tous de même une magnifique vue sur les jardins et surtout sur les parterres de roses. Avant même de déballer mes affaires, j’envoyais un message à Véra pour l’en informais. Je me dépêchais ensuite de tout ranger avec de reprendre mon travail. Aujourd’hui, je devais changer les draps du lit de Véra.
Quand je finis tout ce que j’avais à faire, le soleil commençait à peine à disparaître. La lumière, comme les nuages semblaient rouges et j’avais un mauvais pressentiment. Je devais quitter cette chambre au plus vite, avant que l’Impératrice ou Margot ne reviennent. Pourtant, dans la seconde, la porte s’ouvrit, laissant entrer les deux femmes. Je baissais alors la tête.
— Il faut vraiment que tu arrêtes d’insister, commença Véra. Je ne compte pas me remarier et ma décision est définitive.
— Mais enfin…
— Laisse-moi vivre, d’accord ? Tu n’es pas ma mère. Tu n’es rien d’autre que ma dame de chambre alors reste à ta place.
— Vous n’étiez pas aussi désagréable avant cette gamine.
Instantanément, je sentis le regard de braise de Margot dans mon cou. Je décidais de me faire toute petite et me plaquais contre un mur, le plus loin possible d’elles. Seule Margot avait remarqué ma présence, je devais disparaître au plus vite.
— Cette gamine, comme tu dis, me rend plus heureuse que toi !
— Elle vous détourne de vos obligations ! Depuis qu’elle est là, vous…
— Depuis qu’elle est là, j’ai pris de l’avance sur tout ce que j’avais à faire ! Ne vois-tu pas qu’avec les pauses que je m’octroie, je suis plus productive ?
— Vous allez surtout finir par vous mettre le Conseil à dos !
Dès que j’aperçus enfin le moyen de sortir de la chambre sans me faire repérer, je ne me fis pas prier. Dès que je fus hors de portée de la dispute des deux femmes, je ralentis enfin ma course et repris tranquillement mon souffle. Pourquoi fallait-il que je sois toujours au centre de leurs discussions ? Je savais que Margot ne m’aimait pas, mais là. En sentant les larmes me monter aux yeux, je me dépêchais de retourner dans ma chambre pour récupérer mon téléphone et me changer avant de filer dans la salle de bal. J’avais besoin de libérer mes émotions, et c’était par la danse que je l’avais toujours fait. Au moment de lancer la musique dans mes écouteurs, je reçus un message de Véra.
— Je sais que tu étais là. Est-ce que ça va ?
L’ignorant, je démarrais ma musique, posais mon téléphone sur l’un des haut-parleurs de la chaîne hi-fi et commençais à danser. Au fur et à mesure des pas, je laissais mes émotions. Peu de temps avant la fin de la musique, mes jambes lâchèrent sous moi et je m’effondrais en larmes. Quelques minutes plus tard, une main sûre posa sur mon épaule et quelqu’un apparut dans mon champ de vision.
— Tout va bien, Mademoiselle Élia ?
— Sandra ? Oui, oui, ça va, répondis-je en séchant mes larmes.
— Venez, je vais vous faire du thé.
— C’est gentil Sandra mais…
— Je ne veux pas savoir, suivez-moi.
Elle récupéra mon téléphone, enleva mes écouteurs et attrapa ma main. Elle me tira jusqu’en cuisine. Elle m’obligea ensuite à m’asseoir à table, posa une tasse devant moi et la remplie de thé vert. Elle se servit à son tour et s’installa en face de moi.
— Qu’est-ce qu’il se passe alors ?
— Ce n’est rien. Merci pour le thé.
— Vous pouvez me parler, Mademoiselle Élia. J’ai appris que vous aviez une autre chambre. Vous avez eu une altercation avec l’Impératrice ?
— Non ! Ce n’est pas avec elle mais avec Margot. J’apprécie l’Impératrice et être avec elle mais ça ne plaît pas à Margot.
— C’est elle qui vous a mis à la porte ?
— Oui.
À ce moment-là, mon téléphone sonna. Je le sortit de ma poche et regarda de qui venait le message et c’était encore Véra.
— Où est-ce que tu es Élia ? Réponds-moi s’il te plaît. Je suis inquiète.
Je reposais mon téléphone, écran contre la table et bu une gorgée de mon thé, tant qu’il était encore chaud.
— Vous ne répondez pas ?
— Pas la peine.
— Bon, donnez-moi ça, je vais répondre à votre place.
Sans que j’aie le temps de réagir, elle récupéra mon téléphone et le déverrouilla. J’aurais dû mettre un mot de passe.
— C’est l’Impératrice que vous ignorez comme ça ? Pourquoi ?
— Peu importe et ça ne vous regarde pas, Sandra.
— Bon, je réponds à votre place.
— Non !
Je voulus l’en empêcher mais c’est elle qui me bloqua l’accès à mon téléphone.
— Et voilà, je lui ai dit que vous étiez là.
— Vous n’auriez pas dû. Ça va encore me retomber dessus.
— Arrêtez de vous lamenter et buvez votre thé.
On discuta pendant un bon moment. Même sans parler de mon amitié avec Véra, ça faisait du bien de parler à quelqu’un d’autre, de ne pas se sentir rejeter.
Annotations