La voiture venait de s’arrêter, une dizaine de mettre avant la maison de ma mère. De là où j’étais, je pouvais voir que la végétation autour de la maison était toujours entretenue. De l’extérieur, rien n’avait changé. Tout était exactement comme avant mon départ.

— Tout va bien, Mademoiselle Élia ? m’interrogea le chauffeur.

— Oui. Je vais prévenir ma mère de mon retour, vous déplacerez mes affaires ensuite.

— Pas de soucis.

Nerveuse, je marchais jusqu’à la porte et frappais pour signaler ma présence. J’attendis ensuite qu’elle m’ouvre. Quand le regard de ma mère rencontra le mien, un sourire étira ses lèvres avant qu’elle se jette pour me serrer dans ses bras.

— Bonjour, maman.

— Ma chérie, tu m’as tellement manqué.

— Toi aussi tu m’as manqué.

— Laisse-moi te regarder ma grande. Tu as grandi ?

— Un peu oui.

— Que tu es belle ! Tu es devenue une vraie jeune femme.

— Merci.

— Aller rentre, ne reste pas dehors.

— Ça te dérange si mon chauffeur monte mes affaires ? Il doit repartir assez vite.

— Ton chauffeur ? Non pas du tout, qu’il le fasse.

Je lui fis signe qu’il pouvait et suivit ma mère à l’intérieur de la maison. Je finis par m’asseoir sur le canapé dur. Habitué au luxe du palais impérial, je remarquais immédiatement tout ce qui était différent.

— Je n’ai que de l’eau à te servir, ça te va ma grande ?

— Ça ira très bien, ne t’embête pas avec ça.

— Tu dois être habitué au luxe du palais. Ce n’est pas trop minable ici ?

— Cette maison ne sera jamais minable maman. Parce que c’est chez nous.

Ma mère posa nos deux verres d’eau sur la table basse, s’assit à côté de moi sur le canapé et attrapa mes mains dans les siennes.

— Parle-moi un peu de toi, comment tu vas, mon bébé ?

— Pas très bien en fait. C’est pour ça que je suis là.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Au palais, j’ai rencontré quelqu’un dont je suis vraiment amoureuse. Mais je n’avais pas le droit de l’aimer et une autre a voulu me condamner à mort pour ça. C’est l’Impératrice qui m’a sauvé juste à temps. Ce que cette femme m’a fait…

— Oh ma puce. Tu n’aurais pas dû rester là-bas. J’aurais dû te faire revenir dès que j’ai eu de tes nouvelles.

— Non. Hormis ça, je suis heureuse là-bas. J’ai des amis et je ne suis pas inutile. L’Impératrice compte sur moi. Elle compte sur ma guérison et mon retour.

— Tu travailles pour elle du coup ?

— Oui. Je suis sa dame de chambre. Je sais que tu n’aimes pas cette pratique, mais ce n’est pas un caprice de l’Impératrice. N’étant pas mariée, elle ne peut dormir seule.

— Bon très bien. Parle-moi de tes amis.

— Sandra travaille en cuisine, Isa est une invitée et Marcus…

— Un garçon ? Est-ce que c’est lui que…

— Il est marié à Isa. Il est juste mon partenaire de danse, mon meilleur ami et…

— Et quoi ?

— C’est le cousin de l’Impératrice, le prince héritier de Carandis et j’étais la témoin de sa femme à leur mariage.

— Attends, quoi ?

— Véra, enfin l’Impératrice nous a présentés lors de mon premier bal pour que j’aie un partenaire de danse. Depuis, on ne se quitte plus. Il est vraiment important pour moi maman et il est présent depuis le début.

— Tant que c’est un gentil garçon.

— Il est adorable. Un peu relou parfois, mais très gentil.

— Et celui que tu aimes ?

— C’est trop tôt pour te dire qui sait, mais c’est une femme et cet amour est réciproque.

— C’est à toi de voir, mais un jour ou l’autre, je veux la rencontrer.

— Tu la verras un jour, je ne m’inquiète pas pour ça. Dis-moi, tu as besoin que je fasse des courses ?

— C’est vrai qu’on n’a rien à manger pour se soir. L’argent commence à manquer par ici.

— J’ai une carte bleue, je peux faire les courses.

— Tu as combien sur ton compte ?

— Est-ce que je dois vraiment te le dire ?

— Je ne veux pas te faire payer plus que tu n’as. Dis-moi.

— En vrai, je ne sais pas. Mes fonds sont illimités, mais je ne veux pas abuser. Mais en même temps, si je ne l’utilise pas, elle ne va pas aimer, rigolais-je.

— Illimités ? Elle ?

— C’est l’Impératrice qui m’a passé cette carte et qui alimente le compte qui y est lié. Elle voulait que je ne manque de rien en venant ici.

— Décidément, cette femme tient beaucoup à toi.

— Plus que tu ne le crois, ajoutais-je à voix basse.

— Allons faire les courses ensemble dans ce cas.

Je souris à ma mère et me levais pour récupérer mon sac à main, où j’avais rangé la carte bleue de ma bien-aimée et surtout, mes papiers d’identité. Je ne les avais remarqués que pendant le trajet, mais Véra les avait fait refaire à neuf, pour s’assurer, encore, que je n’aurais pas d’ennui pendant mes vacances. Elle n’était pas Impératrice pour rien, elle pensait à tous, avec deux longueurs d’avance sur moi en permanence. C’était aussi pour ça que je l’aimais. Parce qu’elle était prévoyante et attentionnée. Juste avant de sortir j’envoyais un message à Véra pour la rassurer.

Après une heure de courses au marché, notre sac n’avait jamais été aussi rempli. À chaque fois que je payer avec ma carte, les commerçants faisaient les yeux ronds. Dans ce village, la famille Aubelin était la plus pauvre. Même ma mère n’avait pas de carte bleue. Quand on passa devant le stand de fleurs, je reconnus immédiatement l’odeur des roses. Le fait de ne plus la sentir en permanence autour de moi avait un côté dérangeant. Véra n’était pas là, mais c’était moi qui avais pris la décision de partir. Je décidais finalement d’acheter un bouquet de roses que j’installerais dans ma chambre, comme si Véra était toujours à mes côtés.

En rentrant à la maison, j’aidais ma mère à ranger les courses avant d’envoyer une photo de mes fleurs à ma bien-aimée. Je voulus proposer à mon hôte de cuisiner pour nous deux, mais Véra m’appela à ce moment-là. Je m’éloignais pour discuter avec elle.

— Salut mon ange. Comment va ta mère ?

— Salut, mon amour, elle va bien. On vient de faire les courses ensemble. Tu as vu le bouquet de roses ? Comme ça je peux penser à toi tout le temps.

— J’ai vu oui, il est très beau. Vous avez prévu quoi avec quoi, avec ta mère ?

— On n’a rien de prévu pour le moment. On verra en temps voulu. Dis-moi, qui va me remplacer ?

— Ne t’occupe pas de ça, d’accord ?

— Véra, soupirais-je.

— Tu es en vacances, Élia, ce n’est pas à toi de t’inquiéter pour qui va s’occuper de moi pendant ton absence.

— Mais…

— Non, je ne veux pas savoir. Profite, amuse-moi et soigne ton cœur et ta tête.

— Bon d’accord.

— Je vais te laisser avec ta mère maintenant. Je t’aime, mon ange.

— Je t’aime aussi Véra.

Véra raccrocha la première et je posais mon téléphone sur la table. Je me reprochais de ma mère et lui entoura la taille de mes bras. Elle tourna légèrement la tête vers moi en souriant et déposa un baisé sur ma joue.

— Qu’est-ce qu’il y a ma grande ? m’interrogea-t-elle en coupant ses carottes.

— Je suis contente d’être revenue. Tu me manquais, maman.

— Toi aussi tu me manquais ma grande. Tu as une petite mine, Élia. Tu veux en parler ?

— L’impératrice vient de m’appeler. Je n’aime pas la savoir seule au palais sans personne de confiance auprès d’elle. Comme je suis partie précipitamment, je ne sais pas qui me remplace.

— Tu as si peu confiance aux autres ?

— À part, peut-être Sandra, personne au palais n’est actuellement capable de me remplacer. Personne ne sait qu’elle aime avoir une petite rose fraîche sous son oreiller, la température adéquate dans la chambre et de son bain, ses petites manies et habitudes.

— Et toi tu le sais.

— Évidemment. Je la connais mieux que personne.

— Pourquoi tu es partie alors ?

— J’en avais besoin. Son cousin venait de se marier, toute sa famille était présente et je voulais retrouver la mienne.

— Tu sais qu’on n’a toujours pas retrouvé Ilena ? Je ne veux pas être pessimiste, Élia, mais…

— On la retrouvera. Toute l’armée à sa description et Marcus dirige les recherches dans ses terres. Même si je ne sais pas où elles se trouvent.

— Tu as des amis importants.

— Ce n’est pas faux. Je vais t’aider à mettre la table.

— Non ma grande, tu es mon invité se soir. Même si tu as déjà payé les courses.

— Bon d’accord. Je m’assois alors.

Écoutant ma mère, je m’assis à table et croisa les bras, jambes étendues. Ma mère tourna la tête vers moi et rigola en me voyant dans cette position. Ça faisait du bien de bien de la retrouver, de pouvoir refaire la fille relou, maladroite et insupportable que j’avais toujours été. La fille que ma mère détestait, mais qu’elle ne pouvait s’empêcher d’aimer, lui rappelant trop sa propre jeunesse.