The shadow of the sea
Plongé dans la sombre immensité de l’océan, et pourtant si bleue, ton esprit errait sous les longues ondulations de l’eau des courants marins. Tu étais toujours là, l’Ombre de la mer éternellement assis sur son vieux trône de rocaille en disgrâce. Depuis près d’un siècle. Tu n’avais point changé.
Ton corps humain paraissait à présent inexistant, mais tes yeux chimériques demeuraient infiniment si intenses et réels. Point bleus. Ni transparents. Mais de purs diamants perdus. En effet, telle une pierre précieuse travaillée et affinée durant des années, ton regard perçait l’obscurité et guidait ton peuple dans sa traversée. Ton créateur te les fit en forme d’amande, en les pinçant sur le côté en un sourire resplendissant. Beaux, les fit-il en un mot.
Mais ce n’était pas tout !
Réfléchissant l’étendue des voûtes célestes et celle des eaux, ces yeux te conféraient une enveloppe ardente et divine, malgré la dure carapace figée dans le temps et l’espace que tu t’entêtais à revêtir. Ces deux bijoux étaient telle une promesse d’espérance, une raison de vivre et de réaliser ses rêves à ceux qui les contemplaient. Cependant, toi, tu ne pouvais admirer la magie qui s’opérait en eux.
De leur pouvoir époustouflant, tu multipliais les points de vue sur toute la surface de la terre et dans les profondeurs des abysses les plus reculés. Ainsi admirais-tu le monde sous ses multiples facettes. Cela en fut majestueux !
Mais tu te bornas d’avoir tout vu, ainsi de tout savoir ! Tu proclamas : « L’homme ne mérite point de vivre ! », après l’avoir observé depuis cette place accablée dont tu en feras ta triste tombe. Maintenant, tes pupilles ne reflétaient que ton arrogance, et dans leur teinte, elles perdirent leur éclat naturel, cette brillance unique et inégalable.
La misère de ton cher peuple, tu ne la voyais point ou tu en faisais semblant par le silence de tes yeux. Désormais plongé dans un mutisme stoïcien, tu perdis couleur et joie de vivre, devenant froid et distant. Tu étais une statue de pierre inapprochable. À quand remonte le jour où tu regardas ton image dans une glace ?
Roi de Chôross
Seigneur de la mer
Le maître des eaux
Qui étais-tu finalement ? Je vais te le dire.
Fils d’un homme maudit ! Voici le seul héritage qu’il te laissa avant sa disparition : tes yeux.
Demeurant sur ce siège, tu n’étais plus que l’ombre de toi-même.
Mizushi !
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