Chapitre 2

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Je m’arrête au troquet du coin de la rue avant de rentrer au poste. Je tombe sur un groupe de collègues prenant un pastis au bar.

— Ceccaldi ! Le chef te cherche depuis un moment. Il a dû passer une mauvaise nuit, il est de méchante humeur.

Je rentre au commissariat sans traîner. Le capitaine Mercier n’est pas un mauvais bougre mais sa vie privée agitée a tendance à déteindre un peu sur l’ambiance du service. Il dirige la PJ locale depuis dix ans, pourtant, il n’a jamais voulu passer les concours internes et devenir commissaire, pour rester sur le terrain à ce qu’il dit. Tout le monde connait son histoire, mais c’est un sujet qu’on n’évoque jamais devant lui. Il m’interpelle dès que je passe devant son bureau.

— Où étais-tu passé ? Ça fait deux heures que je te cherche.

Je pourrais lui rappeler que nous avons tous les deux un téléphone accroché à la ceinture, mais je préfère la jouer « profil bas » et je lui raconte tout ce que j’ai fait durant les 12 dernières heures, en omettant juste de lui parler de la salle de gym. Pas la peine de raviver sa mauvaise humeur.

— Si tu veux mon avis, ce truc-là pue très fort. Ce genre d’affaire risque de déclencher un scandale énorme pour peu qu’on mette le doigt sur un ou deux politicards et quelques gros bonnets du coin. Tu vois avec le légiste ce qu’il en est réellement pour la fille et tu fouines un peu de son côté. Elle ne travaillait peut-être pas en free-lance, ensuite tu décryptes cette liste d’adresses. Tu fais équipe avec Pat sur ce coup. Elle sait comment s’y prendre pour obtenir ce genre d’infos.

Patricia Deleuze. Je n’ai encore jamais bossé avec elle, mais j’ai un bon feeling. C’est un peu l’intello de l’équipe, sans doute parce qu’elle sait se servir de Google, mais plutôt sympa. Je remercie le chef de m’avoir mis avec elle. En plus, c’est une superbe brune, plutôt classe, ce qui ne gâte rien. Je vais la trouver et lui propose d’aller manger un morceau afin de la briefer en même temps.

Je raconte à nouveau toute l’histoire. Je décide de lui parler de Cécile Lafaye, elle finira bien par le savoir de toute façon, sans trop donner de détails. Je remarque que son attention se concentre à ce moment. Peut-être que ses yeux brillent un peu plus. Elle a de très beaux yeux verts, cerclés de noir. Un maquillage léger accentue son regard intelligent. À la fin de mon exposé, son expression devient plus dure. Elle serre les poings sur la table.

— On va faire plonger ces fumiers. Tous. Passe-moi cette liste. Je vais m’en occuper tout de suite. Toi, tu cherches autour de la fille. Appelle les collègues de Saint Cloud et demande s’ils ont quelque chose sur elle. C’est peu probable, ce genre de fille ne se fait généralement pas remarquer dans son quartier, mais il faut quand même essayer. Renseigne-toi sur ses revenus. La voiture était visiblement à elle, il faut qu’elle ait des rentrées…

— OK, on se retrouve à cinq heures pour aller à l’IML.

À Saint Cloud, il y avait bien une Sylvie Perez à l’adresse mentionnée sur ses papiers. Pas de problème connu, à part quelques PV de stationnement pour la Mercedes, aucun antécédent côté mœurs. Elle habitait un appartement dans une résidence bien fréquentée, rien de surprenant.

Je remerciai mon collègue et passai aux chiffres. J’avais les cartes bancaires mais rien à faire pour obtenir des informations par téléphone. Je décidai d’utiliser mon joker et d’appeler un ami. J’ai réellement un ami, plutôt une amie, à Bercy. On s’était quittés un peu rapidement la dernière fois qu’on s’était vus et je commençais par m’excuser de ma conduite un peu grossière. Je m’étais éclipsé sans la réveiller après une nuit assez agitée dans son lit alors que j’étais encore stagiaire à Paris. Je lui promis de l’inviter à diner à mon prochain passage et de terminer dans les formes ce que j’avais si bien commencé.

Elle m’insulta pour le principe avant de me demander de quoi j’avais besoin. Je lui donnai les détails en ma possession concernant Sylvie Perez. Elle me promit de me donner les informations espérées, mais uniquement en mains propres et à Paris. Il lui fallait deux ou trois jours pour tout réunir, en plein week-end. Je lui proposai de la retrouver le mardi. J’avais officiellement un jour de libre après ma permanence.

Je ne pouvais pas faire grand-chose de plus dans cette voie et je décidai de m’intéresser à l’IPhone. Il n’avait pas été éteint, et je n’eus aucun mal à afficher l’agenda et le carnet d’adresses.

L’emploi du temps de Natacha, le téléphone était à ce nom, n’avait rien de surprenant pour une call-girl. Pratiquement rien le matin, quelques rendez-vous courts en début d’après-midi ou entre 5 et 7, des soirées bien remplies. Pas de noms, des prénoms ou des initiales, des adresses d’hôtels ou de restaurants, principalement à Paris.

Que venait-elle faire dans notre petite ville ? À la date de la veille, il était mentionné « Cécile, chez elle » pour le créneau 15h-18h. Rien pour la soirée. Curieux. Il faudrait que je retourne interroger Cécile à ce sujet. À cette pensée, mon sexe se durcit dans mon pantalon.

Le carnet d’adresses était bien rempli, mais à part quelques rares numéros de proches, des prénoms, des numéros de portables et des adresses mail « anonymes ». À propos de mails, je me dis qu’elle devait sûrement recevoir les siens sur son IPhone.

Bingo, la boite de réception était encore bien remplie, pas mal de messages non lus, reçus le jour même.

Une adresse revenait souvent, je compris vite qu’il s’agissait de son « agent ». Des dates, des lieux et des numéros de téléphone. Je ne me trompais pas, elle ne bossait pas seule. Les messages étaient signés Magali. Pas de téléphone. Une adresse « Hotmail » pas facile à tracer, mais Patricia saurait mieux que moi remonter la piste.

Je recherchais dans les messages archivés quelque chose ayant trait à la journée précédente, mais sans succès. Elle n’était donc pas venue pour « affaire ». Je retournais dans le répertoire à la recherche d’une « Cécile » sans rien trouver. Elles étaient donc intimes.

Mon portable se mit à sonner. Patricia voulait me dire qu’elle irait directement au labo pour les résultats d’autopsie. Elle avait des infos intéressantes à me communiquer, mais pas au téléphone. Je la retrouvai une demi-heure plus tard.

Il n’y a pas d’établissement spécialisé dans notre ville et le légiste travaille dans une annexe de l’hôpital. Un petit bâtiment isolé au fond de l’enceinte. L’administration manquant de budget pour s’occuper des vivants, je vous laisse imaginer ce qu’elle consacre aux morts.

Le toubib est un grand type plutôt sympa, l’air blasé pour qui la mort est le pain quotidien. Je n’ai jamais travaillé avec lui, c’est mon premier cadavre ici, mais il a l’air plutôt copain avec Patricia. Il s’agit de « mon » cadavre, mais c’est à elle qu’il s’adresse en premier.

Il nous conduit devant une table sur laquelle est posé le corps de Sylvie Perez. Elle est recouverte d’un drap.

— Vous voulez la voir ?

— Non merci, dans l’état où tu as dû la laisser …

— C’est vous qui voyez. Bon, je vous fais le topo rapide. Cette fille était en pleine santé. Pas de pathologie cardiaque ni coronarienne. Ce n’était pas une droguée, pas de piqures sur le corps, pas de traces de poudre. Elle ne fumait pas. Voilà pour le côté positif des choses, en revanche c’était une bombe sexuelle. J’ai trouvé des quantités incroyables de sperme dans tous les orifices possibles et les muqueuses anales et vaginales portent les traces de pratiques répétées et intenses. Pour parler vulgairement, je dirais qu’elle aimait se faire prendre par tous les trous, et par plusieurs types à la fois. Je n’exclurais pas des engins de plus fort calibre. Elle a aussi des marques très profondes aux poignets, aux chevilles et autour du cou. Ceux qui l’ont attachée n’ont pas fait semblant. Des traumatismes autour de la bouche. On a peut-être voulu la bâillonner. Ajoutez aussi des lésions sur les seins, des marques de pincement et sur le bas du dos du genre coups de cravache. Vous voyez le tableau ?

Je revis la croix de bois et ses sangles de cuir dans la cave de la villa.

— Peut-on mourir d’une overdose de sexe ? demande Patricia

— Vous pensez à l’orgasme ultime, la jouissance extrême ? Ce n’est pas à exclure, surtout si la séance a duré un peu trop longtemps et qu’elle est restée entravée au-delà du raisonnable.

Nous sommes restés un moment silencieux en sortant. Je sentais Patricia profondément perturbée par ce que nous avait dit le légiste. De mon côté, j’imaginais un scénario plausible, mais ne me heurtais qu’à un mur de mensonges.

Je n’avais pas interrogé Cécile, mais si cette femme était son amie, comment pouvait-elle être aussi indifférente à son sort ? Le propriétaire qui m’avait dit avoir contacté la fille par internet, le docteur Waukler, qui ne pouvait pas ne pas avoir remarqué les blessures, tous menteurs ?

C’est Pat qui reprit la conversation.

— Je ne t’ai pas parlé de ce que j’ai trouvé de mon côté. Je n’ai pas réussi à identifier tout le monde, mais avec l’aide d’un copain qui s’y connait un peu, on a quand même retrouvé quelques noms juteux. Le capitaine avait raison. Il y a un député, deux journalistes connus, une femme d’affaires, sans oublier notre toubib parisien. On a réussi à retrouver les adresses mail sur des sites spécialisés et de là à remonter aux providers et aux opérateurs. Mon copain se débrouille pas mal.

— Il est clean ?

— Je lui ai rendu quelques services dans sa jeunesse. Il me devait bien ça.

— Bon, je suppose que devant le juge ça ne tiendra pas, mais on y voit un peu plus clair. Voilà comment je vois les choses. Sylvie Perez rend visite à son amie Cécile vendredi après-midi. Pour une raison que nous ignorons encore, elle reste à la villa pour la soirée. Sylvie Perez a un gros appétit sexuel, il ne s’agit donc sûrement pas d’un viol. Plutôt un jeu qui tourne mal. Sylvie est attachée, fouettée et se fait pénétrer par plusieurs hommes qui la baisent jusqu’à épuisement. Combien étaient-ils ?

— J’ai une douzaine d’adresses sur la liste.

— Le cœur de Sylvie ne résiste pas à ce traitement et lâche. Le docteur Waukler essaie de nous faire croire à un arrêt cardiaque accidentel. Au nom du principe de précaution, tu verras qu’il faudra bientôt installer des défibrillateurs dans les lupanars.

— Pas drôle.

Nous rentrons rendre compte au capitaine Mercier. Il nous suggère de laisser les choses se tasser jusqu’à lundi, et de prendre l’avis du commissaire. Il me conseille de dormir un peu et de passer ma journée de dimanche aux taches de routine. Patricia peut profiter de son jour de congé.

En sortant du bureau du chef, Pat me demande si j’ai quelque chose de prévu pour la soirée. Je lui réponds qu’étant nouveau venu dans cette ville, et de surcroit de garde, je n’ai rien de spécial. Elle me propose de prendre un verre chez elle. Cette affaire lui donne le bourdon.

Je lui demande son adresse, puis je passe chez moi en vitesse pour prendre une douche et me changer. Moi aussi j’ai besoin de penser un peu à autre chose. Je laisse tomber le jean-blouson-baskets du flic de base pour une tenue plus en accord avec le style de Patricia. Un coup d’œil dans la glace, je retrouve mon look de play-boy méridional.

Un quart d’heure plus tard, avec l’aide de Waze, je me gare devant chez elle. Une charmante maison de ville, transformée en appartements. Elle habite le dernier niveau, sous les toits. Le logement est à son image, classique mais meublé avec goût, sans excès.

Elle aussi s’est changée, pour une tenue moins sage. Un vieux jean rapiécé et une chemise d’homme trop grande pour elle, tout juste boutonnée au dessus du nombril, qui offre une jolie vue sur le galbe de ses seins qu’elle a laissés libres. Elle a également libéré ses cheveux qui flottent sur ses épaules. La collègue intello et réservée que je connaissais se transforme soudain en une magnifique amazone, terriblement sexy.

— Je te sers un drink ?

— Un double !

Elle me tend un verre bien rempli de liqueur ambrée. J’approche la main pour le saisir, mais c’est elle qui est la plus rapide. De sa main libre, elle attrape la mienne et la colle sur sa poitrine.

— Caresse-moi. Là. Maintenant.

Elle pose le verre sur la table basse et se colle à moi. Ses lèvres se plaquent sur les miennes, sa langue force ma bouche. Sa main guide ma main sur ses seins offerts. Je m’empare d’un mamelon qui se durcit aussitôt. Je le roule entre mes doigts comme un crayon. Mon autre main dégage la chemise. Je la fais glisser sur ses épaules.

A genoux sur le canapé, à côté de moi, dans son vieux jean et les seins nus, elle me fait penser à ces vieilles images de hippies sur les pochettes de vinyles de mon père, « peace and love », « flower power ». Elle dégage mon sexe et se penche pour le prendre dans sa bouche.

Quelques minutes après, nous sommes dans sa chambre, je suis allongé sur le dos, elle me fait face, mon sexe profondément planté entre ses cuisses. Ses mains massent doucement ma poitrine, son bassin ondule lentement. Je ressens des contractions rythmiques autour de mon pénis.

Pratiquement sans bouger, elle fait naitre en moi une sensation nouvelle. Je sens le plaisir arriver doucement. Sa respiration s’accélère, ses contractions sont plus fortes elle rejette les épaules en arrière, les mains sur mes chevilles. Je sens que je bute au fond de son vagin. Et nous partons tous les deux en même temps.

Elle s’écroule sur mon torse, je sens mon membre qui se retire lentement, mon sperme mêlé de sa jouissance coule, sur mes cuisses, de ses lèvres toujours ouvertes. Elle roule sur le dos à mes côtés.

Elle fixe le plafond, les yeux grands ouverts le temps que sa respiration s’apaise.

— Allez, bouge, j’ai une faim de loup.

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