Chapitre unique
Le soleil de printemps avait éveillé Clara en s’infiltrant entre les rideaux de sa chambre. C’était un matin de semaine, mais Clara avait profité d’un moment de calme entre deux projets pour prendre quelques jours de congés. C’était aussi un moment de calme dans sa vie privée. Elle avait passé la nuit seule, ce qui lui arrivait souvent depuis l’épisode mouvementé de sa dernière liaison. Elle avait passé un bon moment sous les draps, lisant distraitement un vieux roman, avant de décider du programme de sa journée. Elle avait opté pour une tenue légère, adaptée à la météo radieuse et c’est ainsi vêtue qu’elle avait appelé un taxi qui venait de la déposer devant l’entrée du Père-Lachaise.
Bien qu’habitant Paris depuis pas mal de temps, elle n’avait jamais pris la peine de visiter le fameux cimetière. Un article lu la veille dans un magazine lui avait donné l’envie de s’y rendre. Elle sourit en pensant que sa tenue n’était pas particulièrement adaptée à l’endroit. Un rapide coup d'oeil lui confirma que les autres visiteurs n'étaient pas non plus en tenue de deuil. Elle prit un petit dépliant à l'entréee. Y étaient repérées les sépultures de quelques célébrités. Elle rechercha l’emplacement de celle de Jim Morrison. Elle était trop jeune pour avoir connu le chanteur mythique des Doors, mais un encadré dans le magazine avait retenu son attention. Il y était écrit que près de 50 ans après sa mort, sa tombe était encore l’objet d’un culte discret. Elle avait décidé de s’en rendre compte par elle-même.
Elle entreprit de remonter l’allée centrale, bordée de mausolées impressionnants, sans remarquer l’homme vêtu de noir qui la suivait des yeux.
Sans la présence d’un gardien, elle n’aurait pas trouvé facilement la tombe de Jim Morrison, qui en dehors d’un incroyable nombre de bougies de couleur, était d’une banalité étonnante. Un couple de très jeunes gens, garçons et filles vêtus à l'identique de jeans delavés et de chemise larges étaient assis sur la pierre, faisant tourner un mégot dont les effluves confirmèrent à la jeune femme qu'il n'était pas de tabac. Ils semblaient unis dans une extase psychédélique à laquelle la fumée n’était sans doute pas étrangère. Un peu déçue, Clara s’apprêtait à repartir lorsqu’elle aperçut une silhouette noire, quelques tombes plus loin. L’homme, adossé à un monument à demi effondré, était entièrement vêtu de noir. Il portait également un chapeau à large bord, noir. C’est ce détail qui attira l’attention de Clara. L’homme fixa un moment Clara avant de s’éloigner lentement entre les tombes.
Clara partit dans la direction opposée, sans but précis, se laissant guider par l’originalité ou l’extravagance des monuments, reconnaissant çà et là un nom célèbre, s’amusant d’une épitaphe pompeuse. Elle arriva devant une curieuse construction, petite chapelle funéraire dont la porte manquait, livrant l’accès à une petite pièce sombre. Un petit autel y avait été aménagé que le temps et les vandales avaient fort abîmé, mais ce qui intriguait Clara était une statue. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser trouver là, il s’agissait de la représentation d’un homme nu, bel éphèbe de style méditerranéen. Mais ce qui surprit le plus Clara était le sexe que l’artiste avait représenté fort généreux. A cet endroit, la pierre était finement polie, patinée. Cette vision provoqua un trouble perceptible dans le corps de Clara. Elle imagina les étreintes furtives qui avaient dû se succéder en ce lieu et sans le désirer réellement, s’approcha de la statue, au point de coller son ventre à la pierre blanche. Clara sentit ses lèvres devenir humide lorsque le membre de pierre se pressa contre son pubis. Elle bougea lentement le bassin, savourant cet instant de plaisir incongru avant de ressortir dans la lumière vive. A sa grande stupeur, l’homme en noir était face à l’entrée de la chapelle, et sans aucun doute, l’attendait. Elle n’eut pas le temps d’avoir peur car l’homme lui sourit et l’invita d’un geste à le rejoindre. Son regard avait quelque chose d’envoûtant et Clara ne sut pas pourquoi elle lui obéit, au lieu de s’éloigner en courant.
« Avez-vous joui ?» lui demanda-t-il sans autre présentation.
Clara, surprise d’une telle question ne sut que rougir en baissant les yeux.
« Montrez-moi votre culotte »
Clara souleva légèrement le devant de sa robe courte, dévoilant sa culotte blanche.
« Je vois que Dimitrios fait toujours autant d’effet » dit-il alors.
Sans que Clara n’ait encore prononcé un seul mot, l’inconnu entreprit de lui raconter l’origine de ce monument. Il avait été commandé au début du 20eme siècle par une vieille anglaise aussi excentrique que fortunée. Sans doute inspirée par les sépultures des pharaons égyptiens, elle avait souhaité être accompagnée dans l’au-delà par son dernier amant et avait commandé à un sculpteur célèbre la statue de l’éphèbe, copie éternelle grandeur nature de son jeune partenaire. Longtemps ignoré, le mausolée et sa statue avaient fini par devenir un rendez-vous secret pour amours interdits.
« Ne restons pas ici, j’ai envie de mieux vous connaître »
L’homme entraîna Clara hors du cimetière jusqu’à un petit bar où il la fit asseoir en face de lui, au fond de la salle.
« Donnez-moi votre culotte » lui demanda-t-il d’une voix douce.
Sans se poser plus de questions, Clara fit glisser la fine étoffe jusqu’à ses chevilles sous la table, et la posa sans façon au milieu de la table, sans se soucier du regard ahuri du serveur qui revenait avec leurs consommations.
Elle fixa l’homme dans les yeux. « Qui êtes-vous donc ? »
L’inconnu fixa ses yeux dans les siens et Clara ressentit la même sensation qu’au cimetière. Elle se sentait totalement mise à nu par cet homme qui ne lui avait même pas donné un prénom.
« Mon nom est sans importance, appelez-moi Serguei si vous voulez. »
Serguei prit la culotte et la glissa dans la poche supérieure de sa veste, laissant juste dépasser un petit morceau de dentelle blanche.
« Vous demandez qui je suis, mais vous m’avez suivi sans hésiter. Vous n’avez pas peur de moi, n’est-ce pas ? Vous avez raison, j’aime trop les femmes pour leur faire du mal. »
Serguei parla ainsi un moment, de sujets sans importance, de la mode et des expositions, amenant progressivement Clara à se livrer à lui. Comme il commençait à évoquer sa vie sentimentale, Clara sentit une caresse sur sa jambe, puis le pied de l’homme remonta lentement jusqu’à atteindre l’étoffe de sa courte jupe. Serguei perçut son trouble mais n’en dit rien, continuant à diriger la conversation vers son dernier amant. Clara parlait maintenant comme à un confident, évoquant des détails incroyablement intimes, qu’elle n’avait même pas imaginé d’échanger avec sa meilleure amie.
Le pied de l’homme se faisait maintenant plus pressant, le pied était nu, les orteils agiles s’étaient emparés de sa toison et massaient doucement son pubis, puis le pouce descendit un peu, juste sur son bouton dressé par le plaisir. Clara se sentit fondre, rejetant la tête en arrière, le souffle plus court. Lèvres serrées, les cuisses largement écartées, elle se laissait masturber par cet homme étrange. Clara eut soudain un spasme violent, un petit cri étouffé sortit de sa bouche. Le pied de l’homme se retira, son regard n’avait pas changé.
« Je sais rendre une femme heureuse » dit-il simplement.
Clara demanda à se rendre aux toilettes. Elle se regarda un instant dans le miroir, se demandant si c’était bien elle qui s’était ainsi donnée à un parfait inconnu. A son retour, l’homme avait disparu.
Elle s’apprêtait à sortir à son tour quand le serveur l’interpella : « Mademoiselle, l’homme qui était avec vous a laissé cela pour vous. »
Il lui tendit une petite culotte de dentelle blanche.
Annotations
Versions