Interlude : l'oracle II

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Debout sous la pluie, Wicce se baignait dans l’orage. La pluie, en cinglant son visage, rinçait son âme des impuretés, des souillures de sa précédente incarnation. Elle devait rester blanche et lumineuse pour Avakel. Son dieu, son maître, l’époux qu’elle servait. Ce tyran si ultime, mais qui savait se faire si doux…

De ses yeux ouverts à l’envers du monde, elle pouvait voir la forme superbe, terrifiante de pouvoir cosmique, du dieu-dragon alors qu’il s’abreuvait de foudre. Ses écailles nacrées, traversées par les éclairs, s’étaient changées en cotte de mithrine. Sa crinière glorieuse, chargée de feu céleste, donnait un écho à la fois visuel et sonore à la colère qu’il ressentait. Les intrus continuaient à venir et à s’attaquer à ses suivants. La dernière agression avait laissé Oath et Sadr à la limite de la vie et la mort, et pour cela, Avakel avait décidé de punir ceux de la vallée, qui n’avaient de cesse d’envoyer leurs sicaires. Une fois l’orage absorbé, il irait le relâcher sur leurs cabanes de pierre. Ils se croyaient hors d’atteinte, à l’abri de sa vengeance !

Wicce savait qu’Avakel reviendrait vers elle après avoir assouvi sa rage et libéré sa juste punition sur le village des hommes. De dragon triomphant, il se changerait en mâle ældien sitôt touché terre et franchirait la grotte les cheveux encore chargés de foudre, le regard crépitant et la peau adoubée par les larmes du ciel. Des filaments de nuage resteraient accrochés sur son panache moucheté d’argent. Face à elle, il réclamerait son dû, et elle l’accueillerait, se noierait dans son désir impérieux. Elle s’élèverait avec lui jusqu’au firmament et leur apothéose culminerait devant le disque d’argent de la Grande Lune d’Æriban.

La jeune femme s’extirpa de sa rêverie avec discipline et détermination. Ce n’était pas le moment. Elle détourna son regard des circonvolutions d’Avakel dans la stratosphère et scanna les immensités limbiques en recherche de l’autre. Celui qu’elle avait vu la nuit dernière, lors de sa transe médiumnique… Le Noir. Elle ne savait pas encore s’il représentait une menace.

Elle le localisa enfin. Il était plus près qu’elle l’avait pensé initialement… Et il était accompagné. Du menu fretin : elle ne s’en préoccupa pas. Même elle, avec l’étendue que ses pouvoirs avaient pris au contact quotidien d’Avakel, pourrait régler ce problème aisément. Lui, en revanche… Sa noirceur l’attirait comme un vortex. Il était si profond, si abyssal… Se pencher sur les bords de ce puits sans fond revenait à regarder par l’oeil de l’univers. Si elle le regardait… Si elle se laissait posséder, envahir par lui… Oui… L’oubli… Ce serait si bon…

Avec un effort de volonté qui lui arracha un hurlement, Wicce parvint à s’arracher à l’emprise effroyable de l’autre. Il l’avait vue. Il avait tourné son œil de ténèbres sur elle… L’obscurité véritable. Le néant. L’Abîme… Voilà ce qu’elle avait entraperçu.

Tremblante, la sueur coulant le long de ses tempes, Wicce se releva péniblement. Le choc l’avait mise à genoux.

Tu tomberas plus bas encore, petite sorcière, résonna l’écho sombre et moqueur de la voix dans sa tête. Devant moi, tous se prosternent, car je suis Ténèbres.

La psionique sentit des vagues d’angoisse émanant de la grotte venir vers elle. Sadr l’avait ressenti lui aussi, et il était inquiet. Elle se concentra pour lui envoyer du réconfort en retour.

Reviens vite, Avakel, pensa-t-elle en regardant à nouveau vers le haut. Il pourrait arriver plus rapidement que prévu.

Le ciel était vide, à l’exception de gros nuages noirs.

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