Chapitre 02: Au domicile des Ella (1)
Pendant que Junior déchargeait les valises de la voiture et les amenait à l’intérieur, et que son père faisait visiter la maison à sa mère, Aïcha circulait de pièce en pièce. Elle aussi faisait le tour des lieux, comparant son nouveau logement à celui dans lequel elle avait l’habitude de vivre. Et il n’y avait pas à dire, la maison était très grande. Il y avait deux salons, une cuisine tout équipée, une pièce dans laquelle se trouvait un bureau pour travailler, quatre chambres à l’étage, et une piscine. Bien qu’elle détestait ce pays et la ville, elle admit que la piscine était un plus.
- Si seulement on avait eu ça chez nous, pensa-t-elle.
Au moment où Aicha était sur le point de prendre une photo de la piscine, son téléphone portable lui indiqua qu’il y avait des wifi aux alentours. Pour la jeune adolescente, il s’agissait d’une excellente nouvelle, d’autant plus que ça faisait des heures qu’elle n’avait pas été connectée. Elle allait enfin pouvoir se plaindre auprès de sa meilleure amie et lui dire à quel point le Gabon était merdique. Après une brève vérification, elle se rendit compte que l’un des réseaux portait son nom de famille.
- Papa ! T’es où ? hurla-t-elle.
- Dans la cuisine avec ta mère !
Ni une ni deux, Aïcha se rendit dans la pièce où se trouvaient ses parents. Son père lui demanda alors ce qui se passait au moment où il l’aperçût.
- C’est quoi le mot de passe du wifi ? demanda-t-elle.
David lui donna ce qu’elle désirait et la jeune adolescente s’en alla sans prononcer un mot de plus.
- Tu vois ce que je subis depuis notre départ de Paris, rétorqua soudainement Meriem.
- Il faut lui laisser le temps de s’adapter. J’irai parler avec elle dès qu’on aurait fini.
Maintenant qu’Aïcha était connectée, elle était en mesure de communiquer avec ses amis. Elle se mit d’abord à lire tous les messages qu’elle avait reçus et s’aperçut que dans le lot, il y en avait un qui provenait de Ridley.
« J’ai vu ton appel en absence. Désolé, mon tel était éteint. Quoi de neuf ? » était-il écrit.
Aïcha s’était doutée de cela. Elle lui répondit alors qu’elle avait malheureusement voyagé avec sa mère et qu’elle était désormais coincée dans un pays merdique.
« Regarde comment c’est ici. Sale et dégoûtant. J’ai jamais vu un endroit pareil. Comment des gens font pour vivre comme ça ? » envoya-t-elle en incluant toutes les photos et vidéos qu’elle avait faites depuis son arrivée.
« Aïcha ne dit pas. »
« Dire quoi ? »
« Tu ne peux pas dénigrer tout un pays alors que ça ne fait que quelques heures que tu y es. »
En lisant le message de Ridley, la jeune adolescente ne put s’empêcher d’être étonnée, mais également d’être quelque peu en colère contre lui. Au lieu d’être de son côté, il prenait la défense de personnes qu’il ne connaissait même pas.
« Tu te fous de moi là, n’est-ce pas ? »
Alors que la fille de Meriem était en train de rédiger un très long message expliquant à quel point ce qu’il venait de dire ne lui plaisait absolument pas, celle-ci reçut soudainement un appel de Ridy.
- Qu’est-ce qui te fait croire que je me fous de toi ? dit le jeune homme après qu’elle ait décroché.
- Tout ce que tu viens de dire. Donc, je te disais que je suis coincée dans un foutu pays du trou du cul du monde et toi, tout ce que tu trouves de bon à me dire est qu’il ne faut pas dénigrer les gens. Est-ce que tu trouves ça sérieux ?
- Je trouve ça même très sérieux. Écoute, Aïcha, je sais que tu es colère à cause de la décision que tes parents ont prise…
- T’as même pas idée à quel point je suis en boule. Alors, évite tes conneries de dénigration…
- Ce mot n’existe pas.
- Ah ! Ridley, me fais pas chier, OK ? Je suis déjà assez énervée comme ça.
- Certes, tu es énervée, mais ça ne veut pas dire que tu dois faire ce genre de faute de gram...
Aïcha mit soudainement un terme à leur appel avant de hurler et de le traiter d’imbécile. Même dans une situation aussi frustrante que celle dans laquelle elle se trouvait, il trouvait le moyen de l’énerver encore. Elle se demanda alors ce qu’elle avait bien pu lui trouver pour accepter d’être sa petite-amie.
Ridley appela de nouveau l’adolescente, mais cette dernière raccrocha immédiatement. Au même moment, attirée par les cris d’Aicha, la dame de ménage vint voir ce qui se passait.
- Est-ce que tout va bien ? demanda-t-elle.
- Ça ne te regarde pas, répondit la fille de David avant de partir dans une autre pièce.
Alors qu’elle venait de trouver une autre pièce vide où elle pouvait être de nouveau tranquille, l’adolescente reçut un nouveau message de la part de Ridley.
« Sur un ton un peu plus sérieux, je maintiens ce que j’ai dit tout à l’heure. Aïcha, ça fait peu de temps que tu es là-bas, tu ne sais encore rien sur ce pays ni sur ses habitants. Ce n’était donc pas approprié de te moquer d’eux alors que tu n’as aucune idée de leurs réalités. »
« J’t’emmerde. » envoya-t-elle en guise de réponse.
Aïcha était vraiment encore contre lui. Au lieu d’être de son côté, il préférait être du côté de parfaits inconnus. Ce fut donc la raison pour laquelle elle décida de le bloquer, se disant que cela lui donnerait de quoi refléter sur ce qu’il avait fait. Elle partit ensuite discuter avec Amanda, la seule personne dont elle savait qu’elle serait de son côté.
« Ridley est un gros con. » écrivit-elle.
Tandis que les secondes passaient et se transformaient progressivement en minutes, l’adolescente n’obtint toujours aucune réponse de la part de sa meilleure amie. Ce fut peu de temps après qu’elle remarqua qu’il était à peine 8 heures chez elle. Après quelques recherches rapides, elle apprit qu’à cette période de l’année, il y avait une heure de décalage entre la France et le Gabon, ce qui voulait dire qu’il était 9 heures chez Amanda.
- Cette flemmarde doit encore dormir en ce moment, dit-elle.
Elle devait maintenant attendre que cette dernière se réveille.
-----*-----
Peu de temps avant qu’Aïcha fasse sa crise de colère contre Ridley, son père et sa mère finissaient le tour du propriétaire. Meriem et lui se retrouvaient désormais devant la maison, plus précisément devant la voiture de luxe qui était garée à côté de celle qui avait conduit la mère et la fille depuis l’aéroport.
- Près de deux ans de travaux pour achever cette maison, dit-il.
- C’est un magnifique foyer que tu nous as construit là.
- Je suis vraiment très fier du résultat final, ce qui m’amène à la petite surprise que j’ai préparée pour toi.
- Ouh ! Une surprise. Je me demande bien ce que ça peut bien être.
David prit délicatement sa femme dans ses bras et la mit face au véhicule qui se trouvait précédemment derrière eux.
- Voilà pour vous, madame Ella, rétorqua-t-il.
Meriem mit quelques secondes à réaliser ce qu’il voulait, puis elle s’exclama et sauta de joie. Elle n’arrivait pas à croire que son mari lui avait acheté une toute nouvelle voiture. Elle lui demanda même s’il lui faisait une blague.
- Non, ce n’est pas une blague. Il faut encore remplir quelques papiers, sinon elle est toute à toi.
Pendant qu’elle ne faisait que lui donner de nombreux bisous sur le visage, David lui expliqua qu’il s’agissait d’un petit geste pour la remercier d’avoir autant patienté durant les deux dernières années.
- J’arrive pas à le croire !
Il n’y avait vraiment aucun mot pour décrire à quel point Meriem était contente. Elle était également très impatiente de se retrouver derrière le volant. Malheureusement, leur petit moment de joie s’arrêta brusquement lorsqu’ils entendirent leur enfant crier à l’intérieur de la maison. David s’inquiéta et se demanda ce qui se passait. Ce fut à ce moment qu’il entendit son enfant proférer de nombreuses insultes.
- Ta fille recommence à faire des siennes, dit alors Meriem.
- Je vais de ce pas lui parler.
David laissa donc sa femme et se rendit dans la maison. Là, il appela sa fille à de nombreuses reprises afin de la localiser. Celle-ci lui répondit alors en balançant un « Quoi ?! », ce que l’homme n’apprécia bien évidemment pas. Il se dirigea donc vers le second étage où sa fille semblait se trouver.
Monsieur Ella retrouva son enfant dans une pièce qui s’avéra être la chambre de cette dernière. Celle-ci disposait déjà d’un lit, d’un bureau pour travailler, et de nombreux meubles. Il ne restait plus qu’à Aicha d’y ranger ses affaires pour terminer le processus d’aménagement.
- Aïcha, il faut qu’on parle.
- J’ai pas envie de parler. Laisse-moi tranquille !
- C’est dommage parce que moi j’en ai envie.
David s’assit alors à côté de sa fille sur le lit et lui dit qu’il n’appréciait pas son comportement actuel.
- Je sais que ça n’a pas été facile d’abandonner tout ce que tu as connu pour venir ici…
- Abandonner ?! Je n’ai rien abandonné ! C’est vous qui m’avez forcé à venir dans ce pays de merde. Moi j’étais bien à Paris, je…
- Je n’ai pas fini de parler ! rétorqua David en haussant le ton.
C’était la première fois qu’il faisait ce genre de chose avec elle. Cela étonna grandement Aïcha qui cessa immédiatement de parler, mais l’effraya également.
- Comme je disais, je sais que ça n’a pas été facile, mais tu dois comprendre ce qui m’a motivé à vous faire venir ici, ta mère et toi. Tu vois, même si on menait une vie assez aisée en France, ça ne changeait rien au fait que nous étions locataires. Je n’aimais pas ça. En plus, ce n’était pas mon pays. J’ai beau avoir beaucoup d’argent, je ne serai jamais français et je n’ai pas la prétention de vouloir le devenir. Je suis gabonais et je le serai toujours, et ce jusqu’à ma mort. C’est pourquoi j’ai demandé à ta mère de m’accorder quelques années, le temps que je puisse bâtir quelque chose qui m’appartient. J’y suis finalement parvenu et je vous ai fait venir ici toutes les deux.
L’adolescente n’en avait que foutre de son histoire ni du fait qu’il ne se sentait pas chez en France. Elle s’y plaisait et préférait largement vivre là-bas en tant que locataire qu’au Gabon. Elle essaya de le lui faire comprendre, espérant qu’il la renvoie là-bas, mais ce fut peine perdue.
- Aïcha, il va falloir que tu te fasses à l’idée que tu ne vivras plus en France, du moins jusqu’à ce que tu obtiennes ton bac…
- Mais… !
- Il n’y a pas de mais qui tient. Ma décision est prise et tu te dois d'obéir, dit David de façon autoritaire.
L’homme se leva finalement du lit et prit la direction de la sortie. C’était cependant sans compter sa fille qui lui dit qu’elle les détestait sa femme et lui. David quitta finalement la chambre, laissant sa fille en larmes et en colère contre lui.
A suivre!!!
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