Chapitre 6
Il fait noir et j’ai sommeil.
J’ouvre un peu les yeux mais la lumière est trop intense. Je les referme.
Où suis – je ?
J'ai une douleur à la tête et je sens une odeur de désinfectant. Mes sens se réveillent un à un et les souvenirs affluent. Le bloc opératoire !
Je me réveille en sursaut et essaye de m’assoir sur ce que je devine étant mon lit mais ma tête me lance, ce qui m’oblige à me rallonger. J’essaye de récapituler tous les derniers évènements. Le bloc opératoire, le visage de thomas, la chose avec des poils à coté de mon brancard, le regard sérieux du docteur Logan et puis cette lumière argentée.
Un rêve sans doute, me dis-je.
Ces souvenirs me font penser aux autres. S’en sont-ils sortis ? Ont-ils survécu ? Et moi, dans quel état je suis ?
A cette pensée, je fais l’inventaire de mes membres, apparemment je les ai tous et ils fonctionnent. J’ai des pansements au niveau des coudes et de la tête mais rien de plus. Ma gorge est sèche, étrangement j’ai faim et j’ai soif. Tellement faim que je ne peux plus penser à autre chose. Je me demande à quelle heure on va venir me chercher pour aller prendre mon petit déjeuner.
Je retente de me lever, la migraine est là mais ne me clous pas au lit. Je porte mon pyjama, il sent le désinfectant, en fait tout sur moi sent cette odeur immonde. Je ne la pensais pas aussi forte pourtant. Tout en fronçant les sourcils, je remarque que la porte vient de s'ouvrir. Le docteur Logan, sans salutation, me demande de le suivre après m’avoir fait des examens rapides. Je remarque qu’il m’observe à la dérobée, son comportement me met mal à l’aise car j’ai l’impression qu’il attend quelque chose. Je le suis jusqu’à l'infirmerie où il me fait une prise de sang.
« - Comment va-tu ? dit-il tout en m’envoyant un rai de lumière dans les yeux, ce qui était vraiment très désagréable, encore plus que d’habitude. Je mets ça sur le compte de ma récente opération.
-J’ai déjà été mieux » dis-je légèrement contrariée.
Il me lança un regard d’avertissement.
« -As-tu mal quelque part ?
-A la tête.
-Mmm. Sens-tu un changement dans ton corps ? ».
Sa question me surprend et me stress un peu.
« -Je devrais ? Demandais-je timidement.
-Je suppose que cela veut dire non ». Dit-il d’un air déçu.
Il se dirige vers le téléphone, donne ses instructions et me tends une pilule. Instinctivement je recule la tête et lui lance un regard interrogateur.
« -Pour ta tête ». Dit – il d’un ton ennuyé. « Je vais mettre ton comportement sur le compte que tu sois mal réveillée mais n’oublie pas qu’ici il t’est interdit de refuser un traitement. J’espère que tu as compris ».
Je le prends avec un verre d’eau. C’est bien la première fois que je montre ma méfiance. D’habitude je sais me tenir. Le docteur a peut-être raison, je suis encore dans le brouillard. Je vois Sofia rentrée dans la pièce. C’est la grande blonde qui m’a accompagnée durant mon premier jour.
Elle me regarde et dit :
« -Viens avec moi. Et sans m’attendre elle tourne les talons.
-Où allons-nous ?
-Au réfectoire, tu dois avoir faim non ?
-Oui, comment vous le savez ? ».
Elle me regarde à la dérobée et ajoute :
« -Le docteur Logan ne te l’a pas dit ? » Et sans attendre de réponses continue son chemin. « Dépêche-toi ! »
Qu’est-ce le docteur ne m’a pas dit ? Cette question me sort vite de la tête car j’ai une préoccupation plus importante.
« -Excusez-moi… ».
Je ne finis pas ma phrase car l’envie de manger est oppressante mais je me sens sale. Sofia se retourne et me regarde avec son sourcil levé, agacée.
« -J’aimerais prendre une douche avant… s’il vous plait », je rajoute avec empressement.
Autant rester poli si j’ai une chance d’aller enlever cette odeur.
« -Très bien » dit-elle dans un soupir.
Maintenant propre et dépourvu d'odeur chimique, je me dirige au réfectoire. Au moment où j’entre dans la salle, j’entends un grand bruit de chaise qu’on recule avec précipitation. Je les vois tous les cinq me regarder comme s’il avait vu un fantôme. Je fais signe de la main à mes amis inquiet et me dirige rapidement vers un plateau. Pendant que je prends le repas que l'on me tends, je sens leur regard sur moi. Lorsque j’arrive à leur table, un silence de mort s’installe.
Je commence à manger sous leur regard attentif. Même si je suis contente de les voir tous en vie, cela commence à devenir pesant. Je décide d’entamer la conversation.
« -Euh… Un bonjour serait le bienvenu ! » Dis-je tout en mangeant.
A peine ais-je fini ma phrase qu’ils me parlent en même temps.
« -Où était tu passé ? Que t’est-il arrivé ? Pourquoi tu n’arrives que maintenant ? On s’est fait un sang d’encre ! On a cru qu’on te reverrait plus !! ».
Je ne sais plus où regarder et à qui répondre. Surtout que je ne comprends rien aux sens de leurs questions et leurs visages reflètent à la fois de la stupéfaction et de l’incompréhension.
« -Euh…. Pas tous en même temps ! Je ne comprends rien à ce que vous me dites ! Leur dis-je pour les calmer.
-On pensait que tu étais… enfin tu vois…. Marmonna Thomas.
-Mais pourquoi avoir pensé une chose pareille ! Je viens tout juste de me réveiller, comme vous !
-Tu viens de te réveiller ? Vraiment ? me demanda Thomas, interloqué.
-Oui, pas vous ?
-Ecoute, commença Lucas, ça va faire trois jours que nous avons été opérés. Ne te voyant pas arriver en même temps que nous, on a cru au pire. Tu comprends ? ».
Je les regarde un par un et les morceaux du puzzle se mettent en place. Je comprends le comportement du Docteur Logan, cela explique ses regards et ses questions étranges. Ainsi que la réaction de Sofia. Si j’ai vraiment dormi depuis trois jours, pourquoi j’ai autant sommeil.
« -En plus personne n’a voulu répondre à nos questions et on n’a pas eu le temps d’aller voir Victor pour lui demander des nouvelles, réplique Christopher.
-Je suis désolé de vous avoir inquiétés. Mais je vais bien, je vous assure. Leur dis-je en souriant.
-C’est dommage, on s’était habitué à ton absence ».
Je n’ai pas besoin de tourner la tête pour connaitre l’identité de la personne qui vient de parler.
« -Ce n’est vraiment pas drôle, Nat’. Répliqua Lucas, contrarié.
-Mais je ne rigole pas ! » dit-elle en me fixant du regard.
D’ailleurs si celui-ci pouvait tuer, je serais déjà morte sur place. C’est étrange, je n’ai rien fait pour la mettre en colère. Enfin pas délibérément, cette fois-ci en tout cas.
« -Moi aussi je suis contente de te revoir Nat’ ».
Quitte à la mettre en colère, autant que ce soit justifié. Etrangement je sens quelque chose monter en moi, comme une sorte de colère profondément enfouie.
« -Ça nous faisait des vacances de plus voir ta sale …. Commença-t-elle avant que Chris ne la stoppe.
-Mais arrête-toi ! Qu’est ce qui te prend aujourd’hui ? » lui demande-t-il.
Je sens la colère s’amplifiée en moi et je n’ai plus qu’une envie : lui sauter dessus et la défigurer. J’entends un grondement animal et je m’aperçois que je suis debout à la fixer et que je suis la créatrice de ce bruit sourd. Avant que je ne reprenne mes esprits, je vois à la dernière minute, Nat’ me sauter dessus dans un grognement.
Je me retrouve sur le dos, avec Nat’ qui tente de m’arracher le visage. Je n’arrive pas à détacher mon regard de son visage en fureur et de ses yeux qui luisent d’une lueur bestiale. J’ai l’impression de faire face à un chien enragé. La chaleur que j’ai ressentis quelques jours auparavant m’empli et je laisse place à cette poussée d’adrénaline car une seule chose me préoccupe sur le moment : je dois sauver ma peau. Je tente de pousser Nat’ et je réussi que trop bien. En effet, je la vois voler et s’écraser sur la table.
Je n’attends pas qu’elle se remette de ses émotions et cherche un endroit pour me protéger. Un endroit en hauteur de préférence. Malheureusement, le réfectoire n’est pas le meilleur endroit pour la fuite ni pour se cacher,
Je vois Natasha secouer la tête et mon instinct me crie de m’éloigner. Je commence à courir vers le fond de la pièce et je l’entends me suivre de près. Nous continuons notre jeu de chat en courant sur les tables, renversant plateaux et chaises. Quelques adolescents essayent d’arrêter le chien enragé qu’est mon amie, sans y parvenir. Je les vois s’effondrés, ensanglantés.
Je commence à fatiguer et un moment d’inattention la rapproche de moi, assez pour que je sente ses ongles se planter dans mon dos. Je tombe sur le ventre en me cognant violement la tête au sol. Je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits que j’entends des cris et une vive douleur me prend toute ma nuque jusqu’à mon épaule droite. J’ai un gout de fer dans la bouche et puis c’est la nuit noire.
J’entends des voix, le roulement du brancard et la lumière du couloir. Puis de nouveau le noir.
Je suis dans une forêt, le soleil transperce le feuillage et déverse une jolie couleur verte autour de moi. Malgré ce décor, le cœur n’y est pas. J’y ressens une douleur lancinante, c’en est insupportable. Pourtant je n’ai pas le choix, cette douleur est une obligation pour ce que je suis. Je me dirige vers la clairière, vers la bosse allongée dans l’herbe. Je m’accroupi, elle ne bouge plus. La douleur est toujours présente et je sens mes larmes couler sur mes joues.
La douleur me réveille mais elle ne se trouve plus au niveau du cœur mais plus haut, près de mon cou. La scène du réfectoire me revient par flash.
Ce n’était pas des dents qui ont transpercé ma peau mais des crocs !
Je vois arriver l’infirmière, elle s’occupe des examens habituels et change mon pansement. Elle m’annonce qu’il a fallu me faire des points de suture. En fin de journée et après de multiples examens, on m’autorise à retourner dans ma chambre. Fatiguée, je demande à l’infirmier de m’aider à m’installer dans mon lit avant de repartir. Le sommeil m’entraine vers l’océan noir, le même que je vois à chaque fois que je m’endors depuis ma première opération. Une petite douleur me sort de mon cocon. J’ai devant moi le docteur Logan, il m’a injecté quelque chose dans le bras.
« Ne t’inquiète pas, c’est contre la douleur, tu peux te rendormir ».
Ses derniers mots se noient dans l’océan noir.
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