Chapitre 8
Après deux jours de repos, je retrouve mes amis et notamment Natasha. Je ne m’en souviens pas mais apparemment il n’y a pas que moi qui sois sortie blessée de notre dispute. Nicolas m’explique qu'elle s’est fêlé une côte quand elle est tombée sur la table. Sinon elle s’en est sorti avec quelques égratignures et un cocard de la part des infirmiers.
On ne s’est pas excusées, ni l’une ni l’autre. Nous avons quand même réussi à nous mettre d'accord pour éviter tout contact verbale ou physique jusqu’à ce qu’on trouve le moyen de contrôler ce nouveau problème. Au début ça n’a pas été facile de ne pas se balancer les petites piques qui nous venaient. Et puis, notre emploi du temps à réglé le problème. Nous étions tous trop occupés, chacun de notre côté, à passer des test et des examens. Les seuls moment où nous pouvions discuter étaient nos temps de repas, trop rapide à mon goût.
J'ai tenté d'en savoir plus sur ma nouvelle situation auprès du docteur Logan, qui n'a rien voulu me dire sur les raisons de notre changement de comportement avec Natasha et moi. Il ne semble pas s'en inquiété, bien au contaire, il en est même enchanté et je ne sais pas si cela doit me rassurer.
A la fin du déjeuner, et après avoir jeté un œil complice à Sébastien, on m’emmène à mes habituels examens. On m’assoie sur un fauteuil confortable, heureusement étant donné le temps que j'y passe, et on m’installe un appareil sur la tête. Les tests sont simples, il me suffit de dire l’image que je vois et il analyse mon cerveau derrière leurs ordinateurs. Du moins c'est que je suppose, je ne suis pas assez calée en technologie pour y comprendre quoique ce soit. Je tente également d'espionner leur conversation. J’arrive à entendre quelques mots comme « cortex », « hypothalamus » rien de bien concret pour moi, ce qui ne me sert à rien.
« -Lucie, peut tu te concentrer sur les images ?! On a d’autres test à te faire passer et je suis sûr que tu n’as pas envie d’y rester jusqu’après diner ».
Le docteur Logan me sort de mes réflexions. Je n’aime pas ces appareils, j’ai l’impression qu’ils lisent mes pensées.
Après cette série de test, on m’emmène dans une nouvelle salle que je ne connais pas. C’est une salle circulaire, sans fenêtre et dont le plafond forme un dôme. J’ai l’impression que les murs de la pièce sont faits d’une multitude d’écrans collés les uns contre les autres, donnantà la pièce l'illusion d'être sans fin.
Le docteur Logan m’installe un sert- tête, une sorte de grosse paire de lunette sur les yeux et un casque sur les oreilles, tout en m’expliquant les consignes de ce nouveau test :
« - Tu vas devoir faire face à différentes situations que nous enverrons à travers ces lunettes. Réagis comme tu le ferais si la situation était réelle. Le son viendra du casque, surtout n’essaye pas de les enlever, tu pourrais te blesser.
-A quoi ça va vous servir ? Demandai-je nerveuse.
-Juste à lire la configuration de ton cerveau dans une situation inconnue. Cette fois tu as le droit de réfléchir ».
Tiens donc, il sait faire de l’humour !?
Lorsque la porte se referme derrière le docteur Logan, la lumière s’éteint complétement. Je me retrouve dans le noir, je préfère fermer les yeux car je suis terrifiée. Puis un bruit sort du casque, surprise, j’ouvre les yeux et je me retrouve dans une jungle en pleine nuit. Je fais le tour de moi-même et observe ce nouvel environnement. Des arbres immenses, des buissons faisant ma taille m’entourent et me barrent le chemin. La seule chose que j’aperçois devant moi ce sont des feuilles et des lianes. Comme ma vision ne me sert à rien, je me concentre sur les bruits qui m’entourent. J’entends de petits insectes qui chantent dans la nuit, aucun autre bruit ne vient déranger cette mélodie.
Je commence à avancer à l’aveuglette, poussant et tirant les feuilles inexistante devant moi. C'est une expérience déroutante, je ne sens rien lorsque je touche une feuille et pourtant elle bouge par mon action. Il me faut quelques minutes pour appréhender ces nouveaux sens. Rien ne peut m’indiquer ce que je vais trouver derrière la verdure que je pousse pour continuer mon chemin, ce qui me fait hésiter à chaque pas. Tous mes sens sont en éveil, ma vision qui tente de dissocier les feuilles à un quelconque insecte, mon ouïe concentrée sur le moindre bruit, mon toucher qui espère ne pas tomber sur quelque chose de velu ou visqueux, même si je sais que finalement je ne peux rien toucher. Mon esprit n’a jamais été autant en ébullition, en plus de me concentrer sur ce qui m’entoure, des questions viennent déranger mes pensées : Je sais que tout ça n’est pas réel et pourtant j’ai peur de ce qui peut se trouver derrière toute cette verdure, qu’est-ce que je dois faire exactement ? Où est la sortie ? Y en a - t-il seulement une ? Le docteur Logan n’en a pas parlé ! Je commence à paniquer car je ne veux pas rester coincé ici jusqu’à ce qu’ils se lassent de me voir marcher.
Tandis que je continue mon exploration, je me rends compte que la forêt est silencieuse, trop silencieuse. Les insectes qui chantaient quelques minutes plus tôt se sont tuent. Mon instinct me stoppe net dans mon élan, quelque part dans ces fourrés, il y a quelqu’un ou quelque chose qui m’observe. Mes jambes refusent de bouger car je sens le danger, j’entends du bruit à ma droite. Mes sens sont en éveil, mon ouïe m’apporte des sons que je n’aurais jamais entendus auparavant, j’entends les battements affolés de mon cœur, la chose est devant moi, derrière les grandes feuilles, j’aperçois deux points jaunes brillants. Mon instinct me pousse à courir en sens inverse, revenir sur mes pas mais mes jambes refusent toujours de bouger. J’entends une masse piétinait le sol et apperçoit une ombre qui se tasse sur le sol, ce qui me fait penser que mon chat faisait la même chose lorsqu’il chassait la souris. Sauf que là, la souris … c’est moi. Je me fais violence et reviens sur mes pas en courant comme si ma vie en dépendait et c’est le cas. Je sais que je suis poursuivie mais je n’ose pas regarder par quoi, je ne regarde pas où je vais et je me fous de ce que je pourrais toucher en bougeant les feuilles devant moi. Une seule chose m’importe, fuir cet animal. Je me revois quelques semaines plus tôt dans le réfectoire avec Natasha pendant notre jeu de chat et comment ça s’est terminé.
Je pousse une ultime feuille qui me bouche le passage et m’arrête de justesse devant un précipice. Quelques pierres tombent dans le gouffre, j’entends une respiration essoufflée derrière moi. C’est un tigre de plusieurs kilos qui s’y trouve, il est aplati sur lui - même, prêt à bondir. Je n’ai plus d’échappatoire, un dernier regard vers ce prédateur avant qu’il ne me saute dessus. Les réflexes que j’ai sont de me protéger de mes bras même si je sais que cela ne sert à rien. J’attends le choc mais rien ne vient, je risque un coup d’œil. La pièce est de nouveau vierge, sans feuille et dans un silence apaisant. Je prends conscience de mon corps, il tremble de tous ses membres, je sens qu’on m’empoigne le bras, par reflexe je fais un bon en arrière tout en grognant et montrant les crocs. Un homme se trouve devant moi, que j’identifie, lorsque mon nouvel instinct animal se calme, comme le docteur Logan. Je me redresse et le laisse m’enlever tous les ustensiles qui m’ont fait voir et entendre toutes ces choses. Je ne me rappelais plus que ce n’était pas réel.
Je n’entends pas le docteur me parler, il a l’air soucieux, c’est étrange. Je sens quelque chose couler le long de ma bouche. Je porte mon doigt sur la sensation gênante, il est rouge. Je saigne du nez. Je crois que le docteur Logan essaye d’attirer mon intension mais je n’arrive plus à me concentrer. L'Homme est de plus en plus flou et je sens les vagues noires du sommeil se réveillées, elles viennent me chercher, m’emmènent. Je me retrouve au-dessus de l’océan noir, l’esprit en repos.
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