Les gens m’ont toujours connu comme étant le modéré. Dans mes opinions, mes choix… si on se fie au regard des autres, ma vie a toujours été très médiane. Il n’y a qu’une poignée, très réduite, de personnes qui savent que je suis en réalité, un volcan des fois endormi, parfois animé par un puissant magma d’émotions diverses. Je sais que je ne suis pas si bienveillant qu’on veut le penser, j’ai, moi aussi, ma part d’ombre.
J’arrive à la garder sous contrôle la plupart du temps, mais il y a des jours où rien ne va. Dans ces moments, je craque et elle sort sous forme de colère, sous forme de panique. Quand elle se manifeste, je préfère rester seul, parce que je me sais imbuvable. Je n’y suis pas retourné depuis longtemps mais dans des moments de doute ou de douleurs, j’aimais attendre la nuit. Elle me permettait de me faufiler dans les rues sans contact humain. Je me glissais dans l’obscurité d'un morceau de quartier dénué de lampadaire, de marcher durant quelques minutes avant d’arriver à ce lieu que je garde en très haute estime.
Ce petit coin d'apaisement est un parc, nommé le Talweg. De grandes étendues herbeuses, une grande maison qui accueille les enfants du quartier lorsque les écoles du coin sont fermées. La nuit, les enfants sont rentrés chez eux et à l’heure où je débarque, ils doivent dormir à poings fermés. La douleur s’estompe enfin, je me relève pour m’avancer davantage au creux de ce parc. La forêt prend le relais à ma droite et à ma gauche, seule la lumière de la lune et de quelques habitations éclaire mon chemin. Dans cet endroit, je peux poser mes réflexions, sans jugement, je pourrais hurler sans être entendu. J’arrive plus bas dans le parc, à cet endroit, se tient un terrain de football, peu utilisé. Ici, je ne m’y aventure que très peu, le retour à la civilisation se tient en effet à quelques mètres devant moi.
En remontant ce chemin, je ressens la douleur traverser mon corps. Fort heureusement, d’autres bancs ne sont pas très loin, je peux m’arrêter quelques instants. À cet endroit, je me laisse porter par la vision de la pleine lune. Mes écouteurs passant mes morceaux préférés, mon fardeau s’allège durant quelques instants. Ce parc est un refuge où j’ai posé de petits morceaux de moi-même. Je m’étais assis sur ce même banc, dix ans auparavant, me demandant si j’allais prolonger ce contrat qui me liait à une école que j’appréciais énormément mais qui changeait de direction. Je suis venu pester contre ma famille plus de fois que je ne peux m’en rappeler, j’ai discuté des plus grosses futilités mais aussi des sujets les plus sérieux avec mon meilleur ami ici-même. Quand j’y pense, j’aimerais de nouveau le faire mais pour ça, il faudrait que je me débarrasse de ma douleur. Avec cette pensée en tête et la mélodie d’un de mes groupes favoris, je remonte des côtes éprouvantes pour retrouver la civilisation et mon lieu de vie.
A bientôt, Talweg.