Il pleut sur les joues de Rosie depuis que mamie est partie.
Il pleut dans le cœur de Rosie comme un orage qui fait plein de bruit.
Sans un au revoir ni un câlin, mamie est partie très loin. Du jour au lendemain, elle s’en est allée au pays dont personne ne revient.
Papa et maman ont couvert Rosie de baisers en lui répétant de ne pas s’inquiéter.
Ils lui ont expliqué que mamie était partie rejoindre papi, tata Virginie et Spaghetti, le vieux chien de tonton Henri. Tous ensemble, c’est sûr, ils vont bien s’amuser. Tous ensemble, c’est sûr, ils vont bien rigoler.


 Il pleut sur les joues de Rosie depuis que mamie est partie.
Il pleut dans le cœur de Rosie comme une monotone et froide pluie d’automne.
Maintenant, un gentil monsieur habite dans la maison de mamie. Pour qu’il puisse s’installer, les affaires de mamie ont été retirées. Rosie ne sait pas où elles sont passées. Un soir, maman est rentrée avec son drôle de pot de fleurs violet, sa marmite à confitures tout usée et sa robe préférée. Le lendemain, elle a pris sa grande paire de ciseaux et a découpé la robe de mamie en plusieurs morceaux. Puis, avec les bouts de tissu, elle a confectionné un petit tablier à Rosie, ainsi qu’une jupe et un chemisier à Chloé, la poupée que mamie lui avait tricotée.
Tous les matins, Rosie met son tablier-mamie avant de faire de gros câlins à Chloé qui sent bon le parfum de mamie.


 Il pleut sur les joues de Rosie depuis que mamie est partie.
Il pleut dans le cœur de Rosie comme une grosse pluie qui surprend, mais ne dure pas longtemps.
Ce matin, à son réveil, Rosie est tout étonnée en découvrant sur sa table de chevet un étrange appareil. Il est en forme d’abeille. Sur son dos, il y a deux gommettes : une rouge et une verte. Doucement, Rosie appuie sur la verte. Aussitôt, elle entend une voix chanter. C’est celle de maman. Elle chante, l’une après l’autre, toutes les chansons que lui chantait mamie. Rosie ferme les yeux et sourit en écoutant maman-mamie.


 Il fait soleil dans les yeux de Rosie même si mamie est partie.
Il fait soleil dans le cœur de Rosie ; un soleil timide, qui se montre puis se cache, un soleil qui joue à cache-cache.
Maman a collé une photographie de mamie au milieu d’une grande feuille cartonnée. Rosie dessine tout autour des notes de musique, des papillons et des fleurs, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Sous la photographie, elle écrit « mamie » en mettant un petit cœur sur le « i » pour faire plus joli. Rosie sourit en regardant son travail fini. Rosie sourit en regardant mamie sur la photographie.


 Il fait soleil dans les yeux de Rosie même si mamie est partie.
Il fait soleil dans le cœur de Rosie ; un soleil doux qui réchauffe de l’intérieur, un soleil doux qui remplit les poches et le cœur.
Cet après-midi, maman, papa et Rosie font des petits biscuits. Les mêmes que mamie apportait dans sa grande boîte en fer dorée, sur laquelle était noté « Petits Bonheurs à partager ». Quel délice ! tous ces petits gâteaux en forme d’animaux bizarres et rigolos. Quel délice ! toutes ces petites galettes qui sèment des miettes jusque dans les chaussettes. Les biscuits-mamie font beaucoup rire Rosie.


 Il fait soleil dans les yeux de Rosie même si mamie est partie.
Il fait soleil dans le cœur de Rosie ; un grand et chaud soleil radieux, un soleil qui fait chanter et rend heureux.
Papa est revenu de la ferme des environs avec un mystérieux carton. Un carton avec des trous qui fait ronron. Doucement, Rosie ouvre le carton et découvre, roulé en boule, un chaton. Il est gris et n’a pas encore de nom. Rosie le caresse. Il est aussi doux que les grosses pelotes de laine de Mamie. Rosie aimerait l’appeler « Pompon ». Papa accepte. C’est la fête ! Rosie applaudit et saute comme un ouistiti. Surpris, Pompon redresse la tête et la regarde. Ses yeux sont vert-gris, comme ceux de mamie. Rosie rit en voyant le chaton. Rosie rit en voyant les yeux vert-gris-mamie.
Pompon sort du carton, lèche la joue de Rosie puis se met à courir dans toute la maison. Rosie le suit et rit.




 Mamie est partie pour le pays lointain, le pays dont personne ne revient, mais, partout où Rosie va, elle la sent, elle l’entend, elle la voit.
Rosie n’est plus triste ni inquiète. Désormais, elle sait que le souvenir de mamie ne la quittera jamais. Rosie sourit. En regardant Pompon, elle se dit que mamie la voit peut-être aussi…