Depuis tôt le matin de ce samedi, on se retrouvait au Bar des sports du village, qui assurait le débit de tabac et les paris du PMU, pour échanger nos idées.

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Il nous fallait à tout prix résoudre cette nouvelle énigme, encouragé par la forte concurrence d'autres participants de la région. Nos BMX rangés dans la cour, le long de la grande véranda de la salle de bar, on se prenait une boisson chaude ou un soda. Le patron nous connaissait bien et il s'habituait à nous voir réunis, à des années-lumière de nos stratégies de jeu Internet qui ne l'intéressait guère.

En arrière-plan, on entendait dans la salle de jeux les bips et les sonneries parfois frénétiques des flippers et le claquement d'une partie gratuite. Des adultes jouaient autour du billard ou des baby-foot. Ils se la pétaient un max avec leurs canettes de bière à 10 h 00 du mat. On voyait leurs scooters ou leurs motos qui stationnaient sur le trottoir d'en face, le long de l'ancienne épicerie. Cette dernière avait fermé, voilà bien dix ans.

Sur tous les murs de la salle principale du bar, on voyait des fanions et des écharpes des clubs locaux de foot. Aux quatre coins, des écrans de télévision diffusaient en permanence les courses hippiques de la journée à Saint-Cloud, Deauville, Enghien ou Chantilly suivant la saison. Toutes les cinq minutes, des tirages Amigo proposaient de gagner jusqu'à 100 000 euros en jouant sept numéros parmi une combinaison de douze bleus et jaunes tirés au sort.

Mais ce qui me touchait le plus était de voir ces petites gens qui venaient juste prendre un café. Le regard se figeaient sur l'écran tout en scrutant les séquences sur leurs tickets. Parfois, leurs visages s'éclairaient et alors elles se levaient pour réclamer leurs gains à la caisse au niveau du débit de tabac. Alors le cycle infernal addictif reprenait avec des jeux de grattage pour fêter la réussite précédente aux délicieux noms d'un signe du zodiaque ou des morpions.

La Française des Jeux se montrait très imaginative pour captiver son public.

Cette société que j'observais du haut de mes quatorze ans ne me plaisait guère. Je menais une bataille avec tous mes proches pour échapper à cette forme de prise d'otages car je me sentais davantage solidaire des gens démunis, des mères courage et des associations caritatives.

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Le plus souvent, nous étions sourds à ce qui nous entourait et je finis, moi aussi, pas revenir à l'instant présent.

Les propositions autour de la table fusaient.

• On passe à la ferme des Kermadecs annonça Flore.
• Mais non t'auras rien là-bas ! lui rétorqua Jérem.
• Oui mais t'as les Alignements de pierres derrière chez eux, la Mare aux fées et le Roc branlant relança Bastien. Ces trois lieux-dits apparaissent bien dans l'énigme.
• Oui t'as raison intervint Kévin qui abondait toujours dans le sens dominant.

Sonia se taisait mais prenait des notes dans un calepin puis repartait sur la toile pour vérifier des pistes en interrogeant différentes bases de données à caractère historique. Elle jetait ainsi dans la mer immense des connaissances, des bouées de sauvetage ou de larges filets de pêche, qui parfois nous permettaient de glaner de précieux renseignements.

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Depuis le vendredi soir à 20 H 00, nous disposions d'une énigme et d'accessoires à retrouver. Chacun sur son smartphone, naviguant sur l'application l'Étoile du Sud, passait en revue l'inventaire des premiers éléments d'intrigue déjà résolus et listait les différents objets glanés qui gonflaient notre score en points accumulés et trophées.

À ce stade, des choix tactiques s'imposaient. Il m'incombait de répartir les rôles pour éliminer les pistes inutiles et restreindre le champ d'investigation.

Par chance, nous n'affichions pas de pénalités pour des hors-délais. Il faut préciser que les organisateurs mettaient un solide dispositif en place pour offrir un environnement réaliste dans lequel les participants pouvaient se mettre en valeur et s'éclater. On distinguait les joueurs de tous âges dont certains très jeunes — nous en l'occurrence —, les arbitres, les observateurs et des personnages influents enfilant l'habit d'un responsable du gouvernement ou d'un représentant d'une collectivité locale.

D'autres joueurs intervenaient parfois pour apporter une expertise sur des faits historiques. On disposait dans la ville voisine d'un musée, d'une abbaye et de services communaux. Et il faut bien préciser que notre Bretagne détenait une grande richesse de ce point de vue-là et plus encore dans le Pays des enclos.

Les légendes et les superstitions abondaient et nous devions parfois distinguer les choses entre les histoires connues ou reconnues et celles du domaine de l'invention pure et simple. D'aucuns se plaisaient à balancer des fakes ou surfaient sur de fumeuses théories du complot. Sans compter les Trolls qui se complaisaient à foutre le bouzin, rien que pour nous ennuyer en parlant avec politesse.

Il nous restait jusqu'à demain dimanche soir pour résoudre cette aventure et nous étions, moi Anthony et tous mes potes ainsi que Flore, ma petite amie, impatients et fébriles à l'idée de réussir à découvrir l'Étoile du Sud.

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• Bon ok, voilà une bonne idée. Pour l'instant, on n'a rien de mieux. À moins que Sonia nous ramène quelque chose.

Celle-ci sans répondre fit un mouvement de dénégation de la tête.

• Dac. On se répartit les missions. Sonia et Flore, vous allez au Cimetière de l'Abbaye pour vérifier cette histoire de Croix pattée. Il me semble qu'il y en a une qui porte une inscription latine.

Les filles opinèrent du bonnet.

• Bastien et Jérem, vous allez chez la mère Dulac pour consulter les recettes de son vieux grimoire. Comme il est question de bave de crapaud, d'encre de seiche et de bile de bouc, peut-être pourra-t-elle nous dire à quoi cela correspond.
• Ça marche ! dire en cœur mes deux potes.
• Kévin tu viens avec moi à la ferme des Kermadecs. On va vérifier l'hypothèse de Flore et Bastien. On se retrouve à midi ici pour la pause casse-croute et se recaler pour les pistes de l'aprèm.

Les boissons terminées, tout le monde se leva comme un seul homme et sortit du bar, prêt à chevaucher les destriers.

• Allez bonne chasse !

Avant de se séparer, Flore vint me caresser la main et poser sa joue sur la mienne. Je lui glissai à l'oreille un " sois prudente " auquel elle me répondit par un regard tendre.

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Réussir cette énigme me prenait les tripes car en cas de succès et de victoire sur les autres groupes, on pourrait proposer un scénario de notre cru pour le prochain rendez-vous mensuel.

Et pour ça et plein d'autres choses, je ne manquais jamais d'imagination !

=O=