Massacre

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La cité était déjà pleine de flics.

Arrivée au pied d'un petit immeuble fraîchement rénové, je vis immédiatement Félange me faire un geste de la main. Il y avait dans ses yeux quelque chose qui ressemblait à de la peur, ou du dégoût. Un éclat qui ne me rassura pas.

Je me frayai un chemin entre badauds et cordon policier. Derrière moi, une bouteille éclata au sol. On criait. La police n'est jamais la bienvenue, ici.

Je suivis mon coéquipier dans une large cage d'escalier qui débouchait au premier étage sur un grand appartement éclairé, porte d'entrée ouverte. Je m'engageai vers le salon. Rien.

On m'indiqua une chambre.

Lorsque j'y pénétrai, je compris le malaise de Félange. C'était un massacre.

Un homme était étalé sur le ventre, à terre, T-Shirt et pantalon de pyjama gorgés de sang. Son dos n'était plus qu'un amas de chair sanguinolente mêlé à ce qui restait du vêtement. Sa tête était incomplète : un côté du crâne avait éclaté, probablement sous l'impact d'une seconde cartouche. Gros calibre. Aucun risque de survivre à ça, même si on est mauvais tireur.

Madame, elle, gisait encore dans les draps et avait subi le même traitement.

« Ce n'est pas tout, Lande... »

Je n'aimais pas le ton de sa voix. Je n'avais jamais vu Félange aussi... perturbé.

« Va voir dans l'autre chambre. Celle avec des étoiles sur la porte. »

Je me dirigeai à travers le petit couloir vers la pièce en question. Quand j'entrevis le corps de l'enfant sur le lit, je ne pris même pas la peine d'entrer.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, ici ? »

Je vivais l'une des pires nuits de mon existence.

Le type était un représentant historique de l'opposition, assez connu dans le coin. Maurice Rochard. Moi, transfuge tout frais de la région voisine, j'ignorais presque tout des entremêlements politiques locaux. L'homme ne semblait représenter une menace pour personne, à part qu'il était une figure communiste de ce quartier populaire grisâtre, éloigné du centre-ville et de ses lumières. Une grande gueule qui ne manquait pas une occasion de l'ouvrir, mais pas méchant. Pas réellement nuisible aux plus gros que lui. La gamine était sa petite-fille, en vacances chez eux.

Félange perdit au tirage au sort et fut désigné pour annoncer la nouvelle aux parents.

Nous partagions tous la même opinion : ça ressemblait à un règlement de comptes. La violence de la tuerie et l'acharnement manifeste contre les victimes faisaient pencher nos boussoles du côté des réseaux parisiens. Pas discret, pas subtil.

Mais le message est toujours extrêmement clair.

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