L'étincelle

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Je décroche et active le haut-parleur.

« Police Nationale. Lande. » J'entends un homme inspirer profondément à l'autre bout du fil, comme s'il se préparait à vivre quelque chose de grave. « Parlez, je vous écoute. » Toujours rien. Sa respiration se fait progressivement plus calme. Il est en train de reprendre le contrôle.

« Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous à nous dire ? Magnez-vous, ou on raccroche.

  • Félange !
  • Attendez... »

Quelques secondes passent. Dehors, le vent se lève avec force. La nuit donne à l'étrange gesticulation des arbres un aspect cauchemardesque.

« Les meurtres... Rochard... Écoutez-moi.

  • Je ne demande que ça.
  • Je peux vous aider, je... Je sais qui vous cherchez. »

Félange hausse les sourcils, ses yeux s'ouvrent avec gourmandise.

« Vous-vous souvenez du 12 septembre 1997 ? Questionne l'inconnu.

  • Il y avait eu de grosses émeutes urbaines... C'était où, à Essy ? »

Je passe une main sur mon front congestionné. La migraine a débuté au moment où l'homme a commencé à parler.

« C'est ça. Et vous-vous rappelez ce qui a déclenché ce merdier ?

  • On a retrouvé deux jeunes... morts... dans une cave. Ils avaient été passés à tabac... complètement cassés... Me souviens-je.
  • Ils ont aussi pris une cartouche dans la tête. On a dit que c'était des types de la cité, qui les avaient allumés. Un règlement de comptes. Mais c'était pas tout à fait ça.
  • C'était quoi, alors ?
  • Pas au téléphone. Je me suis déjà bien trop grillé. Cherchez. Comparez les meurtres. Faites votre taf ! »

Sa voix chevrote, il a la trouille. Mes yeux me font mal. Mon front est si chaud que je ne ressens qu'un froid intense, comme si mon cerveau s'était changé en glace. Le type commence à s'exciter.

« Il y a déjà eu trois morts, dont cette gamine. Une gamine, putain ! Vous imaginez ce qu'il pourrait faire à quelqu'un qui détient des informations qui permettraient de l'identifier ? »

Je ne réponds pas, mais visualise très bien la situation. Il faut à tout prix qu'il crache avant de disparaître dans la nature.

« Je vous contacterai par un autre moyen. Mais ne cherchez pas à me retrouver. » Il raccrocha. Félange et moi échangèrent un regard incrédule.

Je suis persuadée que notre inconnu sait quelque chose, et ça ne concerne pas seulement l'identité de l'homme en noir. L'assassin avait souhaité faire passer un message. Tous ceux qui savent seront éliminés sans pitié aucune. Notre interlocuteur avait visiblement peur, il était effrayé. Menacé. Paradoxalement, c'était peut-être même ce qui l'avait motivé à parler. Je dévisage Félange.

« Lande... Je suis bien trop crevé pour éplucher d'autres dossiers. On fait ça demain ? »

Je suis moi-même au bord de la rupture. Mon crâne... j'ai l'impression qu'il va imploser...

« Tu as raison.

  • Le prends pas mal, mais t'as vraiment une sale tête. Tu ferais mieux de te reposer un peu. »

Les aiguilles de ma montre indiquent vingt-deux heures quarante.

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