Sur des rails

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Je suis de retour au poste vers quatorze heures. Mon blouson à peine dézippé, Félange me saute dessus, excité comme un gamin au matin de Noël.

« José est passé. Il a déposé quelque chose pour toi. »

Je fixe le petit rectangle blanc laissé bien en vue sur mon bureau. Mon nom y est inscrit en gros caractères.

LANDE.

Ainsi que l'adresse du Collectif Citoyen du quartier. Mais il y a un problème. L'enveloppe est déjà ouverte. Félange m'assure que José l'a amenée comme ça. J'en extirpe une feuille de papier pliée en quatre que je déploie devant mon collègue. Une sensation que je connais trop bien remonte le long de mon dos. Mes yeux s'écarquillent.

« Quoi ? Demande-t-il, curiosité piquée.

  • C'est lui. Le coup de fil d'hier soir. Il veut me rencontrer.
  • Où ça ?

Je lui tends la lettre.

  • Il a dû envoyer le courrier quelques jours avant de nous contacter. Il n'y a pas de date.

Félange fait silence, l'air intrigué. Finalement, il reprend :

  • Ça veut dire que tant qu'on se sera pas pointés là-bas, il nous attendra, chaque jour, à cette heure.
  • Précisément, réponds-je en remettant mon blouson.
  • Et je fais quoi, moi ? »

Excellente question.

« Tu m'attends. Tu décortiques le rapport du légiste, quand il sera disponible. Et... Je sais pas, trouve un truc. Genre, éponger les deux jours de retard qu'on a accumulés en paperasse administrative. Ou aller interroger d'autres habitants du quartier... »

J'ai soudain un éclair d'angoisse, comme une prémonition mauvaise.

« Et lance un avis de recherche sur José. »

Je sors du bureau ; Félange me jette un regard mauvais. Je me dirige vers la gare, à pieds.

Un chaos de corps s'empare brusquement du quai quand le train pour Paris, celui que je dois prendre, débarque ses passagers. Le bruit des freins se mélange au brouhaha des voyageurs. La petite voix digitale de la Société Nationale préférée des Français annonce suavement que le train pour Bordeaux aura dix minutes de retard. J'achète un sandwich. Et puis j'attends.

Quand le flot semble se tarir, je m'engage et grimpe dans le wagon de tête. Je m'installe confortablement dans l'un des fauteuils défraîchis de la rame. Quelques instants plus tard, le train se met en mouvement.

Les paysages ruraux défilent devant moi, bientôt remplacés par le magma urbain des premières banlieues. Bien calé dans le fauteuil, le chauffage trop fort envahissant l'espace, mon corps se détend. Je me sens bien. Ici, il n'y a rien à faire d'autre que de penser au-dehors qui file comme le film d'une vie passée sur des rails.

« 18h00 / L'entre-temps

Paris XIII »

Voilà ce qui était marqué sur le papier.

Je finis par m'endormir.

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