« J'ai vérifié pour Ouadan. Il a été tué de la même façon que les Rochard. Massacré, pas une chance. Gros calibre, forte dispersion. Le même qui est mentionné dans les rapports d'autopsie des Rochard. Ils sont arrivés pendant que tu faisais du shopping dans la capitale... »

Si j'avais pu tordre le cou de Félange, je l'aurais fait. Mais, allongée dans un lit d'hôpital, cablée de partout, je ne m'étais jamais sentie aussi faible.

« On a aussi eu le retour de l'opérateur mobile. L'historique des coups de fil passés ou reçus par Rochard n'a rien donné. Yanis a dû prendre les mêmes précautions avec lui, il y a un an. »

Mon moniteur fait défiler les montagnes saccadées de mon pouls, affiche dans un coin ma pression sanguine et mon taux d'oxygénation. Tout est là. Ma vie mesurée. Mon cœur qui bat encore. Un miracle.

Il va revenir terminer le travail.

« On a posté deux flics en civil au niveau de ta chambre, et encore deux en bas, à l'entrée du service. Je pense que tu ne risques rien. Tu peux te détendre. »

Je ne me sens pas plus rassurée... Mais je fais en sorte que ça ne se lise pas trop sur mon visage.

« Une dernière chose... J'ai demandé aux renseignements s'ils avaient un « Swann » sous couverture à Essy en 1997. Ils m'ont dit qu'ils vérifieraient et que s'il existait bien, ils nous enverraient le dossier.

• T'assures, Félange. »

Je ne peux pas m'arrêter de penser à l'incommensurable merdier dans lequel nous flottions, et à la consécution d'erreurs que j'avais commises. Le problème, c'est que je n'avais compris l'ampleur de l'affaire qu'au moment des révélations de Yanis. Après coup, c'était évident. Ce n'était pas qu'une question de trafic, de petits arriérés entre truands. Ça allait bien plus loin. Rochard avait dû comprendre quelque chose, nous ne savions pas encore quoi. Mais son doigt pointait une direction qui promettait encore beaucoup d'emmerdements.

Restait à trouver à qui profitait le deal passé avec Ouadan il y a plus de quatre ans.

« Félange... Est-ce que tu pourrais me trouver tous les articles politiques locaux parus entre janvier 2013 et les élections de 2014 ?

Il plissa les yeux.

• Je me sais d'une efficacité redoutable, mais je ne suis toujours pas ton secrétaire, Lande.
• Je suis dans un lit d'hôpital et j'ai tellement de fils qui dépassent qu'un poulpe pourrait tenter de s'accoupler avec moi. Mes capacités d'action sont un peu diminuées...

Un sourire se dessine sur son visage carré. Je le lui rends. L'atmosphère, qui commençait à prendre de la lourdeur, s'allège enfin. Je dois avoir Félange avec moi. Je ne pourrai jamais aller au bout de mes intuitions sans son aide. J'ai besoin de lui. D'autant que j'ai encore un service à lui demander.

« Et vois si on peut mettre la main sur les listes d'appels de Ouadan.

Félange m'avait donné cette idée en parlant de l'historique téléphonique du vieux.

• Tu dis jamais "s'il-te-plaît" ? »