Au moment où Rose recouvra la vue, elle aurait souhaité ne pas voir ce qui se présenta devant elle. Non pas que son compagnon, l’être doré, avait disparu. Sa lumière brillait, plus intense, dans le ciel gris. Mais il se battait avec la femme écarlate, ou plutôt, ce qu’elle était devenue.

La femme avait mué en une espèce de léopard à sept têtes et dix cornes. Dix auréoles ornaient les têtes, et sur les fronts étaient gravés des écritures que la petite fille ne pouvait pas lire, mais qui la glacèrent jusqu’au sang. Une patte d’ours tenta d’immobiliser l’être, qu’il esquiva avec souplesse. Le monstre infâme ouvrit alors sa gueule, identique à un lion, et tenta de dévorer tout sur son passage.

Bien au-dessus des nuages surgirent d’autres anges qui vinrent à la rescousse. Des ailes se déployèrent, agitées par le vent. Ce qui ressemblait à des centaines de lances étroites jaillissait dans les airs, atterrissant finalement au cœur du jardin. Et tandis que Rose regardait les hommes de lumières tomber, elle sentit à nouveau la peur l’envahir. Des vautours, qui se déployaient autour de la bête, se régalaient en avalant les anges sur le sol. L’être doré ne perdait cependant pas son courage, faisant danser son épée de feu, se frayant un chemin à travers les rapaces.

C'est à ce moment-là que quelque chose souffla au-dessus de la tête de la petite fille : le son des trompettes, semblable au tonnerre. Son cœur rata un battement. Ses oreilles bourdonnèrent. D’où venait la symphonie cuivrée ? Elle regarda dans toutes les directions, puis s’écroula d’un seul coup, percutée par la puissance du son.

Des pieds lourds retentirent sur le sol, et sans pouvoir se l’expliquer, Rose comprit que l’heure était enfin venue.