44. Le syndrome Britney Bitch

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"Mais qui êtes vous ?
La question n’est pas de savoir qui je suis, mais où je suis."
Scream

Est-il possible de faire du neuf avec du vieux ?

Coupons court tout de suite à ce suspens insoutenable et nocif pour la tension artérielle : oui, c'est possible. En effet, mon gratin Fourzitou (gain de place dans le frigo) et les chansons de Christophe Mahé en apportent la preuve irréfutable. Maintenant, une question plus intéressante serait : obtient-on de bons résultats avec cette méthode ? Et là, je suis moins catégorique. Je ne disserterai pas sur la qualité et l'originalité des productions lyriques de Christophe Maé, je ne veux fâcher personne (il m'est arrivé de fredonner ses chansons en voiture, je plaide coupable). Quant à mon Fourzitou, il n'a jamais rencontré d'immense succès à la maison, mais à ma décharge j'y ai des gastronomes particulièrement sensibles.

Alors pour répondre à cette épineuse charade, j'ai décidé de prendre un paradigme parlant et universel, avec lequel chacun pourra s'identifier facilement : Britney Spears.

La fringante Bribri est passée de la mignonne gamine animatrice du Mickey Mouse Club à l'adolescente aguicheuse de Baby one more time, puis est devenue la jeune femme sexy qui a roulé une pelle à Madonna avant de se faire larguer par Justin Timberlake (énorme, énorme erreur Britney) avec plein de tubes en chemin dont l'inoubliable Toxic, perso le seul que j'apprécie vraiment dans sa discographie. Et puis trou noir, pétage de plombs, descente aux enfers et rasage de crâne immortalisés par les impitoyables paparazzis. Parcours classique quoi.

Voyez, c'est facile de s'identifier.

Après ça, je ne sais pas vraiment ce que Britney a fait de sa vie, j'ai dû vérifier sur sa page Wikipédia. En fait elle a réalisé beaucoup de choses, elle a sorti des albums, tout plein, elle a fait des tournées, des émissions télé, des concerts à Las Vegas... Ce que j'avais retenu pour ma part, c'est que si elle revenait de temps en temps sur le devant de la scène, elle n'y restait jamais bien longtemps. Pour l'une de ses énièmes résurgences, en duo avec le chanteur des Black Eyed Peas, elle se faisait appeler Britney Bitch. Je n'avais pas trouvé cela terrible à l'époque. La chanson était bof et ce n'était pas franchement glamour le plan Britney Bitch, bonjour l'image de la femme. Mauvaise caricature de son côté sexy, pas valorisante. Too much. Ben voilà, à force de nous servir les restes, son Fourzitou avait cramé.

Et donc la réponse à la question est : faire du neuf avec du vieux est assez risqué. Tu peux finir sans cheveux, sans talent et sans amour-propre. Voilà ma superfétatoire pierre à l'édifice de la pop-philosophie.

En ce qui concerne les cailloux de ma construction personnelle, leur collecte est en cours. Je finis de tourner cette page, celle qui est super lourde, punaise, et elle est en train de tomber avec un petit bruit de fin de chapitre qui aura des répercussions retentissantes sur mon quotidien pépère et bien huilé. Je dois anticiper pour ne pas me faire aplatir. Alors si j'ai droit à un come back, ma petite rentrée au travail, comment je gère ce retour à la vie d'avant ? Sans foirer tout ce qui a été accompli depuis deux ans ?

La grande sage Céline Dion m'a prévenue sur les ondes de radio imposées pendant mes séances de rayons : "on ne change pas, on met juste les costumes d'autres sur soi". Alors oui, ce sera le billet des chanteurs de la honte. Oui. N'empêche que Céline n'a pas tort, j'ai un goût de revanche dans la bouche qui risquerait de m'entraîner sur le terrain glissant des vieux ingrédients, des mauvaises habitudes voire de virer en mode too much Britney Bitch.

J'ai passé le cap du combat truqué moisi, mais je dois bien garder mon costume de Tripeswoman en place et laisser sur le bas-côté mes petits besoins de réassurance, mes petites angoisses : que je suis sortie indemne de zombieland, que je suis en capacité d'assurer, de carburer, que je ne suis pas un boulet. Ça fait un paquet de trucs complètement inutiles, inexacts et nocifs à déposer à la déchetterie.

Quand j'ai dit adieu à ma vie professionnelle telle que je la connaissais dans le parking souterrain de la CPAM il y a quelques mois, quand j'ai décidé d'arrêter de me frauder moi-même, ce n'était pas des paroles en l'air. Plutôt que penser aux ingrédients, je change la recette. Je vais me faire ma petite étape rasage de tête comme Britney, un passage à l'acte symbolique. Dans mon cas, ce ne sera pas de mes cheveux dont je vais me débarrasser, mais de mon ancien moi du boulot. Celle qui n'avait pas spécialement de difficulté et qui ne nécessitait pas d'entretien particulier. Elle pouvait se permettre de faire passer les besoins des autres en premier, de prendre sur elle en cas de situation stressante. Cette fille là n'existe plus. Je soupçonne qu'elle est restée coincée sous les décombres et attend encore que l'équipe de secours la trouve, pendant que j'ai dû devenir Jemenfoutor, la fille qui s'en bat les steaks et qui trace.

Je vais bien me l'enfoncer dans le crâne, pas à coup de tondeuse, mais de démarche administrative. Un petit formulaire à compléter avec avis du médecin traitant qui est souvent une pilule difficile à avaler pour les gens, car il conditionne un changement de statut et une acceptation de ses difficultés. Je vais faire une demande de reconnaissance travailleur handicapé, le truc qui ne me fait pas spécialement rêver, mais bon, si je suis sans pitié ni concession avec les autres, je peux l'être aussi avec moi-même. Car quel qu'en soit le résultat, le récépissé de demande posera le cadre de ma reprise d'activité pour mon environnement professionnel, et surtout pour moi.

Est-ce qu'un cancer qui ne se guérit pas avec traitement à vie, quelle qu'en soit la durée, c'est un handicap ? Eh bien ce sera à la commission de la MDPH de me répondre.

En tout cas, je me pose des garde-fous et des rambardes, des barricades contre ma Britney Bitch qui pointe, car je dois l'empêcher de faire son show, et bien intégrer que je n'ai rien à prouver aux autres, et surtout pas à moi-même. Que le regard des autres et même ma propre opinion et mes envies n'ont aucune importance. Qui j'étais, comment je serai, ce que j'aurai à faire, ce dont j'ai envie, bla bla bla... beaucoup de questions qui ne servent à rien. Tant que je contiens, finalement, le reste on s'en fout.

L'important c'est juste où j'en suis et cet objectif à l'horizon conclu avec mes trois contrats de sang, prioritaire à tout autre engagement.

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