Ma piteuse Pythie
Ma piteuse Pythie qui n’entends plus les vers
Les vertus dont se joue ton musicien divin,
Pieuse enfant dont le cœur transparent comme un verre
Ne recevra jamais qu’une ivresse sans vin.
Pauvre fille, crois-tu que tes cordes vocales
Soient chéries d’Apollon plus que l’arc ou la lyre ?
On a trompé ton cœur d’un leurre clérical,
Ton cœur, qui, comme toi, n’a pas appris à lire.
On t’a menti, trahie, et contrainte aux adieux,
Tes parents étaient fiers de ta descente lente ;
On t’a dit qu’il fallait être élue par les dieux
Pour réagir ainsi que des bêtes bêlantes.
On t’a sertie aussi d’un sordide tombeau,
D’un trépied serpentin, de prétendus démons,
De laurier, de vapeurs, de mensonges si beaux
Qu’on t’a fait respirer le leurre à pleins poumons.
On t’a dit que ton corps était chose accessoire,
Que ton cœur sans oracle était un cœur aride,
Mais comment as-tu pu ne pas t’apercevoir
Que ton âme d’enfant se recouvrait de rides ?
Ma vieille vierge aux cambrements obscènes,
Ton ombre sombrement imprègne les tentures
Qui en la dérobant révèlent mieux la scène
Que la grossesse impose à ce corps encor pur.
Tu dois t’ablutionner dans les eaux du canal,
Mais l’oracle adultère enfle ton ventre raide,
On te déforme au prix des chastes bacchanales
Ma piteuse Pythie, tu es comique et laide
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