Ma piteuse Pythie

Une minute de lecture

Ma piteuse Pythie qui n’entends plus les vers

Les vertus dont se joue ton musicien divin,

Pieuse enfant dont le cœur transparent comme un verre

Ne recevra jamais qu’une ivresse sans vin.

Pauvre fille, crois-tu que tes cordes vocales

Soient chéries d’Apollon plus que l’arc ou la lyre ?

On a trompé ton cœur d’un leurre clérical,

Ton cœur, qui, comme toi, n’a pas appris à lire.

On t’a menti, trahie, et contrainte aux adieux,

Tes parents étaient fiers de ta descente lente ;

On t’a dit qu’il fallait être élue par les dieux

Pour réagir ainsi que des bêtes bêlantes.

On t’a sertie aussi d’un sordide tombeau,

D’un trépied serpentin, de prétendus démons,

De laurier, de vapeurs, de mensonges si beaux

Qu’on t’a fait respirer le leurre à pleins poumons.

On t’a dit que ton corps était chose accessoire,

Que ton cœur sans oracle était un cœur aride,

Mais comment as-tu pu ne pas t’apercevoir

Que ton âme d’enfant se recouvrait de rides ?

Ma vieille vierge aux cambrements obscènes,

Ton ombre sombrement imprègne les tentures

Qui en la dérobant révèlent mieux la scène

Que la grossesse impose à ce corps encor pur.

Tu dois t’ablutionner dans les eaux du canal,

Mais l’oracle adultère enfle ton ventre raide,

On te déforme au prix des chastes bacchanales

Ma piteuse Pythie, tu es comique et laide

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