Je retourne vers l’entrée de la cours. Symphonie me rejoint en première. Je me doute que mes cris ont été entendus. Elle dresse un pouce en faisant quelques vagues de l’autre main, la mine interrogative.

[ Ça va ? ]

• Parfaitement.

Je me ferme comme une huître, elle le sent et n’insiste pas. Les autres arrivent à leur tour. Je fais signe à Hugo de ne pas plus approcher. En cet instant, il m’insupporte au plus haut point. Lui aussi respecte ma volonté. Leur comportement obéissant me soulage et en même temps m’énerve de façon prodigieuse, de les voir tous s’acharner à me contenter. Ça me fait paraître si fragile… Et je le suis. Je le sais.

Symphonie et Hélène échangent un regard, discutent de choses que je ne peux entendre ni voir. Enfin, la militaire s’oriente vers son camarade alors que Symphonie s’approche de moi avec un air joyeux. Elle agite les bras dans tous les sens, j’ai du mal à la suivre. Elle finit par me serrer les épaules en m’amenant vers la rue passante.

[ On les emmerde tous ! Viens ! On va prendre quelques vacances ! ]

Elle ne me laisse pas le temps d’accepter, ou de refuser. Ses doigts s’emparent des miens et elle m’entraîne vers une voiture en compagnie d’Hélène nous ayant rejointe entre-temps, libre de tout son équipement laissé aux bons soins de Boris. Je me laisse faire, je me sens vide de toute force, ne désire que du calme. Je suis installée à la place passagère, mon amie s’empare de la place milieu-arrière. Elle me frictionne la tête, ce qui me fait pousser un fort cri de contestation. Ça l’amuse en plus ! La portière avant-gauche s’ouvre dans un claquement sourd. Hélène s’engouffre dans l’habitacle au moment où nous faisons toute deux silence. Elle affiche une mine sévère… avant de répéter exactement le même geste !

• Mais qu’est-ce que vous avez toutes les deux ?! Je suis pas une peluche !

Je m’égosille, ce qui n’a pour effet que de les faire rire. Symphonie repart à l’assaut et j’abandonne bien vite l’idée de les repousser. Qui se ressemble s’assemble.

• Bon ! Où que c’est qu’on va ?

La conductrice met la clé sans pour autant tourner le contact. Elle commence à enlever plusieurs couches en soupirant d’aise, jusqu’à ne rester qu’en débardeur blanc.

• Tiens, rends-toi utile.

Elle fourre tout dans les bras de Symphonie sans ménagement et clips sa ceinture. Ses mains se posent fermement sur le volant alors que sa tête se tourne vers nous. Son aimée va doucement frotter son front contre le sien en mimant un ronronnement de chat. Elles m’oublient l’espace d’un instant. Une petite seconde pour moi, une éternité pour elles. Elles finissent par se séparer, à regret. L’une sort une carte, l’autre démarre enfin le moteur. Symphonie semble avoir sa petite idée, pointe un secteur sous les yeux d’Hélène qui deviennent joyeux.

• Bonne idée !

Je les regarde tour à tour, méfiante quant à leurs projets. Le clignotant s’enclenche, nous voici parties vers…. Vers où ?

• On va chez mes ancêtres pour la semaine. Ils sont cools, tu verras.

C’est Hélène qui me répond. Elle conduit en mâchonnant des mèches de cheveux de Symphonie. Des filaments noirs traversent la moitié de la voiture… Beurk. N’empêche, sa réponse est plaisante. L’idée de passer une semaine en compagnie de ces deux-là n’est pas pour me déplaire. Qui sait, peut-être que je m’y sentirai mieux. En attendant, je tente de m’assoupir contre la vitre. Un chatouillis au niveau de ma nuque me sort de mes pensées. Oh non... Je suis la cible de Symphonie, bien décidée à m’ennuyer sur tout le trajet ! Joie…