2 - Monique

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 Après avoir déposé un lilas sur la tombe de ce défunt, elle poursuivit son chemin tout au long du cimetière. Elle repensait encore à la vie qu'elle venait d'inventer à ce vieux Robert, pourquoi avait-elle fait ça ? Elle n'en savait rien, sûrement pour retarder le moment où elle arriverait à la tombe de sa grand-mère.

 Chaque année, c'était la plus dure des épreuves par lesquelles pouvait passer Lily. Elle était pourtant habituée à la mort, travaillant comme infirmière urgentiste. Tous les jours, elle était confrontée à la mort, elle avait réussi à se forger une armure contre celle-ci, mais celle de sa grand-mère l'atteignait beaucoup trop et la touchait en pleins cœur. Ce jour lui rappelait tous les souvenirs qu'elles avaient créés et tous les souvenirs qu'elles ne créeront pas. Des images lui revinrent en tête, celles de sa première vraie bêtise de petite fille.

 Lily était une petite fille très active et capricieuse, elle arrivait toujours à avoir ce qu'elle voulait ; même s'il fallait utiliser la manière forte, à bases de hurlements, de cris et de pleurs. Elle en faisait baver à ses parents à cette époque. Ce jour-là, celui de sa première bêtise, elle était au parc accompagnée de sa mère et de sa grand-mère. Les deux femmes parlaient de tout et de rien, histoire de faire passer le temps, histoire de passer un moment privilégier entre une mère et sa fille.

 Lily jouait dans le parc pour enfants avec ses nouveaux amis, elle venait tout juste d'avoir six ans. La jeune fille courait dans tous les sens, bousculant les autres au passage, ce qui n'avait pas plu à un des enfants, qui sut le lui faire comprendre. Le jeune garçon attrapa Lily par le bras et le lui mordit d'une grande force. La petite fille criait à pleins poumons en tirant les cheveux de son agresseurs, tellement fort qu'elle lui arracha une mèche de cheveux. Le sang coulait le long de son visage, une vieille dame se précipita vers eux et hurla :

 — Mais tu es complètement folle, sale petite garce ! Qui a aussi mal éduqué cette gamine ? Ne faites pas de gamins si c'est pour les rendre comme ça.

 — C'est ma fille, répliqua Rosalie la mère de Lily. Et je ne vous permets pas de lui parler de la sorte.

 C'était alors la première vraie bêtise de la jeune Lily, à peine six ans qu'elle faisait sa petite loi, ne laissant pas les hommes lui faire de mal. Tout ça lui était resté en tête, elle avait beaucoup de mal à laisser un homme ne serait-ce qu'essayer de mettre un pied dans sa vie.  

 Toujours à longer les tombes, elle regardait plus attentivement une vieille pierre qui n'avait pas l'air entretenue. Les mauvaises herbes grimpaient le long de l'habitacle et laissaient tomber de vieilles feuilles mortes. Elle s'accroupis devant pour nettoyer un petit peu, pourquoi cette tombe n'était-elle pas entretenue ? Personne ne venait déposer de l'amour sur ce défunt. Après une longue bataille avec la végétation, elle put enfin lire le nom sur la plaque : Monique. La pierre était tellement délabrée qu'elle avait du mal à lire plus loin que le prénom.

 De la peine s'emparait de la totalité de son corps, pourquoi personne ne venait entretenir ce défunt ? Faisait-elle partie de ces âmes abandonnées par la vie et le cœur des vivants ? Lily ne vit qu'une seule plaque déposé par quelqu'un, sur celle-ci, on pouvait lire : "reposes en paix, tu vas me manquer mon amour." Elle en déduisit qu'il s'agissait d'un amant. Comment était-elle morte ?

 Elle la voyait habillée d'un jean slim et d'une chemise bordeaux, ses longs cheveux dansaient sur sa tête au rythme de ses pas. Elle avait l'air d'une jeune femme sûre d'elle, mais on pouvait lire de la peine dans ses yeux, meurtris par la vie. Son apparence et ses manières laissaient voir une jeune femme avec une certaine richesse, pourquoi être triste quand on peut avoir tout ce qu'on veut dans la vie ?

 Le soir n'allait pas tarder à se montrer, c'était le moment que Monique redoutait le plus, son heure allait sonner, c'était à la tombée de la nuit que sa véritable personne faisait surface. Elle revêtit ses vêtements du soir, une mini-jupe qui lui cachait à peine son intimité, ainsi qu'un top qui mettait beaucoup trop bien sa poitrine en valeur. Son visage était recouvert d'une couche de confiance et de superficialité qu'elle était obligée de revêtir pour attirer des hommes.

 Ce soir-là, elle avait besoin d'argent plus que jamais, c'était ce soir que tout pouvait changer pour elle. Elle avait enfin pris la décision de quitter la prostitution, d'aller vers un meilleur monde. Une voiture s'arrêta devant elle et la fenêtre se baissa, un jeune homme aux allures de vieux bourges laissa apparaître son visage. Il lui fit signe de monter, ce qu'elle fit immédiatement ; le dernier, ce sera le dernier.

 Il la conduisit dans une ruelle sombre et commença à la tripoter, glissant ses mains sous sa jupe et entrant en contact avec son intimité. Monique se laissa aller et profita du moment, elle ne devait pas, c'était à elle de donner de plaisir, elle ne devait pas en prendre. L'homme l'attrapa par les cheveux et lui enfourna son pénis profond dans la bouche, elle n'arrivait plus à respirer, les larmes commençaient à lui monter aux yeux, elle n'en pouvait plus de cette vie.

 — Qu'est-ce que tu fous ? Cria l'homme qui commençait à s'impatienter. Tu vas me sucer, je ne t'ai pas payé pour que tu restes là sans rien faire !

 Elle ne bougea pas, elle ne voulait plus, elle n'y arrivait plus. L'homme, devant cet affront, perdit tout contrôle et projeta la tête de la jeune femme contre le volant. Un filet de sang lui coula le long des joues, se mêlant aux larmes. Elle regarda une dernière fois l'homme avec un grand sourire ; c'était son dernier.

 C'était donc pour ça que personne ne venait sur sa tombe, elle ne connaissait personne à part toutes ses conquêtes du soir ? Lily essuya les quelques larmes qui avaient coulé sur ses joues et déposa un lilas, se promettant de venir chaque année entretenir la tombe de cette dame.

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