6 -Bénédicte

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 L'animal regardait Lily s'éloigner tout en mâchant le bout de son jouet en plastique. L'histoire qu'elle venait d'imaginer la rendait extrêmement triste, elle avait eu un animal de compagnie lorsqu'elle était petite. C'était un gros chat gris et blanc, il avait de grand yeux qui laissaient immédiatement voir ses émotions. Le félin était très câlin mais énormément joueur et agressif, sans le vouloir. C'était souvent qu'il lui sautait au visage et la mordait violement. Lorsqu'elle n'avait que dix ans, ses parents avaient prit la décision de mettre fin à ses jours, l'animal étant devenu trop dangereux à leur goût.

 Après un dernier regard à l'animal, elle continuait son chemin, suivit par le chien qui ne semblait vouloir la quitter. Elle se rapprochait dangereusement de son point de chute, l'endroit où elle ne pourra plus rien retenir, où elle perdrait le contrôle. Chaque année, elle essayait d'être forte, elle ne voulait pas montrer au monde qu'elle était triste et désespérée, mais chaque année, elle échouait.

 Elle s'approcha d'une tombe pour, encore une fois, imaginer la vie de la personne et retarder le moment où elle confrontera sa grand-mère. C'était une photo en couleur, on pouvait y voir une jeune femme élancée et sûre d'elle. Son teint était très pale et parsemé de taches de rousseurs.. Un grosse touffe de cheveux bouclés, d'une couleur cuivrée, couvraient sa tête, laissant à peine entrevoir ses yeux d'un vert éclatant.

 Un grand sentiment de mal-être et de tristesse noua la gorge de Lily et lui arracha quelques larmes. Elle n'aurait pas besoin, cette fois-ci, d'imaginer la vie de ce défunt, seulement sa mort, elle la connaissait très bien. La jeune et belle Bénédicte Millot, élève en première littéraire à ses côtés ; elle avait son âge. Les larmes coulaient plus abondement sur les joues de la jeune femme, elle était une fois de plus confrontée à la mort, celle d'un de ses anciennes amies.

 Lily ferma les yeux, essayant de faire remonter un souvenir joyeux, pour éloigner la tristesse qui s'était logée en elle. Malheureusement, rien ne lui vint en tête, les deux jeunes femmes étaient des connaissances et de très bonnes amies, mais elles ne partageaient que peu de choses ensembles.


* * *


 Bénédicte se promenait dans les rues de la vieille ville, ne faisant pas attention à ce qu'il y avait autour d'elle, comme elle en avait l'habitude. Elle n'avait peur de rien, c'était une personne tellement confiante et naïve. Pourquoi les gens voudraient s'en prendre à elle ? Elle avait toujours était très gentille avec tout le monde.

 Elle était le genre de personne à vouloir toujours aider ses amis, et même les gens qu'elle ne connaissait pas, une vraie Mère Térésa. Lorsqu'elle voyait un enfant faire un caprice à sa maman pour avoir un jouet, ni une ni deux, elle courait dans les rayons retrouver le dit jouet et s'empressait de l'offrir au petit pleurnichard.

 Lily se souviendrait toute sa vie du jour de leur rencontre, elle était assise sur un banc, seule, en train de lire un livre. Elles se perdait dans les tirades des jeunes tourtereaux dont l'amour était impossible et interdit, elle s'imaginait à la place de la jeune Juliette, attendant son Roméo. C'était au moment le plus intense qu'une voix aigüe la sortie de sa douce rêverie.

 — Roméo et Juliette ? Beaucoup trop classique et nul, tu devrais essayer autre chose, dit-elle en arrachant le livre des mains de Lily et le jetant plus loin.

 — Non mais ça ne va pas ? Répliqua-t-elle en se levant. Tu es complètement cinglée ! C'est le livre que ma grand-mère m'a offert.

 Lily courra vers son bien et entreprit de le remettre en état comme elle pouvait. Quelques feuilles s'étaient échappées du livre, tout comme les larmes dans les yeux de la pauvre adolescente. Bénédicte compris immédiatement qu'elle avait fait quelque chose de mal et qu'elle avait blessée cette jeune inconnue. Elle s'empressa de l'aider à tout ramasser.

 — Je... Je suis vraiment désolée, je ne pensais pas que ça allait te mettre dans un état pareil. Après tout, ce n'est qu'un livre...

 — Ce n'est pas n'importe quel livre. C'est celui que ma grand-mère m'a offert, elle l'avait depuis qu'elle avait mon âge.

 — Et ? Ça reste un livre banal, non ? Demanda Bénédicte.

 — Ma grand-mère est morte, c'était la seule chose qu'il me restait d'elle.

 Un sentiment de culpabilité empli le corps et le cœur de la rousse aux yeux verts. Sans réfléchir, elle entoura Lily de ses bras et la serra fort contre elle. Cet élan de gentillesse et d'attention la fit pleurer de plus belle et ses bras vinrent également entourer le corps de la jeune inconnue. Depuis ce jour là, chacune savait qu'elle pourrait compter sur l'autre, dans les bons comme dans les mauvais moments.


* * *


 Bénédicte déambulait dans les rues, comme à son habitude, elle était seule. Elle n'avait peur de rien, personne ne s'en prendrait à elle. Personne ne voudrait toucher à un si joli petit minois, et risquer d'en abîmer les traits fins. Habillée d'une jupe rouge, assez courte, d'un haut blanc et d'une paire de talon, sur lesquels elle se demandait encore comment elle réussissait à marcher, elle se dirigeait toute fière vers l'enterrement de vie de jeune fille de sa meilleure amie.

 Elle avait tout planifier au millimètre près : l'heure à laquelle elle devait arriver, l'heure à laquelle les stripteaseurs devaient faire leur entrer, l'heure à laquelle elle devait annoncer à tout le monde qu'elle était enceinte... Elle le savait, profiter de la fête de quelqu'un d'autre pour annoncer sa propre bonne nouvelle n'était pas très bien vue, mais elle s'en foutait. Elle serait avec toutes ses amies.

Vingt-et-une heure et dix-huit minutes, elle se trouvait déjà devant le lieu de rendez-vous, avec de l'avance, comme à son habitude.

Vingt-et-une heure et vingt-deux minutes, c'était bizarre, au moins une de ses amies aurait dû arriver, elles ont rendez-vous dans moins de dix minutes.

Vingt-et-une heure et trente-deux minutes, Bénédicte était désemparée, pourquoi était-elle seule ? Elle ne s'était tout de même pas trompée sur la date ?

Vingt-et-une heure et quarante-trois minutes, une ombre apparaissait au bout de la rue, enfin ! Elles avaient du retard.

Vingt-et-une heure et quarante-neuf minutes, un bruit de moteur retentissait, se dirigeant à toute allure sur Bénédicte.

Vingt-et-une heure et cinquante-deux minutes, le véhicule ne dévia pas sa trajectoire.

Vingt-et-une heure et cinquante-trois minutes, le bruit de la carrosserie contre le corps frêle de la jeune femme résonna dans toute la rue.

Vingt-deux heure, une ambulance arrive, les policiers également, une scène de crime.

Vingt-deux heure et dix minutes, décès de la jeune Bénédicte Millot.

 Sa vie était rythmée à la minute près, tout était prévu : son premier baisé, son premier amour, sa première fois, son mariage et maintenant, sa grossesse, rien n'était laissé au hasard dans sa vie, elle n'aimait pas l'incertitude. Comment pouvait-elle prévoir une chose pareille ?

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