Une histoire de poisson et de mouette
Ornithophobique que je suis, il est tout à fait normal que je ne supporte pas la vue de cette mouette morbide. Elle me fixe de ses yeux minuscules comme pour me narguer. De tous les coins du lac, il fallait qu’elle vienne s’installer près de moi. Les gamins, mes gamins s’excitent comme pas possible dès qu’ils la voient. Elle ne s’envole pas et m’observe toujours. Du moins, c’est ce que je croyais. Elle regarde plutôt les petits poissons que je viens de pêcher, censés être notre déjeuner. Luc, l’aîné, vient rapidement déclarer, comme si c’était la découverte du siècle, que ce piaf avait sûrement faim. Qui ne serait pas affamé en plein janvier ? Le froid est déjà insupportable à la maison, alors au lac c’est bien pire. J’aurais dû refuser les regards larmoyants de mes enfants, souhaitant manger du poisson frais. J’adore la pêche et mes gosses le savent, ils ont misé sur un fil sensible.
J’essaie tant bien que mal de rester concentré sur ma tâche, en vain. Cette mouette rieuse s’approche pas à pas vers le seau où j’ai posé les poissons, je transpire. Je feins l’indifférence et jette un coup d’œil. Soudain, ma canne se courbe et j’oublie en un instant ma peur. Je pompe rapidement quelques secondes avant de mouliner. Et hourrah ! Un autre poisson à déguster ! Néanmoins, ne faisant pas attention où je mettais les pieds, je glisse et tombe sur mes fesses.
« Papa, tu n’as rien de cassé ? s’inquiète la voix de Lily, ma seule fille du groupe, tandis que ceux de ses frères s’esclaffent à gorge déployée.
-Oui oui, ne t’en fais pas. »
Je la rassure en caressant ses cheveux bruns dont elle a hérité de sa mère. Voulant me lever, je sens un poids sur mes cuisses. Les convulsions du poisson cessent doucement, quant à la mouette, elle le retient avec ses pattes…La mouette ! A ce moment-là, les rires de mes garçons reprennent de plus belles à l’entente de mon cri aiguë, plus aiguë que celui de leur mère.
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