Sidis
Planète Saba-13, 25/11/2562
Chère Elise,
J’aurais tant aimé que tu sois là. Tu aurais adoré. Cette planète est d’une beauté comme je n'en ai jamais vu, et d’une sérénité enivrante. J’ai vraiment l’impression d’être au paradis. Les Sabéens m'ont très bien reçu. Certes ils m’ont confisqué tous mes appareils à l'atterrissage, mais cela m’a permis d’expérimenter leur mode de vie plus authentiquement, et je dois avouer qu'ils ont bien fait. D’ailleurs, qu’est ce que tu penses de mon écriture ? Ah, je donnerais cher pour voir ta tête quand on te remettra cette lettre en papier des temps anciens ! ... tu me manques...
Pour une première phase, j’ai opté pour Sidis, le village perché dans la jungle de Smeraldo. J'étais curieuse de voir ce que ça faisait de vivre dans la canopée, à plus de cent mètres du sol. On m’a collé un guide et protecteur car ils avaient peur que je tombe. J'avais protesté au départ mais je dois avouer qu’ils avaient raison. Les passerelles en cordage, pourtant solides et bien tendues, se sont avérées terrifiantes. Lors de ma première traversée, je suis restée coincée au milieu du chemin, pétrifiée, jusqu'à ce que Oljak, mon guide, m’ait tenu par la taille, me donnant l’assurance nécessaire pour continuer. Mais rassure-toi, depuis ça va beaucoup mieux. Je ne suis pas aussi habile que les Sidissis mais au moins je ne crée plus de bouchons.
Ah oui, j'ai eu un mal fou à dormir les deux premières nuits car la jungle, ici, ne dort jamais ! Il y a un animal en particulier, le Jakka, dont les cris nocturnes me déstabilisaient car ils ressemblaient aux pleurs d’un homme endeuillé. Je te laisse imaginer ma tête quand on m’avait servi mon premier steak de cet animal. J’ai dû goûter pour ne pas offenser mes hôtes puis j’ai dévoré le reste car c’était tout bonnement succulent. On aurait dit du porc mais en beaucoup plus raffiné. Ah oui, MERCI d’avoir mis la salière dans mes bagages, tu m’as sauvé la vie. C’est vrai que le sel ici est une denrée très rare, si bien qu'ils n’en mettent presque pas dans leurs mets.
L'espéranto est une langue très facile à apprendre, je me demande pourquoi on ne s’en sert pas dans la fédération. Moi en tout cas je la maitrise parfaitement à présent, et ça me permet de mieux me rapprocher des sabéens. En tout cas, je commence à les comprendre. Leur mode de vie naturiste (avec la nudité en moins) qu’on prenait pour une aberration, une anomalie, ou au mieux une absurdité, me dévoile petit à petit ses subtilités délicieuses au quotidien. Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te proposer de nous installer ici, mourir de vieillesse naturelle à moins d’un siècle ne m'intéresse pas du tout. Si je dis ça, c’est que je commence à cerner à présent le désir de ces gens à vivre de la sorte. Et je compte en faire mention dans mon rapport. J’estime que les Sabéens ont le droit de vivre tel qu’ils le souhaitent, et que l’on n'a pas à les contraindre à nous rejoindre. De toute manière, ils ne nous seront d’aucune utilité dans notre guerre contre les Urkus. Faire couler le sang, ils en sont incapables. Sauf pour se nourrir évidemment, et encore, ils ne le font que par nécessité et avec grande parcimonie.
Demain je vais prendre la route pour les plaines de Verda. C’est à trois jours à dos de cheval ! J’ai hâte ! Oljak m’avait proposé une charrette matelassée pour plus de confort mais j’ai refusé, je voulais monter comme lui. Il m’a préparé alors une selle spéciale doublement rembourrée pour m’éviter de me casser le derrière. J’espère que je ne vais pas le regretter.
Voilà, je t’en dirais plus dans la prochaine lettre. Salue tout le monde pour moi, et dit au sénateur Spike que mon rapport avance bien.
Ah, j’ai failli oublier, j’espère que tu aimes mon dessin ci-joint. C’est tout ce que tu auras, car comme je te l'ai dit, je n’ai plus aucun appareil. Moi je le trouve pas mal pour un début.
Je t’embrasse fort.
Maya.
Annotations
Versions