L'arrivée de l'espion impérial
Le lendemain se déroula tranquillement entre la préparation de l’arrivée de leur frère et les soins que Rina devait appliquer sur ses différentes blessures. Mino restait tranquillement dans sa chambre pour finir sa journée d’école qui se déroulait à la maison. Étant donné que l’hiver s’était imposé sur le royaume, la nuit avait déjà pris possession du domaine et la neige ne cessait de tournoyer dans le ciel étoilé de la fin de journée. La jeune fille était paisiblement dehors sur la balancelle couverte, vêtue de son châle pour lui tenir chaud et d’un livre pour se détendre pour éviter de se demander quand allait venir Kizune. Elle s’amusa à regarder la neige tomber mais son sourire s’effaça quand elle entendit une porte claquer violemment.
— Mino ?
— Rina ?! C’est quoi ça ?!
Le silence de la nuit fut transpercé par la lourde voix pleine d’orage de Tin. Il venait de se métamorphoser devant elle, comme par magie.
— Je pensais que tu devais venir plus tard.
La voix de Rina tentait tant bien que mal de rester stoïque face au visage déformé de colère de son frère, elle n’avait pas l’habitude de le voir autant énervé, elle en était impressionnée et presque effrayée. Elle avait sincèrement espéré qu’il n’aurait pas pu se libérer plus tôt.
— Sache pour ta gouverne que je voulais vous faire la surprise, mon anniversaire étant dans six jours j’avais pris quinze jours exceptionnels pour être avec vous et bizarrement en cours de route je reçois quoi ? Dis-moi Rina ?
— Ma lettre.
Ce fut Mino qui répondit d’une petite voix emplie d’orage, et de défi. Il avait accouru quand il avait entendu les éclats de voix en descendant dans le salon, il n’avait même pas pris le temps de se couvrir d’un blouson pour se protéger du froid. Rina avait la gorge nouée par la colère de son frère et elle n’arrivait donc pas à lui répondre.
— S’il te plaît Tin, elle a d’autres choses à gérer que tes leçons pour le moment.
Sa voix s’était adoucie, doucement, en s’approchant de sa grande sœur qui avait toujours le regard bas dans l’espoir de parler à Mino sans que Tin entende.
— Qu’as-tu marqué dedans Mino ?
Tin essayait de contrôler cet orage qui le torturait, Rina le sentait et elle faisait alors en sorte de ne pas l’envenimer mais s’était peine perdue. Elle avait murmuré mais l’ouïe de Tin intercepta ses paroles, il roula des yeux et lui tendit la lettre brusquement.
— Vu que je ne peux rien dire dans cette maison, vas-y lis.
Elle l’a pris, délicatement dans ses mains tremblantes, puis posa ses yeux dessus et se mit à lire la fine écriture de son petit frère.
Tin, je me permets d’envoyer Puño car nous avons eu un problème, et c’est ce pourquoi nous avons cet oiseau. Deux intrus se sont introduits dans le domaine et s’en sont pris à Rina. Je n’étais pas là, pardonne-moi, elle ne m’a pas appelé pour ne pas me mettre en danger, apparemment ils étaient coriaces. Elle a été touchée, elle les a vaincus. Zluna les a vaincus. Je voulais t’informer par un moyen plus rapide mais Rina a refusé, elle ne voulait pas t’inquiéter. Bien entendu, je l’ai guérie ne t'en fait pas et elle va mieux. On t’attend pour ton anniversaire, prends soin de toi.
Mino.
Elle baissa davantage les yeux, n'osant rien dire, sentant le regard puissant de son frère sur elle. Cependant, elle fut surprise quand ce-dernier s’abaissa à son niveau pour pénétrer son regard, pour la forcer à le regarder, sa voix était beaucoup plus douce à présent qu’il semblait enfin calmé.
— Rina, écoute, j’étais inquiet. Recevoir ça ce n’est pas simple surtout quand je ne suis pas là, comprends-le. Tu sais très bien que j’ai peur quand je pars en mission.
— Toi aussi tu penses comme eux ?
La voix de Rina était fêlée de tristesse en posant sa question.
— Comme qui ?
— Comme les villageois.
— Tu penses vraiment que je pourrais être capable ? Je ne sais même pas ce qui pourrait te faire croire ça sérieusement.
Le jeune homme paraissait blessé par les paroles de sa cadette, il avait même effectué un pas de recul en l’entendant comme s’il avait reçu un coup à la poitrine.
— Bien sûr que oui, vous ne savez plus comment me gérer ! Imagine que ça se retourne contre vous ? Tu es revenu en catastrophe à cause de moi.
Il lui parlait sans hausser le ton contrairement à elle. Elle ne craquait pas souvent mais aujourd’hui elle avait des meurtres à son compte. Ce n’était pas la première fois que Zluna tuait, mais c’était la première fois qu’elle tuait quelqu’un quand un membre de sa famille était si près.
— On ne sait pas comment contrôler Zluna, pas toi.
— Mais elle est moi Tin ! Elle prend de l’ampleur petit à petit chaque jour ! Elle devient de plus en plus méchante, elle a tué deux personnes quand même ! Tu imagines si je ne mettais pas calmé avant de voir Mino ?
Petit à petit, sa voix se teintait de colère quand elle plaquait ses mains contre son cœur pour appuyer ses propos. Rina replaçait son châle qui ne cessait de vouloir glisser à mesure que son ton montait en intensité, elle se sentait en colère contre le monde entier alors que quatre-vingt-dix pour cent de celui-ci n’avait rien fait.
— Comme s’ils méritaient encore de vivre ! Qui te dit que ça ne vient pas de lui Rina ? Ton mariage avec lui va être ruiné juste parce qu’il ne sait pas t’épauler !
Tin commençait sérieusement à perdre patience, il avait apprécié cet homme mais depuis peu il ne voulait plus en entendre parler.
— C’est beaucoup à supporter d’avoir une belle-famille sorcière et qui possède une démone ! Pourquoi me parles-tu de lui enfin ?
— Ce n’est pas une raison pour vouloir te tuer, bon sang, résonne-toi enfin ! Tu ne vois donc pas qu’il n’est pas bon pour toi ?
— Mais enfin il est venu me voir hier et il semblait inquiet quand je lui ai expliqué, dis-lui Mino !
Le cadet n’osait pas parler, s’immiscer dans la dispute fraternelle le rebutait mais il hocha la tête pour confirmer les propos de sa sœur.
— Ça n’empêche rien !
Il recula d’un bond, pensif et furieux. Elle avait son regard toujours posé à terre, ne réfléchissait plus, elle avait juste l’image de l’arme qui fondait sur elle comme dans son cauchemar de la nuit dernière. Mino, lui, était à l'écart, ne sachant quoi dire à ses aînés.
— Tu sais, je commence à comprendre pourquoi tu… elle fait de tels ravages.
— C’est-à-dire ?
Rina posa sa question fébrilement, elle était partagée entre vouloir savoir et ne pas comprendre pour continuer dans sa torpeur.
— Je pense qu’elle fonctionne comme des griffes.
Il commença sa réflexion en faisant les cent pas pour accentuer son récit.
— Si tu réfléchis bien, c’est à chaque fois que tu es en danger, notamment de mort, qu’elle arrive non ?
Rina hocha la tête doucement, il n’avait pas tort, elle se développait chaque fois que les villageois venaient l’attaquer de près ou de loin.
— Oui, souvent, mais ça ne m’explique pas pourquoi.
— Elle doit fonctionner comme des griffes quand le danger rôde, pour te défendre.
— Mais et eux alors ?
Son murmure à peine audible était plaintif par peur de la réponse de son frère.
— Tu étais en danger ! Zluna t’a défendu, que tu le veuilles ou non.
— C’est plausible non ?
La douce voix de Mino transperçait la nuit par saccade, toujours en écoutant attentivement et intervenant à point nommé.
Elle ne voulait pas voir la réalité en face, il fallait avouer que son amour était une personne avec une âme aussi noire que Zluna. Les bras tombant le long de son corps, Rina était songeuse et une question taraudait dans son esprit.
— Oui… c’est vrai mais pourquoi une démone voudrait me défendre alors ? Surtout que je lui gâche la vie en étant son enveloppe corporelle.
Tin qui continuait ses pas s’arrêta en la regardant bizarrement comme si c’était d’une évidence même.
— Mais c’est très simple. Quand elle avait son corps, physiquement je veux dire, elle voulait de la puissance, destructrice certes, mais quand elle a été « implantée » en toi et elle a dû conserver ce désir de puissance et donc...
— Elle va chercher à me faire évoluer jusqu’à ce que je me venge de ceux qui me font du mal et elle par la même occasion.
Rina avait coupé Tin dans son élan, comme si son affirmation était un déclic.
— Oui voilà, et de toute façon si toi tu succombes à des blessures, elle aussi. De toute évidence, Zluna a besoin de toi pour survivre, c’est étrange je sais mais c’est comme ça.
Pensive, Rina se releva et fit glisser un objet dans sa poche et en sortit un objet circulaire. C’était petit et plat. C’est ce qui servait pour protéger le domaine, le sortilège devait être fait une fois par semaine pour empêcher les intrus d’entrer sans l’autorisation des occupants du manoir. Se concentrer sur ces sortilèges semblaient être la seule manière pour elle de se vider l’esprit.
— Enfin, tu daignes t’en servir !
Elle ne l’écouta pas et prononça ses incantations de protection, l’estomac noué, ses mains étaient levées vers le ciel. Son action créait des étincelles d’un rouge pâle, son esprit n’était pas assez combatif pour les faire devenir éclatantes comme elle en avait l’habitude.
— Maman et papa arrivent quand Tin ?
La voix de Mino traversa la cour du domaine. Dans son dos, Rina senti son frère qui s’était approché d’elle avant de s’arrêter, ses pas cessèrent de craquer dans la neige fraîche pour se retourner et répondre à son petit frère.
— J’ai reçu un télégramme hier soir, ils arrivent demain après-midi si tout va…
— J’ai hâte qu’ils reviennent.
Des pas se firent entendre mais ils s’éloignaient d’eux.
— Où vas-tu ?
— Cuisiner, comment voulez-vous que nous mangions convenablement si c’est vous qui vous mettez aux fourneaux ?
Tin aimait voir que son frère restait toujours le même malgré ses absences et apparemment il était toujours difficile pour lui de laisser l’accès aux fourneaux à sa sœur.
La jeune femme entendit un léger rire et entendit de nouveau la neige craqueler. Elle aimait ce temps, c’était doux, la neige, réellement et joyeux d’ordinaire. Elle sentit de grandes mains envelopper ses épaules qui tremblaient légèrement, d’anxiété et de froid. Elle était seulement vêtue d’un léger châle sur ses épaules menues. Ses mouvements se stoppèrent dans les airs sous la surprise. Elle ne put s’exprimer sans le ton dur qui passa ses lèvres, elle luttait pour ne pas montrer sa voix tremblante.
— Tin, laisse-moi tranquille s’il te plaît, je dois me concentrer.
Elle voulait être seule pour ressasser tout ça et sans doute faire un deuil qui n’avait pas lieu d’être.
Au début, en disant cela, pendant quelques secondes, elle pensait qu’il allait partir car le poids sur ses épaules se fit plus léger mais il n’en était rien. Elle pivota, ou plutôt il l’a fit pivoter de façon à ce qu’elle puisse le regarder droit dans les yeux. Par chance elle venait tout juste de terminer son sortilège, elle rangea donc l’objet dans sa poche, en essayant de ne pas ciller elle fixa son frère et elle le vit baisser les épaules, pour la première fois il ne gardait pas le dos droit, fière de lui et des siens. Non pas ce soir. Ce soir, il montrait une autre facette de lui à sa sœur, sa petite-sœur.
— Écoute Rina…
Tin était un garçon qui se cachait ou plutôt se protégeait derrière une carapace durement bâtie. Il ne parlait jamais réellement, pour se protéger et protéger son entourage, et c’était une mauvaise habitude qu’il conservait depuis qu’il était entré dans l’armée. C’était un homme de presque un mètre quatre-vingt-dix qui avait les cheveux d’un blond platine qu’il tenait de son père contrairement à Mino qui les tenait de sa mère, les yeux de Tin étaient d’un vert émeraude comme sa mère. Il n’avait pas de tache de rousseurs sur le nez comme le reste de sa famille en dehors des saisons de fortes chaleurs, qui étaient rares dans leur royaume, mais il avait une allure beaucoup plus sportive. La façon dont il observait Rina était douce mais angoissante, elle craignait le pire, elle déglutit et attendit qu’il lâche le morceau et quand il songea à desserrer les dents, Rina voyait dans ses yeux qu’il se débattait avec ses pensées sans doute envahissantes.
— Écoute, je ne l’ai pas dit tout à l’heure parce que je ne voulais pas affoler Mino mais j’ai peut-être un moyen de te débarrasser de Zluna mais... mais…
Il laissa sa phrase en suspens par peur d’affronter lui-même la solution qu’il avait découverte récemment. Rina voulait l’entendre, mais elle était abasourdie par ce qu’il venait de dire. Il existait un moyen de se débarrasser de Zluna ? Quel était-il ? Elle voulait savoir !
— Que... quoi ? Mais comment ? Tu as découvert ça quand ?
Il ne pouvait parler, son regard devenait sombre de secondes en secondes, elle comprit bien rapidement que cette devinette était d’une noirceur sans nom rien qu’en le regardant.
— Le problème dans ma « solution » c’est que tu…
Il l’avait regardé furtivement en lui disant le mot solution, comme si cela impliquait quelque chose d’énorme et réellement dangereux.
— Pour l’amour des Dieux Tin, dis-moi !
Elle perdait patience, son frère lui faisait presque de la peine ainsi mais la faire poireauter comme ça c’était insupportable pour elle.
— Tu dois tuer, mais pas avec Zluna, de toi-même.
Il avait lâché cela comme ça, d’une traite, avec une rapidité déconcertante. Elle l’observa, bouche bée. Elle ne s’attendait pas à ça, pas du tout, elle était à mille lieues d’imaginer le déroulement de sa soi-disant solution. Tuer ? Sans Zluna ? Ses yeux s’étaient agrandis d’un seul coup, sous le choc.
La veille, elle avait fait sa première victime réelle, réelle à ses yeux car ses ennemis la connaissait trop bien. Rina regarda son frère incrédule, celui-ci avait le regard triste et fuyant, à présent il ne la regardait plus, honteux d’avoir osé lui répondre ça. Rina posa son regard sur le vieux chêne et prit doucement la parole.
— Pourquoi le fait de… tuer de moi-même arrangerait la chose ?
Son ton était doux et sans reproches même si elle venait de déglutir pour faire passer la chose. Tin remonta son regard et la regarda d’un air interrogatif.
— Je... ne...
— Répond moi Tin, si tu m’as dit cela c’est qu’il y a une réelle raison, sinon tu ne serais pas dans un tel état.
Elle l’avait coupé dans ses paroles en voulant s’exprimer et souhaitant des réponses à ses questions, pour une fois. Même si ce n’était pas un sujet dit tabou dans sa famille, elle évitait d’en parler pour ne faire paniquer personne mais là son ton s’était fait pressant, elle détestait voir son frère dans une telle détresse surtout après ce qui s’était passé. Elle éleva sa main et prit doucement son menton entre ses petits doigts et le souleva doucement jusqu’à ce que son regard vert émeraude croise ses propres yeux bleus Cyanite. Rina ne devinait rien qu’à son regard qu’il essayait de ne pas ciller, ce qui semblait d’une grande complexité, elle lui lança de nouveau un regard interrogateur pour l’aider à se lancer, il ouvrit la bouche et la referma à plusieurs reprises, mais aucun son n’en sortait, et finalement il cracha ce qu’il retenait.
— J’ai appris cela dans une des vallées du royaume pendant une mission auprès d’une personne qui fut frappé par un maléfice similaire, même si le tien est très élaboré. C’était un homme, mais un Jiklo. Il m’a expliqué comment procéder et que si tu faisais cela, le sceau se détruirait automatiquement, mais le détail, et pas des moindres, c’est que ce ne peut pas être une personne aléatoire, sinon ça serait bien trop simple.
— Qui alors ?
Il se releva, reprit sa posture des plus sérieuses comme s’il n’avait jamais été accablé de tristesse. Il partit rejoindre la balancelle où avait été assise Rina quelque temps auparavant.
— Ils ne sont pas idiots ceux qui t’ont fait cela parce que pour congédier ce sort, il faut que ce soit quelqu’un que tu aimes plus que tout au monde, quelqu’un pour qui tu donnerais ta vie et ton âme.
— Par... Pardon ?
Elle ouvrit de grands yeux comme si ce détail était pire que les autres, elle s’avança doucement et s’arrêta devant lui. Son regard glissa sur lui pour retrouver ses yeux rassurants, elle se tenait droite, prête à recevoir l’information.
— C’est faux Tin, pas vrai ?
— Crois-tu que je te l’aurais dit si c’était le cas ?
Elle se mit à réfléchir, qui aimait-elle le plus au monde ? Bien sûr, elle pensa à sa famille qui était dans son cœur ou à Kizune mais elle pensa surtout à...
— Je t'interdis de penser à elle !
Elle reprit ses esprits et le regarda d’un air interrogateur, il croisa ses bras sur sa poitrine.
— Je t'interdis de penser à Tessa, pas à elle.
— Je... ne…
— Je sais que tu y pensais. Penses à n’importe qui mais pas elle.
Rina soupira, Tessa était sa meilleure amie. Elles se connaissaient depuis maintenant huit ans et à part sa famille, elle était la seule à l’accepter telle qu’elle était. À présent, elle habitait loin, pour ses études. Elle était retournée dans son royaume d’origine, le Pingnal qui à vrai dire est complètement différent de la Fintland, il y faisait beaucoup plus chaud. Tessa avait les cheveux bruns avec de jolis yeux marrons et elle était un petit peu plus petite que Rina. Ce qu’elle aimait le plus chez elle c’était sa gentillesse incroyable.
La jeune fille sortie de sa rêverie et hocha négativement la tête, elle ne devait pas penser à elle, elle n’avait pas le droit, elle devait trouver quelqu’un d’autre.
— Qui d’autre alors ? Mis à part vous, c’est celle qui compte le plus pour moi, si on enlève Kizune.
Il continuait d’avoir cette posture hautement sérieuse puis quand il la regarda de nouveau, il s’exprima d’une voix sans appel.
— Tu l’as connue il y a des années et nous aussi, on s’est attaché à elle et on sait que tu l'aimes plus que tout mais ne fait pas cette erreur, attends quelque temps, soit tu trouveras quelqu’un d'autre, soit tu changeras d’avis sur la question.
— Pourquoi ? Si c’est le seul moyen ?
— Parce que tu es obsédé par cela, regarde-toi Rina…
Il laissa sa phrase et le bras qu’il avait tendu pour la désigner, en suspens, quand il entendit un bruit de cuivre toucher le sol, Mino et sa légendaire maladresse.
— Regarde-toi, tu es tellement obsédée de te débarrasser de Zluna que tu ne penses même pas à l’après coup.
En disant cela, il avança sa main droite encore plus vers l’avant et la replaça à son endroit initial comme pour montrer l’avant et l’après de la situation.
— Mais je suis sûr que...
— Elle sera d’accord oui je sais, mais penses à la suite par les Dieux ! Tu feras quoi ensuite quand elle ne sera plus là ? Ce n’est pas un jeu Rina elle ne reviendra pas quand toi tu seras guérie.
— Je vois.
Elle fit divaguer son regard autre part que sur son frère, sur le chêne, la serre, les roses et elle se sentit égoïste même si pour le moment elle n’avait rien fait, de tout façon elle n’allait sûrement pas donner sa meilleure amie en offrande.
— Et toi Tin ?
— Hm ?
Il avait suivi son regard sur les roses d’hiver, qu'elles étaient belles mais elles étaient surtout éternelles, Rina les avait conçues pour qu’elles ne périssent jamais, la beauté mérite l’éternité, avait-elle dit.
— Qui aimes-tu le plus au monde ?
Elle l’entendit déglutir comme si la réponse lui coûtait même si elle savait déjà de qui il s’agissait.
— Hormis vous ? Mia sans hésiter.
Son regard s’était perdu dans le vague mais il avait un magnifique sourire sur le visage quand il parlait d’elle. Chez les Grintofk tout le monde connaissaient ses fiançailles avec la jeune Mia Gound, une jeune fille resplendissante qui elle avait les cheveux bruns assortis à ses beaux yeux marrons comme Tessa et ils avaient tous deux le même âge, vingt-et-un ans. Elle était beaucoup plus petite que Tin, mais ils allaient si bien ensemble que personne ne remarquait ce détail qui les faisait beaucoup rire. Rina savait que son frère l’aimait éperdument et que c’était réciproque, mais naturellement jamais Tin ne l’avouait hors de chez lui. Même si ça faisait cinq ans qu’ils étaient ensemble et deux ans qu’ils étaient fiancés ils ne pouvaient pas en parler pour que les villageois ne se mettent pas à douter de celle qui avait un commerce familiale dans le village.
Mia était la fille aînée des forgerons qui avaient aussi un garçon, Edward, de l’âge de Mino. Leur avis sur cette famille n’était pas comme la pensée collective même si c'étaient des Jiklo qui pouvaient être effrayés. Leur fille était donc fiancée à un Sokl, frère d’une démone mais ils avaient confiances en eux, ils venaient régulièrement dîner chez les Grintofk, mais tout ce qui se passait dans le domaine y restait pour préserver la paix entre les Gound et le village, ce qui par ailleurs ça faisait perdurer l’amitié entre les deux familles. Si Rina s'en souvient bien, ils devaient venir à l’anniversaire de Tin mais elle n’en était pas sûre.
— Je trouvais ça évident effectivement, tu vas la voir pendant ton séjour ici ?
Rina afficha un petit sourire en coin, Tin avait décroché ses bras de sa poitrine et passait nerveusement sa main droite dans ses cheveux blonds, il avait les joues qui rosissaient et ça le rendait plus angélique encore.
— Normalement oui à mon anniversaire, maman l’a invité avec ses parents mais ça devait être une surprise. Mia a vendu la mèche dans sa dernière lettre sans faire exprès.
Tin exprima un petit rire à moitié amusé, à moitié gêné.
— Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne pas d’elle ? Allez viens on rentre, d’ailleurs où sont passées tes affaires ? Je n’ai pas fait attention.
En riant, Rina arriva doucement vers son frère, lui attrapa le bras et l’entraîna vers l’intérieur. L’ambiance était beaucoup plus détendue que tout à l’heure et le fait d’être passé par tant d’émotion en même temps, ç'avait donné un joli mal de tête à la jeune femme.
— Oui, je ne veux pas que Mino détruise tout le manoir. Mes affaires dis-tu ? Je les ai matérialisés dans ma chambre quelques instants avant mon irruption dans le jardin.
En souriant, ils entrèrent dans le manoir en dirigeant leurs pas au son des bruits qui venaient de la grande cuisine.
Annotations
Versions