Le baume cachottier d'un trésort - Partie 2
Elle lui fit signe de sortir de la chambre, il sortit le premier et elle jeta un dernier coup d’œil sur son frère pour vérifier que tout allait bien, puis remit le baume volet dans la main de Tin.
- Replace le dans ton tiroir pour en avoir un au cas où
Tin acquiesça et prit le contenant dans sa grande main et suivit Rina dans le couloir jusqu’à sa chambre et y entra à sa suite.
Rina poussa la grande porte en chêne et entra dans sa chambre avant de les refermer derrière elle d’un geste las de la main tout en bâillant sans la moindre grâce. Elle avança dans sa chambre, en veillant bien à allumer la lampe à pétrole qui se situait au centre de la pièce, la lueur éclairait le reste de l’espace avec une grande douceur. C’était une très vaste pièce qui recelait de beaucoup de décorations en tout genre, mais dans une organisation méticuleuse, pas qu’elle soit particulièrement maniaque mais ce petit bout de manoir était son repère à elle et donc son petit jardin secret.
C’était là qu’elle pouvait exposer toute sa personnalité sans que qui que ce soit ne vienne l’importuner. Même sa famille affirmait pleinement cela, ça lui permettait de se réfugier hors de son quotidien pendant quelques instants, le calme y régnait perpétuellement, elle n’y passait pas forcément tout son temps mais assez pour se reposer.
Sa chambre était munie d’une couleur vert de gris mais pour ce qui était du mobilier il y avait un grand lit à baldaquins, aux rideaux de velours rouges qui était situé sur le mur de droite. Non loin, juste à côté à vrai dire, un grand bureau ornait le reste du mur. Il était en bois de bouleau et avait au-dessus de lui des étagères où étaient disposés des livres scolaires, car oui Rina était encore à l’école mais à domicile vu que les Ziny ne l’acceptaient pas dans leurs établissements scolaires. Malheureusement Tin et Mino devaient faire de même mais là ce n’était pas à cause d’elle mais à cause de leurs particularités magiques, les écoles Sokl étaient trop éloignées pour eux. Sur le mur opposé et donc celui de gauche, une immense bibliothèque ornait le mur, des centaines de livres étaient disposés sur les multitudes d’étagères. A un mètre environ devant celle-ci se trouvait un fauteuil où elle passait des heures à lire ses nombreux bouquins durant l’hiver la plupart du temps, quand le temps était maussade et qu’elle n’avait pas envie de jardiner. Enfin sur le pan de mur où se trouvait l’entrée de la chambre, il y avait une grande armoire qui était positionnée, avec une garde-robe. Le dernier mur et donc celui en face de l’entrée possédait la fameuse grande fenêtre, l’unique de la pièce, mais elle éclairait suffisamment l’endroit pour le rendre accueillant.
Rina avança dans sa chambre et elle entendit Tin fermer la porte derrière lui et la suivre jusqu’à la grande armoire, avant de se placer à ses côtés il déposa le baume sur le bureau pour pouvoir avoir les mains libres. La jeune femme ouvrit une des portes du meuble, dans cette armoire il y avait une étagère qui possédait un minuscule loquet invisible si on n’en avait pas connaissance. Quand on appuyait dessus d’une certaine façon ça faisait pivoter un pan de l’armoire et démontrait tout une collection de baumes aussi différents en termes de couleurs qu’en termes d’utilisation. Quand elle fit pression elle vit l’homme blond écarquiller les yeux en les faisant pivoter sur tous les produits qui étaient présents. Des centaines étaient empilés les uns à côté des autres sur différentes étagères de verres invisibles si le système était clos.
- Mon dieu, comment ça se fait que personne ne savait pour ça.
Il disait cela en montrant les produits d’un doigt curieux, son expression était mitigée, à moitié réprobatrice, à moitié curieuse.
- Je voulais être certaine que c’était parfait. Mino était au courant parce qu’il m’a aidé et il me soigne avec ça. Je voulais avertir les parents demain et toi c’est bon maintenant.
- Et du coup ça sert à quoi ? Je ne suis pas sûr d’avoir tout suivi. Les parents ne savent pas pour les calmants de Mino ?
- Ils peuvent servir à nous soigner nous mais aussi d’autres personnes car ils ont des propriétés différentes selon si c’est pour des Jiklo ou des Sokl. Mais il n’y en a pas qu’ici des produits comme ça, j’ai aussi presque la même quantité dans ma serre et un peu partout dans le manoir. Tout est noté sur le plan là-bas. Pour répondre à ta question, non ils ne le savent pas, je ne voulais pas exposer ce projet avant d’en être certaine.
Tout en regardant les étagères pour évaluer ce qu’il fallait refaire, elle montra du doigt la feuille qui se trouvait sur le bureau de la chambre. Celui qui se trouvait à côté du grand lit alors elle entendit Tin bouger et aller vers ce soi-disant plan avant qu’elle ne se retourne pour l’observer. Rina l’entendit exclamer un bruit de surprise et un magnifique sourire de fierté se dessina sur son visage.
- Par Horunio c’est d’une grande précision bravo !
- Merci.
Rina le regarda d’un air satisfait et légèrement rougissante. Horunio était le dieu de la précision et du temps, c’était donc réellement flatteur pour elle. Cependant son sourire diminua quand Tin lui posa la question qu’elle redoutait.
- Je n’ai pas relevé avant mais tu as dit que ça pouvait soigner différentes personnes, c’est-à-dire ?
Apparemment il n’avait pas entendu sa remarque sur les différentes propriétés selon le rang du sang. Il arqua un sourcil en la regardant les mains toujours autour du plan, il savait ce qu’elle allait répondre mais il souhaitait profondément se tromper.
- Euh je…
- Les Ziny c’est ça ?
- Disons que non, dans un premier temps seulement les Jiklo…
- Mais Rina.
La jeune fille se redressa et regarda son frère, plus sûre d’elle que jamais.
- Écoute Tin, je fais sans cesse des ravages avec Zluna je veux que pour une fois ce soit moi qui aide. Tous les Jiklo ne sont pas méchants et… si je mets ça à leur disposition…
Tin balaya l’air de sa main et reposa avec fracas le plan sur la table. Il coupa sa sœur dans ses propos par pure angoisse.
- Non Rina non, tu ne peux pas faire ça !
- Mais pourquoi ?!
- Mais parce qu’ils te tueront ! Les Ziny veulent notre anéantissement alors les Jiklo je dis pas mais les Ziny c’est de la folie. Tu veux vraiment soigner celui qui a tué ton grand-frère ?
Il avait dit cela à voix basse comme s’il se refusait de l’admettre, pourtant c’était une réalité, ils pourraient la tuer, elle était une réelle source de terreur pour le village surtout avec Zluna et parler de Mathias avait un réel but. Il savait qu’il avait été un frère pour elle alors appuyer sur ce point était la seule façon de la raisonner.
- Tu n’as jamais fait réellement face à des Ziny Rina mais moi si. Quand ils ont peur se sont des machines assoiffées de sang pour protéger les leurs c’est pour cela que se sont plus des Jiklo normaux. Je ne veux pas voir ton corps inerte car ils n’ont pas su comprendre tes intentions.
- Alors ils me tueront. Tu sais que je pourrais faire passer ça par Tessa quand elle reviendra. Au village ils savent tous qu’elle va devenir médecin, ils auront confiance en elle ! Je ne suis pas médecin Tin mais je peux aider des gens avec ça et je le ferai. Si je peux faire le bien je le ferais.
Elle avait prononcé ses derniers mots dans un soupir qui ne voulait aucunes protestations. Il soupira, il se rendait bien compte que tout ce qu’il ferait ne servirait jamais à rien, et elle, de son côté, savait qu’il voulait la protéger mais elle voulait lui prouver qu’elle arriverait à se protéger elle-même.
- Tu penses que Tessa acceptera ? C’est risqué quand même. Imagine qu’ils soupçonnent quelque chose ?
- Je lui enverrais Puño quand je pourrais pour lui demander son avis...
Elle s’approcha de lui et remarqua que son regard se faisait fuyant il cherchait encore une alternative ça se sentait mais il devait savoir au fond de lui que c’était sans espoir. Quand elle fut assez proche de lui, elle l’enlaça.
- … et je te jure de faire attention dans toutes les circonstances.
- Je ne t’empêcherais rien à deux conditions.
Elle sentit les bras de son aîné l’entourer et se sentie un peu mieux mais soupira en l’entendant, elle ne savait pas du tout à quoi s’attendre avec ses « conditions ».
- Dis-moi.
- Je veux que tu me préviennes régulièrement même s’il ne se passe rien ici et si tu pars un jour, mais surtout s’il se passe quelque chose bien entendu. Je veux avoir des nouvelles régulièrement avec Puño ou… non je te prendrais un autre oiseau qui te suivras sans cesse d’accord ? Comme ça tu pourras me prévenir en toutes circonstances, je viendrais le plus rapidement possible.
- Et la seconde ?
- Oublie les Ziny, définitivement ou pour le moment, les Jiklo je ne dis pas mais eux c’est non. Je veux quand même que tu soignes ma femme si elle a besoin de toi.
Elle échappa un rire sur la poitrine de son frère en l’entendant.
- Hm d’accord j’accepte.
- Tu ne conteste pas ?
- Non car je pourrais mieux communiquer avec vous et au final ce n’est pas si bête.
Tin était étonné de la voir se plier si facilement. Il se détacha de sa petite sœur et alla s'asseoir sur le lit, ses mains de chaque côté de son corps en regardant Rina d’un air intrigué en sachant très bien que ce n’était pas la seule raison.
- Quoi d’autre ?
- Je ne tiens pas à soigner celui qui veut nuire aux nôtres alors je vais m'entraîner pour maximiser mes pouvoirs. Je ne peux pas aller sur le terrain comme toi mais je pourrais essayer pour voir si je peux ne pas avoir recours à Zluna.
- Je n’y avais pas pensé mais tu as raison, grâce à ça ta puissance pourra peut-être l’empêcher de te submerger.
- Sans doute oui.
Rina soupira avant de faire le tour de son lit pour s’allonger sur celui-ci à l’opposé de Tin, elle commençait sérieusement à être imprégnée de fatigue, elle ferma les yeux doucement juste pour se reposer quelques instants.
- Et pour moi ?
- De quoi pour toi ?
- C’est quoi ces baumes pour moi ?
Elle rouvrit les yeux et se redressa sur ses coudes, elle regarda tout d’abord l’armoire et par la suite le garçon qui la regardait avec un mélange d’interrogation et de panique. Rina était toujours fascinée par le mélange d’émotions qui se lisaient parfois sur son visage.
- C’est de la pure précaution.
- A quel propos ?
- Si jamais tu rentres amoché, ou pour tes cauchemars aussi, mais surtout pour te soigner. Il faut utiliser deux baumes différents.
Il haussa les sourcils et machinalement il toucha une cicatrice qu’il avait sur son bras tatoué.
- Tu ne m’as jamais soigné.
- Oh que si très souvent même. Tu fais aussi des cauchemars notamment quand tu es blessé, et du coup je t’applique un baume presque similaire à celui de Mino et en même temps je te soigne. Je ne suis pas naïve, je sais que tu ne me laisserais jamais faire sinon. Je ne l’ai pas fait aujourd’hui tu t’es couché trop tard.
- C’est donc pour ça... que je n’ai presque jamais de cicatrices ?
- Oui, ils ont aussi cet effet c’est pratique pas vrai ?
Tandis qu’elle continuait de discuter avec lui, elle s’était relevée et rangeait son bureau ici et là pour s’occuper, l’ambiance s’était adoucie ce qui lui fit un bien fou.
- Bon… bah merci mais la prochaine fois je te laisserais faire en plein jour en revanche car c’est légèrement effrayant de savoir que tu fais ça dans mon sommeil.
Il se mit à sourire amusé de la situation, elle avait pensé qu’il ne serait pas réellement content qu’elle fasse ça pour le soigner à son insu mais apparemment il était plutôt content de ne pas avoir de marques visibles. Elle lui rendit son sourire et le vit se lever, rabattre la couverture et s’allonger dans le grand lit.
- Je te l'emprunte pour cette nuit, je n’ai pas vraiment envie de retourner de l’autre côté du couloir tout seul après avoir été avec quelqu’un jusqu’à tard dans la nuit.
- Mais avec plaisir ! Je t’en prie mais je te préviens tu ne fais pas comme la dernière fois.
- De quoi ?
- Tu m’avais enlacé en pensant que j’étais Mia, elle s’est bien moquée quand je lui ai raconté.
- Ohhhhh ça va !
Elle se mit à rire tout en montant dans son lit qui était largement assez grand pour deux. Tin passa ses mains derrière sa tête et ferma les yeux pendant que Rina observait d’un rapide coup d’œil son horloge murale qui était en face d’elle. Elle affichait cinq heures du matin. Ils allaient être réellement fatigués demain. Mais elle n’avait presque pas eu le temps d’y penser qu’elle était déjà couchée dans les bras de Moonia.
Annotations
Versions