Une grande rencontre - Partie 2

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Pendant que la jeune femme admirait les moulures et la cheminé qui réchauffait l’entrée, elle senti le coude de son frère qui s’enfonçait dans ses côtes encore endolories. Elle poussa un léger gémissement de douleur et regarda son frère d’un œil mauvais, bien entendu c’est avant qu’elle ne s’aperçoive qu’il affichait une posture militaire parfaite en regardant un point fixe contre le mur. Interloquée, elle suivit son regard fixe et vit que l’impératrice elle-même descendait de l’escalier, juste en face d’eux. Surprise et honteuse de son comportement, Rina rougit et se repositionna et fit une légère révérence, de manière à dissimuler sa curiosité. Mais ce fut avec étonnement qu’elle vit le sourire sur le visage de sa souveraine.

- Trouvez-vous nos décorations fascinantes mademoiselle ?

- Euh… Je…

Tin lui jeta un regard en coin, toujours positionné en parfait soldat, il attendait l’autorisation de sa souveraine pour se détendre.

- Oui, je l’avoue. Je trouve ça magnifique votre Majesté.

- J’en suis heureuse. Veuillez-vous mettre au repos monsieur Grintofk.

- Je vous remercie Majesté.

L’ambiance qui était pesante de formalités donnait un mal de tête à Rina mais il se consuma rapidement quand l’impératrice les invita à la suivre dans une salle annexe.

- Suivez-moi je vous prie.

Tin et Rina se regardèrent et ce fut le jeune homme qui lui emboîta le pas en premier et Rina le suivit. Elle espérait qu’elle n’en attendait pas trop d’elle, elle ne voulait en aucun cas la décevoir. La pièce où ils entrèrent était beaucoup plus diplomatique, il y avait une grande table rectangulaire, très longue, en bois massif et entourée de chaise du même bois qui les attendaient. L’impératrice se dirigea vers le bout de la table et leur indiqua les chaises d’un geste de la main.

- Je vous en prie, prenez place.

Timidement Rina prit sa place et joignit ses mains sur la table, devant elle. Quand Tin fut lui aussi assis, il déposa l’enveloppe sur la table au moment même où le roi entra dans la pièce.

- Pardonnez mon retard, j’ai dû terminer des affaires de toute urgence.

- Ne t’en fais pas, je n’ai pas eu le temps d’annoncer ton potentiel retard.

Quand Tin et sa sœur voulurent se lever pour saluer le roi il leur avait fait signe de ne pas se donner cette peine.

- Ne vous en faites pas, restez en place qu’on commence rapidement.

Rina savait autant que son frère que la politique du royaume était sous tensions en ce moment et que leur visite devait être rapide pour ne pas empiéter sur les obligations des seigneurs. Ce fut donc avec empressement que l’Impératrice commença après un coup d’œil sur les deux compagnons.

- Si j’ai bien compris mademoiselle…

- Rina, Rina Grintofk votre Majesté.

- C’est cela, vous vouliez partir en Econne dans le but de voir un parent mais aussi de venir en aide à une amie ?

Rina vit son frère lui acquiescer et l’encourager à entreprendre la discussion sur son projet, si elle voulait partir elle devait montrer qu’elle était sûr d’elle.

- Oui c’est cela, je souhaiterais retrouver un bout de ma famille et ramener mademoiselle Lyria Mulligan en toute sécurité.

Joignant ses mains sur la table, Lexan semblait élaborer le sujet mentalement.

- D’accord. Nous avons longuement discuté de cela avec nos conseillers et nos chefs militaires et nous pensons que ça pourrait être une grande opportunité, autant pour vous mais pour notre pays. Je suppose que votre frère ne vous a pas laissé indifférente de ce que nous voulons entreprendre.

Le regard de l’impératrice était doux sur la jeune femme mais il restait néanmoins très pressé tout comme celui du Roi. Il restait en retrait, se contentant d’observer mais il imposait de sa présence, sa femme était très imposante par son titre mais lui il était intimidant. Rina ne put s’empêcher d’en venir aux faits rapidement pour ne pas les importuner trop longtemps.

- En effet il m’en a fait part. J’ai compris le fait que je devrais vous aider à entreprendre des relations avec sa Majesté l’empereur d’Econne. Je crois savoir que des tensions pourraient être tuées dans l’œuf si je vous aide dans votre but. De plus je suppose bien évidemment que c’est pour mettre en place une alliance entre nos puissances pour permettre une paix prolongée ce qui pourrait être une opportunité fulgurante pour nos deux économies et même militairement parlant nous en seront d’autant plus fort face à d’éventuelles guerres futures.

- Elle sentit le regard de Tin sur elle à la fin de sa tirade et vit que les yeux du Roi s’étaient aussi majoritairement agrandit ce qui eut le don de faire rougir la jeune femme.

- Pardonnez-moi ai-je dis une erreur ou quelque chose qu’il ne fallait pas ?

- Non, bien au contraire mademoiselle. Je suis juste très surprise. Je ne pouvais pas penser que vous auriez autant de connaissances sur la situation. Vous semblez si jeune de plus le fait que vous soyez une femme peut vous écarter de ce genre de sujet.

L’impératrice semblait ravie d’avoir une interlocutrice aussi cultivée sur le sujet, c’était une chose très rare.

- Sachez que normalement nous avions tous deux prévu de vous expliquer les choses clairement pour par la suite vous apporter les conditions. Apparemment nous pouvons passer directement aux clauses de ce que nous attendons de vous. Cela vous dérange-t-il ?

- A présent l’impératrice s’adressait à son mari. Celui-ci gardait encore une attitude détachée à la conversation mais acquiesça tout de même à la question de sa bien-aimée.

- Tout naturellement je vous en prie.

Avec un sourire, celle-ci s’était levée pour aller chercher un document sur une table de l’autre côté de la pièce. Avec tristesse Rina avait vu l’amour dans les yeux des deux seigneurs quand ils se regardaient. L’image de Kizune lui revint en mémoire, elle vit rapidement des souvenirs d’eux deux quand il l’aimait éperdument mais ces derniers fut bien rapidement coupé par son visage empli de haine qu’il lui servait parfois quand il était en colère. Son regard empli de tristesse fut ramené à la réalité à l’entente de la chaise tirée et de la Lexan qui se rassie.

- Est-ce que vous vous sentez bien ? Vous me semblez brutalement pâle comme un linge.

- Ne vous inquiétez pas. Je vais bien, je vous remercie.

- Si vous en ressentez le besoin faites nous en part, nous vous ferons apporter de quoi vous sentir mieux.

- Je ne souhaite pas abuser de votre hospitalité votre Majesté. Je souhaite préserver votre temps au maximum et donc terminer cette réunion pour que vous puissiez prendre part à des affaires de plus hautes importances.

- Je vous assure que ce que nous traitons est de grande importance, ce que nous vous confions est majeur à la recherche de la paix.

L’impératrice lui répondit avec une infinie tendresse, la légende de son père disait vraie, c’était une femme d’une infini bonté.

- Nous commençons ?

Le ton impatient du Roi se faisait légèrement sentir, en réponse à celui-ci sa Majesté déroula un long parchemin sur la table ainsi qu’une carte détaillée. Tin lui restait majoritairement en retrait, il n’avait pas desserré les dents pour le moment et apparemment l’impératrice cherchait à avoir son avis.

- Monsieur Grintofk ? J’ai cru comprendre que vous étiez sous le commandement de Monsieur Plyn, c’est cela ?

- Oui Majesté.

- Vous allez donc comprendre bien rapidement ce que je souhaite. Voyez-vous l’Econne se trouve donc ici, au nord de l’Angliga.

Sa main survola le papier pour se poser sur une sorte d’île géante.

- Même si l’Angliga est un royaume tout à fait solide, il fait partie de l’empire comme Omnège avec Astril. Votre sœur se rendra donc là-bas et devra rendre directement visite à sa Majesté l’Empereur, je lui enverrai directement un communiqué pour le prévenir de votre arrivée.

- Il n’y a pas que lui si vous me le permettez ma chère.

Le Roi tourna la tête vers sa femme, intriguée Rina lança un regard interrogateur aux souverains.

- Oui bien-sûr. Je préviendrais dès ce soir les principaux concernés par ce voyage.

La jeune fille lutta pour rester en place, elle voulait montrer sa joie concernant cette nouvelle mais elle s’abstient. L’image qu’elle souhaitait leur donner était très importante.

- Si je le comprends bien votre Altesse, je devrais directement rendre visite à Majesté l’Empereur mais que devrais-je faire une fois arriver là-bas ?

- Nous sommes le neuf décembre actuellement, vous devez vous rendre le douze décembre à dix-sept heures précise au port Loutrika. Le bateau arrivera non loin du château du roi, un fiacre vous attendra à votre arrivée et vous emmènera directement là-bas. Je recommanderais à sa Majesté l’Empereur de vous transmettre l’adresse exacte du domicile de votre parent. Comprenez bien que je ne puis vous la donner moi-même, si jamais un incident se produit vous pourriez être directement accusé et ce n’est pas le but. Je vous transmettrai un document que vous allez signer et qui sera aussi votre passe-droit. Vous pourrez confirmer votre identité grâce à ça mais vous devrez le garder secret et dans une excellente cachette. Il doit en aucun cas tomber dans les mains de qui que ce soit hormis vous et sa Majesté l’Empereur d’Econne, est-ce clair ?

- Bien sûr votre Majesté.

- Parfait. Vous irez donc le retrouver et vous irez par la suite vous rendre chez votre parent. Avec le Roi ici présent nous avons étudié la voie de votre grand-père, nous savons qu’il se trouve en exil mais nous estimons que c’est un temps révolu. C’était sous le règne du roi Yvans et étant donné qu’il a protégé cette petite tant de temps j’estime qu’il ne présente aucun danger pour l’empire ou même le royaume. Vous pourrez l'annoncer vous-même, je n’en ferai pas part dans ma lettre.

L’impératrice se leva et Rina voulut pousser un cri de joie, son grand-père allait pouvoir revenir après tant d’années ! Elle vit que Tin lui-même avait eu un petit sourire contrôlé face à cette nouvelle. Délicatement un parchemin royal fut passé devant les yeux de Rina, dessus il y avait l’insigne impérial, un lotus au milieu d’une croix cardinale, ainsi que les deux signatures des souverains, il restait tout juste un espace pour sa signature et peut-être celle de son frère. Elle prit la plume que lui tendait Lexan et examina le traité.

- Si je comprends bien. Je n’aurais qu’à suivre les indications de sa Majesté l’Empereur une fois là-bas ?

- C’est bien cela. Il vous dira quoi faire pour aider nos deux empires à s’allier. J’ai personnellement fait ma part dans ce contrat, tout ce que je promets y est inscrit. A lui de faire de même.

- D’accord madame.

- J’ai une dernière indication à faire. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler mais depuis quelques temps une épidémie fait rage dans l’Empire. Nous en savons trop peu pour vous en dire plus mais je souhaitais vous informer, d’après les rumeurs ce serait comme un gros rhume où l'on perds l’odorat et le goût mais je ne pourrais pas vous le certifier. Est-ce que ça change votre décision ?

- Aucunement, je ferais le plein de protection pour m’y parer c’est tout.

Elle échappa un petit rire puis la plume traça délicatement la signature de Rina sur le papier rêche. Son seul nom de famille souligné représentait son identité.

- Monsieur Grintofk à vous à présent. Vous représenterez l’armée dans cette réunion bien que vous n’avez pas le rang suprême ou que vous ne soyez pas le tuteur légal de Rina.

- Bien entendu votre Majesté.

Lui-même prit la jolie plume et signa, sa signature à lui était plus travaillé que celle de sa cadette. Quand il eut signé, il glissa le tout sur la table pour les diriger vers l’impératrice.

- Parfait, tout est au point. Avez-vous des questions ?

Rina en avait une, idiote mais elle semblait vouloir à tout prix la poser. Tin l’avait remarqué et lui avait donc offert un petit coup dans les côtes, ce qui eut le mérite de la faire sursauter.

- Oui j’en aurais deux je vous prie.

- Qu’est-ce donc ?

- Tout d’abord je souhaiterais savoir si sa Majesté saura au courant de mon sang ainsi que de l’inconvénient de mon maléfice ?

- Évidemment, veuillez m’en excuser mais je ne pourrais pas le cacher. Il pourrait penser que j’envoie une bombe à retardement, si vous me pardonnez l’expression, sur son territoire. Je n’ai donc pas le choix mais ne vous en faites pas il ne vous fera aucun mal.

- Comment pourrais-je en être certaine ?

- Vous le verrez en temps voulu mademoiselle, pour la seconde question ?

- C’est peut-être maladroit mais j’aimerais vous demander comment vous remercier ?

Le sourire de l’impératrice déconcerta Rina, pourquoi trouvait-elle ça drôle ? La jeune fille ne comprit absolument pas sur le coup.

- Je vous l’ai dit mademoiselle. Cet accord nous est bénéfique à nous aussi. Grâce à cela nous n’avons pas à nous déplacer en pleine crise. Vous nous êtes d’une grande aide et par conséquent on vous aide par la même occasion, nous serons bénéfiques l’un pour l’autre.

D’un hochement de tête et d’un sourire elle acquiesça ses dires, son sourire suffisait à répondre à l’impératrice. Quand ils se levèrent le Roi leur faussa compagnie rapidement, Rina et Tin l’avaient salué et il s’en était allé. Apparemment des conseillers les attendaient dans une salle de réunion et il ne pouvait rester plus longtemps, l’Impératrice devait bien sûr aussi y assister mais elle tenait à raccompagner les deux jeunes gens vers la sortie.

- Merci de nous avoir reçu votre Majesté.

- Merci à vous d’accepter tout cela. Ce ne doit pas être chose facile sur de si frêle épaules.

- Je ferais de mon mieux madame pour que tout aboutisse.

- Bien, c’est tout ce que je souhaite.

Ils quittèrent la salle de réunion, Lexan en cheffe de file, Rina sur ses talons et Tin fermait la marche. Il n’avait presque pas desserré les dents de toute la réunion, il tenait vraiment bien son rôle de soldat. L’impératrice s’arrête aux abords de la grande porte d’entrée et les deux enfants l’imitèrent.

- Je vous prie de m’excuser de ne pas aller plus loin. La réunion qui se tient à l’étage requiert vraiment mon attention, je ne peux m’absenter si longtemps, même si le Roi Yvans peut s’en occuper avec brio je tiens à voir si je dois faire quelque chose.

- Bien entendu ne vous en faites pas. Merci de nous avoir accordé votre temps.

- Je vous en prie. A très bientôt.

- Au revoir Majesté.

Rina s’inclina doucement et Tin lui accorda son plus beau salut militaire. L’impératrice tourna donc les talons et les portes se refermèrent sur elle.

- Et bah on peut dire que c’était rapide.

- Au moins tout est fini, rentrons si tu veux bien Tin.

- Bien sûr.

Tous deux se retirèrent sous les yeux curieux des personnalités de la Cour qui se trouvaient dans les jardins. Justin les attendaient au pied du fiacre qui devait les ramener chez eux, Rina le remercia d’un geste de la tête quand il lui ouvrit la porte mais c’est à peine s’il ne souhaitait pas lui cracher dessus. Sa mine pleine de dégout donnait des vertiges à la jeune femme qui s’empressa de monter dans le véhicule avec l’impulsion de son frère qui entra à son tour et referma la porte d’un geste sec.

- Pour qui se prend-t-il celui-là pour te regarder de la sorte ?

- Ne t’énerve pas je t’en prie Tin, heureusement que nos souverains ne sont pas ainsi sinon seuls les dieux pourraient nous sauver.

- Ces gens m’importunent au plus haut point si tu savais.

- J’essaie de l’imaginer.

L’habitacle se mit en branle et avança doucement en direction du manoir.

- Tu as vu ?

- Quoi donc ?

- Les traces sur le fiacre.

- Je t’avoue que non, vu comment ce Justin me regardait j’étais plus intimidé qu’autre chose. Qu’était-ce donc ?

- Les traces des projectiles de tout à l’heure.

- Oh…

Sans rien ajouter, Rina laisse son regard tomber dans le vague. A présent elle se posait beaucoup trop de questions. Avait-elle bien fait de s’engager là-dedans ? Allait-elle arriver à bon port ? Quand reverrait-elle sa famille ? Elle analysait tout cela et ne remarqua donc pas Tin changer de place pour se mettre à côté d’elle.

- A quoi penses-tu ?

Quand elle entendit sa douce voix, elle revint lentement sur Terre. Était-ce judicieux de montrer sa peur après tout ça ?

- Tu vas trouver ça ridicule.

- Dis toujours. Si j’ai une raison de me moquer je prends !

Elle tourna son visage vers le sien et vit son beau sourire. Ce garçon était impossible ! Rina se surprit à rire elle aussi en lui assignant un coup sur le bras.

- Tu es incompréhensible toi ! Je ne sais pas, je me demande encore si c’est bien ce que je fais. Je vais partir loin…

Le début de sa phrase s’était fait avec sonorité mais la fin avec un petit peu plus d’appréhension. Elle avait levé la main pour qu’il la laisse parler encore un petit peu.

- Disons que j’ai vraiment envie d’y aller car je sais que je ferais quelque chose de bien donc ça me rassure. J’ai hâte de ramener ces gaillards à la maison !

Son rire se fit entendre dans le véhicule, Tin se mit à sourire. Il préférait ça, son esprit combatif, c’était plus plaisant ! Sans vraiment qu’ils ne s’en aperçoivent, le fiacre s’était arrêté pendant leur discussion. Des coups sur le toit les fit s’éveiller et il décidèrent de descendre pour de bon. Le regard mécontent du conducteur fit frémir Rina et elle se hâta de retrouver la chaleur du foyer familial.

Trois jours plus tard, le jour de l’anniversaire arriva et la boule d’angoisse de Rina grossissait de plus en plus en elle. Elle se rendait bien compte que tout s’était passé extrêmement vite depuis l’attaque et que son départ se déroulait cet après-midi. L’ambiance dans la maison était morose, le départ pesait sur les esprits et les discussions se faisaient rares. Rina préparait tant bien que mal son voyage le cœur lourd et aujourd’hui elle s’occupait de la fête de son frère, il était dix heures du matin. Le vrai baume au cœur fût l’arrivée de Mia dans le manoir familiale, elle avait emporté avec elle sa gaîté et son humour à tout épreuve. La jeune femme avait fait irruption dans les esprits quand elle eut toquée à la grande porte vers dix heures et demie. C’était Jeanne qui était allée ouvrir en la gratifiant d’une accolade.

- Oh bonjour Mia ! Je suis contente de te voir.

- Oh moi aussi Jeanne, Tin ne s’est pas déjà envolé rassurez-moi.

- Non bien sûr ! Il t’attend avec grande impatience, suis-moi.

Rina était avec le concerné dans la cuisine pour finaliser un détail du voyage, il avait interrompu sa sœur dans sa confection de gâteau et elle lui faisait bien remarquer.

- Bon Tin je ne vais pas cacher ce que je fais plus longtemps ! Tu vas tout gâcher là !

- Ragh ça va Rina ! Je veux juste terminer ça.

La jeune fille se concentra contre son gré sur ce qu’il disait, ils n’avaient absolument pas entendu les pas se diriger vers eux. Deux mains se posèrent sur les yeux de Tin et croyant que c’était son petit frère il commença à rouspéter, apparemment il avait oublié la venue de sa petite amie, Rina n’y faisait pas attention, elle avait toujours les yeux rivés sur une carte du monde.

- Mino ce n’est pas le moment ! Tu ne vois pas qu’on est occupé ?

Mia s’était retenue de rire pour ne pas se dévoiler trop facilement, une voix fluette et complètement faussée prit la place de sa voix angélique.

- Mais Tin steuplait ! Laisse-moi voir ! Ze veut faire des trucs de grand moi aussi !

- Eh mais je ne parle pas comme ça moi !

Tandis que Mino montrait son désaccord sur cette imitation foireuse, Tin, surpris se retourna vivement, faisant tomber les mains de sa bien-aimée qui avait un énorme sourire plaqué sur le visage.

- Joyeux anniversaire mon amour !

- Oh Mia…

Le jeune homme serra vivement sa petite-amie dans ses bras, ému, ça faisait si longtemps qu’il ne l’avait pas vu ! La jeune femme entoura Tin de ses bras quand Rina se retourna à son tour, heureuse de voir cette fille resplendissante. Sans faire attention elle manqua de mal réceptionner le gâteau qui voletait dans les airs depuis dix bonnes minutes et qui était tombé quand Rina avait détachée son attention, heureusement la réception c’était faite sans encombre et il restait bien sagement sur la table à présent. Mia avait coupé ses cheveux légèrement plus courts qu’à sa dernière visite mais l’éclat de ses yeux était resté le même. Après cette étreinte les amoureux s’échangèrent un baiser et Mia vient étreindre sa belle-sœur avec amour.

- Comment va ma voyageuse préférée ?

- Tu es déjà au courant ?

Après quelques secondes elles se séparèrent et Mia confirma la question de Rina.

- Oui, tu sais ça court déjà à moitié dans le village bien que personne ne sait pourquoi tu pars, la rumeur parle que « la monstrueuse démone » part du village…

La jeune femme fit des guillemets de ses mains devant la qualification avant de continuer. J’entends ça à la forge ou dans les rues, mes parents me le rapportent aussi quand ils entendent des choses mais cette fois ci je n’ai pas pu les aiguiller.

- Je vois oui.

Rina jeta un regard à son frère qui avait le regard dans le vague, il semblait se battre mentalement.

- Je t’en parlerai plus tard, chérie, en attendant on doit finir de préparer le départ. Ils arrivent à qu’elle heure tes parents et ton diable de frère ?

- Oui je comprends totalement, on verra ça plus tard. Je crois que c’est aux alentours de midi quand ils vont fermer la forge, maman m’a dit qu’ils la fermaient pour la journée sous prétexte d’aller chercher de nouveaux matériaux dans un village à côté.

- Et bah parfait ! Comme ça si nous continuons dans la soirée ils pourront rester avec nous !

Jeanne semblait particulièrement enchantée de la perspective tandis que Mia remontait ses fines lunettes qui étaient tombées sur le bout de son nez. La jeune fille se faufila de nouveau pour rejoindre son fiancé en lui chuchotant qu’elle l’aimait.

- Moi aussi je…

- Tutute qu’est-ce que dit toujours Rina je te prie ?

Tin roula des yeux en la regardant et répliqua d’un air hautain les paroles de sa sœur.

- On ne dit pas « Moi aussi » car ça veut dire que nous ne faisons que répéter sans le penser. Le dire signifie qu’on révèle réellement ses sentiments.

- Parfait !

- Je t’aime donc ?

- Oui !

Rina les regardait avec amusement et tendresse, les voir ainsi la faisait envier, pourquoi sa relation ne pouvait pas être aussi belle et paisible ?

Ce fut bien aux alentours de midi que des nouveaux coups avaient retenti sur la porte du manoir pour laisser découvrir trois nouveaux arrivants, les parents et le frère tant attendus. C’était Rina qui avait ouvert cette fois-ci en passant non loin du vestibule, Kenneth et Mary Gound étaient les deux parents de Mia, tous deux blonds aux yeux bleus très clairs. Kenneth était légèrement plus grand que sa femme de son mètre quatre-vingt-cinq, et ils avaient tous deux plus cinquante années. Edward quant à lui avait les cheveux d’un blond foncé mais avait les mêmes yeux que ses parents et une monture bleu marine sur le nez. Les deux parents avaient embrassé la jeune fille avant d’ôter leur manteau tandis que leur fils avait tapé dans la main de Rina pour la saluer avancer dans le salon là où les autres convives discutaient paisiblement.

- Toi ici ?

Rina qui était dos à la porte ne voyait que le visage soucieux de son frère, apparemment un nouvel arrivant venait de faire son irruption et il ne devait pas être convié.

- Pardonnez-moi de cette entrée impromptue, j’ai eu vent du grand départ et je souhaitais faire mes adieux à ma fiancée.

Kizune savait que les Gound venaient ici et il n’y fit pas attention, ses yeux lançaient des éclairs à Tin, presque littéralement. La dites fiancée se retourna avec un rictus à la place d’un sourire radieux mais elle s’approcha de lui en le conviant à la suivre dehors, même si l’homme en face d’elle n’en avait aucune espèce d’envie il fit ce qu’elle lui demandait silencieusement pour ne pas que la situation ne dégénère. Dès qu’elle ferma la porte sous les multiples regards, Rina regarda celui qui devait être son mari dans peu de temps avec appréhension.

- Que fais-tu ici ?

- Quand comptais-tu m’informer ? Je veux dire de vive voix et non dans une misérable lettre ! Je pensais que j’étais plus important que cela à tes yeux !

Le sentiment désagréable qu’elle avait ressenti en l’écrivant quelques jours auparavant ne l’avait toujours pas quitté. Elle sentait le regard brûlant de Tin dans son dos, le ton de l’homme devait y être pour quelque chose.

- Je t’en prie de crie pas, je n’ai pu Kizune, j’ai été débordé par les évènements, ce n’était en aucun cas prévu je te le jure.

- Mais quand te reverrais-je ? Tu as vu l’impératrice mais moi ? Quand pourrais-je revoir le doux visage de ma future femme ?

Il approcha ses grandes mains gantées de cuir noir vers son visage angélique avec douceur, en vérité il mourait d’envie de la gifler mais il se retint, il ne tenait pas à avoir le frère aîné pendu à son cou. Ses paroles étaient douces mais aucunement sincères, il se demandait comment elle pouvait lui faire autant confiance, mais bon il savait qu’il faisait tout ça pour elle.

- Je ne le sais moi-même Kizune, mais c’est réellement important, sinon je ne m’y consacrerais pas.

- Assez important pour ne pas me le révéler en personne je suppose. J’en suis déçu, vraiment.

- Tu ne saisis pas, je n’ai pas fait cela pour te blesser.

- C’est pourtant ce que tu as fait !

- Je ne pensais pas que tu t’en souciais autant à vrai dire

- Balivernes, à quoi bon me justifier ? Mais soit. Puis-je t’accompagner ?

- M’accompagner ? Où ça ? Pour quoi faire ?

- Quelle question ! Là où tu te rends et pour t’apporter mon soutien bien entendu !

L’enthousiasme qu’avait la personne en face d’elle la rendait sceptique, pourquoi était-il brutalement heureux qu’elle parte à l’autre bout du monde alors que cinq minutes avant il en était furieux ?

- Je ne pense pas que ce soit possible, je pars dans peu de temps et il faut un rapport officiel de la part de l’impératrice elle-même, tu connais la situation politique autant que moi.

Le regard qu’il lui lança fut atroce, un mélange de colère et de froideur extrême, pourtant il le remplaça bien rapidement en un sourire radieux.

- Je comprends, ma fiancée est une femme d’importance à présent. Je verrais pour venir te rendre visite alors, es-tu d’accord ? Je ne saurais te dire quand par contre.

- Si c’est possible ? Bien entendu quelle question !

Elle tapa dans ses mains comme si c’était une grande nouvelle qui changeait le tout du voyage, elle aimait véritablement cet homme. Il semblait être accablé par la perspective de la voir partir loin de lui pour un long moment.

- Quand dois-tu partir ?

- A la fin du repas, viendras-tu me voir au port ?

Contrairement à ce qu’elle avait pensé il répondu à la négative à sa question d’un hochement de tête.

- Oh… mais pourquoi ?

- Je ne souhaite pas voir un immense navire t’emmener loin de moi.

Ses pouces caressaient à présent ses joues avec délicatesse tandis qu’il la regardait dans les yeux avec amour, il semblait avoir de la peine dans son regard, enfin c’est ce qu’elle ressentait.

- Oh Kizune… j’espère que tu viendras à moi. Sinon je ferais en sorte de revenir vite.

Elle le prit dans ses bras pour appuyer ses propos, ainsi elle ne vit pas le sourire goguenard qui se dessinait sur le visage de l’être aimé.

- Je l’espère ma belle, je l’espère, je vais mourir loin de toi.

Derrière ses yeux pourtant, il la voyait périr sous mille et une façons.

- Tu ne changes pas, c’est ce que j’affectionne chez toi tu sais ?

Enfin un sourire sincère s’imprima sur son visage et elle le regardait avec une grande affection.

- Veux-tu manger avec nous ?

- Je dois partir, père m’a convié à consulter des documents d’une grande importance.

- Oh d’accord, les saluera tu de ma part ?

- Mes parents ?

- Oui.

- Bien sur ma belle. Je te souhaite bon voyage, prends bien soin de toi et surtout n'oublie pas, au grand jamais, combien je t’aime.

- Je t’aime Kizune, à très vite.

Il partit rapidement dans le sens inverse pour refouler la bile qui montait en lui, enfin elle partait mais il ne fallait pas qu’elle revienne. Il devait tout faire, quitte à vendre son âme au diable.

Une fois l’homme parti et Rina de retour à table sous le regard sceptique de son frère, le repas suivit son cours, ce fut un véritable festin de retrouvailles. Les mets étaient multiples et les rires étaient dans une présence permanente ce qui rendait l’ambiance fabuleuse. Rina semblait rire et s’amuser mais une boule nerveuse semblait entraver douloureusement sa gorge sans qu’elle ne puisse rien y faire. Bien que l’heure du déjeuner fût tardive ils finirent tous avant seize heures pour ne pas pénaliser la jeune femme dans son départ imminant, par ailleurs celle-ci s’était délicatement éclipsée pour monter dans sa chambre quelques instants, le calme semblait lui manquer cruellement comme un tranchant poignard qui lacérait son cœur. Un flot de larmes roulait à présent sur son visage rougit et déformé par la tristesse, son esprit ne cessait de lui répéter que ce n’était qu’un au revoir et qu’elle reviendrait mais elle n’en était pas si certaine. Ce pays était trop loin, comment pouvait-elle être sûre de revenir ? Kizune lui-même lui avait dit.
Ses petites mains ouvrirent les pans de la grande armoire pour en découvrir les étagères de médicament brutalement vide, tout avait été placé dans son sac. Les sorts qu’elle créait permettait d’augmenter la capacité d’un contenant facilement sans augmenter la taille du sac en lui-même. Les gouttes cristallines lui brouillaient la vue quand elle observait la chambre d’un dernier coup d’œil. Tout le mobilier était à sa place mais il n’y avait plus rien à l’intérieur, ils avaient été dépossédés de leurs effets. Le cœur de la jeune fille se contractait bien trop fort, elle en vient à presque suffoquer, elle devait sortir de cet endroit rapidement au risque de manquer de souffle. Ce projet elle le voulait, elle le savait mais la douleur du départ la consumait et elle savait pertinemment qu’elle ne pourrait pas retenir ses larmes sur le bord du quai qui l’emmènerait loin de ses parents et de ses frères.
Elle l’avait demandé ce voyage, à l’impératrice en personne mais même la perspective de voir une autre branche de son être ne lui donnait pas le sourire. A la voir ainsi on pourrait penser qu’elle pourrait tout abandonner sur un simple petit coup de tête, comme si les larmes qui jaillissaient allaient tout faire capoter, mais non. Rina avait relevé dignement la tête et avait essuyé ses larmes d’un revers de manche avant de murmurer d’un ton vacillant mais brutalement convainquant.

- Je reviendrais plus forte que jamais, je n’abandonnerais pas avant d’avoir réussi.

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