La blondeur des cheveux d’ébènes
- Mademoiselle Grintofk ?
- Oui ?
Rina s’était retournée à l’entente de son nom, elle s’était approchée de la rambarde le long du côté droit du bateau et elle tenait la barre de la main droite. La personne qui l’avait appelée lui était inconnue ce qui ne la rassura pas réellement, elle qui devait être seule pour ce voyage, rapidement elle chercha un membre de l’équipage des yeux, sait-on jamais.
- Vous avez bien raison de me demander mademoiselle. Je me nomme Marius Gling, je suis entré à la dernière escale et depuis le mal de mer me cloue au lit, je viens d’entamer ma première sortie.
L’homme qui arrivait à son côté possédait un sourire amical mais son allure pouvait être effrayante sur quelques points et notamment son regard sombre. Il était vêtu du même genre d’habit soigné qu’elle, c’était évident qu’il n’était pas un membre de l’équipage, loin de là.
- Vous avez bien raison de me demander mademoiselle. Je me nomme Marius Gling, je suis entré à la dernière escale et depuis le mal de mer me cloue au lit, je viens d’entamer ma première sortie.
- Vous m’en voyez désolé, monsieur Gling. Puis-je vous demander comment connaissez-vous mon nom ? Normalement le bateau devait être désert, comme se fait-il que vous ayez pu monter ?
Elle avait conservé son nom d’origine car étant donné que le bateau faisait des navettes entre différentes régions très éloignées il était impossible qu’on connaisse sa véritable identité mise à part l’histoire du maléfice. Quant à lui, il avait revêtu un nom d'emprunt, afin d'être un véritable inconnu, mais cette information était ignorée de la jeune femme.
- Ce n’est pas très compliqué, la moitié du navire ne parle que de vous et de votre beauté, surtout une certaine Maria. Je vous avoue avoir cédé à la curiosité et je tenais à voir cela en personne. Nous sommes les seuls qui ne fassent pas partie de l’équipage donc nous avons une certaine célébrité. Je suis un voyageur de marque parait-il, je devais rapidement monter à bord et rejoindre l’Econne au plus vite.
Elle eut un rapide sourire à la mention des éloges de Maria mais elle garda son sérieux, il semblait lui vouloir quelque chose et ce n’est pas ce qui la rassurait.
- Si vous le dites, en tout cas je n’ai personnellement pas entendu parler de vous. Nous avons fait escale il y a au moins dix jours pourtant, pas vrai ? À l'origine, ce bateau ne devait pas recevoir d’autres personnes que moi-même, je suis donc étonné de ne pas avoir entendu de rumeurs, cependant ça se propage bien ce genre d’informations sur un bateau.
Comme elle s’y attendait, le jeune homme tiqua. Lui se disait que son cousin ne lui avait pas menti, elle était intelligente pour son âge, il devait faire attention à elle car elle paraissait particulièrement observatrice. Mais sur un autre point il avait dit vrai, elle était d’une grande beauté, elle portait ce jour-là son châle rouge et une légère robe de couleur lavande qui sublimait ses formes. Ses jambes élancées étaient peu dévoilées mais on pouvait voir qu’elles étaient grandes et que la jeune femme possédait d’adorables rondeurs. Depuis qu’elle était sur le bateau, le soleil était presque toujours présent, même si le froid persistait encore, ce qui avait fait ressortir ses délicieuses tâches de rousseurs sur son visage et faisait ressortir le rouge sur ses joues. Il chassa ses pensées en pensant à Jane, sa propre femme.
- J’ai demandé au capitaine de ne pas parler de moi, je ne tenais pas à être connu ici. Effectivement le bateau devait être exclusivement pour vous mais voyez-vous, j’avais un besoin urgent de partir comme je vous l’ai dit et je n’ai pu laisser échapper l’occasion même si j’ai dû durement marchander avec le capitaine.
- Je vois. Avez-vous besoin de quelque chose ?
- Je vous avoue que non, je souhaitais vous rendre une simple visite de courtoisie. Puis-je vous poser une question ?
- Je vous en prie.
Ses sourcils s’étaient légèrement froncés, elle ne savait pas où il voulait en venir, ce qui pouvait lui causer préjudice.
- Quel est votre royaume d’origine mademoiselle ? Nous nous sommes arrêtés sur différents royaumes alors je ne saurais déterminer voyez-vous ? Je ne vous demande pas le pays car je suppose que vous venez de Fintland et nous ne sommes pas encore arrivés vers la côte d’Angliga donc ce n’est pas une question très pertinente.
L’homme qui se trouvait en face d’elle avait les cheveux longs d’un blond platine et de magnifiques iris bleues, il devait faire presque une quinzaine de centimètres de plus qu’elle mais elle ne semblait pas impressionnée face à lui. Il était très curieux et ça pourrait la mener à sa perte si elle ne faisait pas attention.
- De quel royaume vous pourriez penser que je sois ?
Elle ne voulait pas avouer avant d’avoir plusieurs possibilités de réponses. Il y avait plusieurs royaumes en Fintland dont le sien, le plus puissant. Elle tourna son regard vers la mer qui ne cessait de se tourmenter au fil de l’avancement du bateau.
- La blancheur de votre peau pourrait m’indiquer le Royaume d’Omnège, là où la neige ne fond jamais. Mais il y a son royaume voisin, Ptigne qui pourrait être la bonne réponse aussi.
Il leva un sourcil interrogatif, à le voir ainsi on aurait pu penser qu’il connaissait déjà la réponse et Rina se demandait pourquoi il lui posait la question et ce fut pour cette raison qu’elle ne lui répondit pas directement.
- Vous venez du royaume d’Omnège n’est-ce pas ? Si ce n’était pas le cas, n'auriez pas parlé du royaume de Ptigne. Le bateau sur lequel nous sommes, proviens du royaume natal de l’impératrice Lexan, comment aurait-il pu aller et même faire monter des passagers en son sein d’un pays ennemi ? Certes, le royaume de Ptigne fait partie, tout comme le royaume d’Omnège, de l’empire d’Astril mais ils ne s’entendent pas le moins du monde, nous n’y avons même jamais fait escale. Vous êtes soit passager depuis notre propre royaume et vous m’aurez donc menti ou vous seriez monté quand nous sommes arrivés au Podryae et donc du royaume d’Aswana.
Elle reprit sa respiration avec discrétion avant de reprendre sur sa lancée pour un dernier détail.
- Mais à la vue de la blondeur de vos cheveux et de votre teint aussi pâle que le mien, j’éliminerais cette dernière option. Même si nous trouvons des personnes blondes et pâles dans d’autres pays, notre royaume à cette particularité par le fait que c’est le seul qui est le plus dans les montagnes froides où le soleil ne brûle jamais. Ai-je raison ?
Alors là, elle l’avait impressionné. Peu de jeunes filles s'intéressaient autant à la politique et il n’aurait pas pensé qu’elle répliquerait ainsi, il eut un rire franc, désarçonné, tant qu’il leva les mains comme s’il prouvait qu’il n’était pas armé.
- Wow je vous avoue que vous m’avez bluffé mademoiselle, votre raisonnement tient parfaitement debout.
- Supposez-vous que je suis dépourvue d’une once d'intelligence, monsieur ?
- Je n’ai jamais dit cela mais j’avoue ne pas avoir été préparé à une réponse si construite. N’y voyez pas d’offense mais la plupart des jeunes filles de votre âge ne sauraient répondre ainsi, vous avez un magnifique sens de l’observation.
Son cousin avait raison en tout point à son sujet, elle était belle et très intelligente mais surtout elle ne manquait pas de répondant. Apparemment face à lui elle était douce mais face aux autres elle n’hésitait pas à répondre comme si c’était un potentiel ennemi et il se sentait ainsi à ce moment même.
- Je vois, donc ai-je raison ?
- Oui, je viens bien du royaume d’Omnège comme vous.
- Pourquoi tourner autour du pot et me mentir ? C’est comme si c’était marqué sur votre visage.
- Je ne sais pas, vraisemblablement ma couverture n’est pas assez construite effectivement. J’avoue vous avoir fait une blague de très mauvais goût.
- Votre nom, Marius Gling, est aussi une pure invention ?
- Non par contre ça c’est vraiment réel, je m’appelle bien ainsi.
- D’accord.
De longues minutes gênantes passèrent avant que Rina reprenne la parole, elle n’appréciait pas réellement l’individu qui lui tenait compagnie et elle souhaitait retourner dans sa cabine.
- Me pardonnerez-vous si je me retire ?
- Je vous en prie, prendrez-vous le repas dans la salle à manger ce soir ?
- Habituellement c’est ce que je fais, pourquoi ?
- Accepteriez-vous de le prendre avec moi ?
L’aristocratie de son pays natal arrivait encore à la surprendre, le jeune homme se conduisait en parfait gentleman mais la réticence naturelle de Rina lui faisait monter une nouvelle barrière défensive de plus belle. Elle n’avait pas l’habitude de discuter avec les gens de son rang habituellement.
- Je crains de devoir refuser votre invitation, j’ai promis à Maria de dîner avec elle.
- Ne pouvez-vous pas annuler ?
- Je ne pense pas que cela serait très aimable de ma part, mais pourquoi voulez-vous tant ma compagnie ? Depuis le début du voyage nous ne nous sommes pas adressés la parole, à votre honneur vous étiez malade, mais demander ainsi ma compagnie est assez désarçonnant. Me connaissez-vous ?
Cette simple pensée suffit à la faire blêmir mais elle garda contenance, elle priait le ciel pour que ce ne soit que le fruit de son imagination.
- Je ne pense pas vous connaître, votre visage me semble familier mais je ne saurais dire pourquoi, je trouve peut-être un réconfort avec vous qui sait ?
- Je vois, voulez-vous déjeuner en ma compagnie pour le déjeuner demain midi ?
Elle devait faire en sorte qu’il ne la trouve pas suspecte alors si elle devait se plier à ce repas ça devrait le faire.
- Cela me semble parfait, mademoiselle, je viendrais vous chercher à onze heures trente précise à votre cabine.
- Parfait, bonne soirée monsieur Gling.
- Pareillement mademoiselle Grintofk.
Rina s’inclina légèrement avant de tourner les talons en direction de sa cabine, elle avait prévu de se porter pâle et elle allait demander à Maria de lui apporter son repas pour ne pas risquer de croiser le nouvel arrivant. Il venait du même royaume qu’elle finalement, ce n’était pas rassurant, elle devait se la jouer discrète pour ne pas attirer l’attention. De son côté, il avait un sourire malsain sur son visage en la voyant partir. Tout ce qu’il avait à faire c’était de prévenir Kizune une fois arrivé à destination, il ne ferait rien de plus que d’essayer de comprendre pourquoi son cousin était si amouraché à elle.
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