Chapitre 47
Point de vue Thomas :
Quelques semaines ont passé, je commence à peine à me reprendre en main. Car en plus des différentes séparations auxquelles j'ai dû faire face, j'ai reçu peu de temps après, une lettre de licenciement pour faute grave. Je me suis renseigné sur les raisons qui le motivaient, j'ai appris que mes deux collègues Damien et Julien m'ont accusé d'utiliser du matériel professionnel à des fins personnelles. J'imagine que c'est l'autre salope qui a demandé de le faire. C'est peut-être un mal pour un bien, car j'aurais eu beaucoup de mal à croiser son sourire narquois tout en gardant mon self control. Elle aurait été trop contente de se mettre en position de victime.
Ce licenciement m'indique également avec une quasi-certitude qu'elle n'est pas au courant de ce que j'ai révélé à PJ, elle n'en aurait pas pris le risque autrement. Il faut croire que ce que je lui ai appris a chamboulé ses certitudes. Il ne semble pas décidé à me mettre des bâtons dans les roues. Au contraire, il a indiqué à Cynthia par SMS l'adresse du notaire en charge de l'héritage au cas où cela m'intéresserait, ce qui était le cas bien sûr. J'imagine que le pauvre petit culpabilise et cherche à se racheter comme il le peut. Mais je lui en sais gré malgré tout. Je le vois de plus en plus comme une victime du formatage que lui a fait subir sa folle de mère.
En ce qui concerne Cynthia, nous commençons petit à petit une vie de couple, même si ce n'est pas facile tous les jours. Il faut que nous apprenions à nous connaître. Après avoir partagé la vie d'une autre toutes ces années, je me rends compte que ces choses qui coulaient de source entre nous, ces petites habitudes que nous avions, n'existent plus. Il faut en construire de nouvelles. Heureusement, Cynthia est patiente et compréhensive, et puis nous vivons une forme de passion sexuelle qui aide à faire passer les petites anicroches. Elle me dit être réellement amoureuse pour la première fois de sa vie. Ce qui me fait un peu (beaucoup) peur, car je sais ne pas en être encore à ce stade d'attachement envers elle.
Si je suis honnête envers moi-même, Chloé me manque, j'aurais tellement de choses à lui raconter. Mais je sais qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. D'ailleurs elle n'est même pas venue chercher ses affaires, c'est son frère qui l'a fait.
Le moment a été très bizarre. C'est Cynthia qui l'a accueilli, nous ne l'attendions pas aussi tôt. Elle l'a fait entrer et la conversation en attendant que je rentre des courses. Elle s'est éclipsée à mon arrivée. Lorsque je lui ai demandé des nouvelles de sa soeur, il m'a juste dit qu'elle allait bien, mais que cela ne me concernait plus maintenant, avec un regard fermé. Il a réfléchi un moment, puis d'une façon beaucoup plus amicale, il m'a demandé comment j'encaissais tout. Il a même semblé compatissant en ajoutant que sa soeur avait fait une belle connerie, que c'était dommage que ça se termine comme ça et qu'il m'avait toujours apprécié. Il m'a ensuite interrogé sur ma relation avec Cynthia en me demandant si c'était du sérieux. J'ai eu un moment d'hésitation et j'ai finalement répondu: "peut-être". Un silence gêné a alors suivi. Puis il m'a dit amicalement que lui une fille comme ça il ne la laisserait pas filer. Je l'ai même senti un peu envieux. Je lui ai alors répondu que je n'avais pas été capable de garder sa soeur, donc je n'avais aucune certitude sur l'avenir. J'ai fini par lui poser la question qui me brûlait les lèvres, est-ce qu'elle envisageait de se mettre en couple avec quelqu'un.
Il a pris un temps de réflexion, puis m'a dit sur le ton de la confidence qu'elle en était bien loin, ajoutant : "Elle va sûrement m'en vouloir que je te le dise, elle se lamente sur la fin de votre histoire. A l'écouter, elle n'a plus qu'à rentrer au couvent. Mais elle va mieux, elle a commencé à chercher du travail près de chez moi".
J'avoue que sur le moment, j'ai failli lui demander de me prêter son téléphone pour pouvoir lui parler. Mais la pensée du mal que je ferais à Cynthia m'a arrêté. Elle ne mérite pas cela. Et puis l'appeler pour lui dire quoi ? Que je regrette, que je veux qu'elle revienne, que je lui pardonne. Je ne suis même pas sûr d'en être capable. Tout ce que ça aurait produit, c'est sans doute de nous faire un peu plus de mal à tous les deux. Même si c'est dur, c'est sans doute mieux comme cela.
En tout cas Cynthia s'est montrée encore plus câline le soir venu, comme si elle avait perçu mon dilemme. C'est là qu'elle m'a fait voir le sms de PJ, tout en me disant que ce n'était pas elle qui l'avait contacté. Je lui ai alors expliqué les détails de mon histoire que je lui avais tus jusque là. A sa place je ne sais pas comment j'aurais réagi en apprenant qu'elle m'avait caché autant de choses. Elle, elle m'a juste dit : "Tu voulais être sûr que je ne sois pas avec toi pour l'argent ?". Puis elle m'a embrassé en souriant de toute ses dents et m'a aidé à dissiper toute mélancolie pendant l'heure qui a suivi.
Finalement me voilà devant le bureau de ce notaire, avec sa main dans la mienne. Prêt à éprouver aux affres de la réalité, tous les projets de revanche que j'échaffaude dans ma tête vis-à-vis de cette harpie depuis les révélations de ma mère. Maître Benoist nous serre la main à tous les deux, puis d'un sourire amical, il nous invite à entrer.
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