En plein ébat, alors que j’ai les doigts partout sur ma belle, je lui demande :

• Tu la sens là ?
• Quoi ?
• L’ère, elle passe, tranquille, comme nous.

Comme notre emploi du temps. Le Couvent est au rythme civil, nous sommes donc encore en week-end pendant deux jours, à se la couler douce à la 43, dans le luxe et la volupté, dans le bien-être éternel. Et Isabelle se goinfre au petit-déjeuner.

• Quoi ? Ch’est bon.
• Mais où tu mets tout ça ? Dans l’Invisible ? À ce propos, Patrice, lui, il est complètement visible. Une vraie autorité spirituelle, religieuse. Je lui ai dit pour ma Bibliothèque en croix et il a dit que c’était une bonne chose de ne pas se référer à tous les mensonges du passé. Que notre génération avait fait son travail avec la B4. Qu’on pouvait se mettre en veille jusqu’à ce que la prochaine fasse sa crise existentielle. C’est drôle, non ?
• C’est un protestant. Il a l’habitude des changements, de l’adaptation. Mais pour gérer ce qu’on a à gérer, ses incantations en latin et ses sévices sexuels ne sont plus à la hauteur.
• En tous cas il est encore avec Aurélie, sa première victime.
• Non c’est Aline sa première soumise. Après il y a eu Marwah, Natacha et la liste est longue. Mais c’est vrai qu’à chaque fois il y a eu une vraie relation. Peut-être pas avec Marwah, sans doute un problème d’obédience, elle est musulmane.

Je devrais peut-être aller au catéchisme avec Antoine parce que là, je suis un peu perdue, je ne connais pas toutes les marques et leurs particularités. Mais non, on suit le programme, on se détend, on se prélasse. C’est même pas encore l’heure du brunch qu’on a déjà plus rien à faire de la journée. Et on fume des tiges pour être tranquilles, se retrouver avec soi-même dans le monde réel. Et je me languis sur ma belle, juste Isabelle, pas d’Océane, juste elle, pas de Greta 2.0, elle est belle, elle est bonne, nature, ainsi. Et elle aussi ronronne, elle se fait une place au chaud sur moi. On est vraiment des dépravées irresponsables, et ce n’est que le début, notre monde n’a plus besoin de leader pour être sauvé ou mené à sa perte. Je m’accroche à elle comme au chaînon manquant, on se boucle, on s’enboucle, on se mêle on se mélange, je ne sais plus où elle commence et où je finis, nous ne sommes qu’une, deux mondes reliés en nous, la continuité du destin de l’Humanité nous appartient, il est entre nos mains baladeuses à la recherche de l’Amour.