En fait, on est en train de tisser tout un réseau. Nos apprenties nous sont liées pour longtemps. Le petit atelier prépa GC-Lettres est comme une grande école qui va les marquer à vie. J’admire ma grande Little rassembler ses affaires sur son bureau de l’atelier avec ses cheveux longs et lisses qui flottent dans l’air. Maintenant, elle a les yeux noisette. Elle est plus stricte dans sa tenue, on voit à peine sa poitrine. Elle me montre sa main :

• Regarde, elle a perdu sa couleur. La tienne aussi. Nous ne sommes plus de jeunes mariées alors.
• On va faire un bébé et devenir une famille.
• Je veux bien la porter.
• Je vais passer à la Clinique Centrale me faire nettoyer le ventre et récupérer un brisim adapté. Mais je dois te prévenir. Mes ovules sont contaminées par un virus royal.
• Tu es ma reine. Elle sera notre princesse. Je peux déjà presque la sentir bouger dans mon ventre, si je me concentre. C’est ça l’Invisible ?
• Oui, c’est comme un songe, un rêve éveillé. Un peu comme quand on écrit, quand les mots viennent tout seul sans savoir où ils nous emmènent. Mais c’est beaucoup mieux de ne pas savoir ce qu’il y a écrit en bas de page, rester à la ligne de tous les possibles avec le Grand Blanc en bas...

... qui se noircit par le va et vient de la plume qui lèche son encre sur le papier comme dans les draps blancs de notre couche quand la lumière fait place à la nuit, face à face, ventre contre ventre, on se connecte en douceur jusqu’au fond de nos entrailles, les battements de nos cœurs se synchronisent tout comme nos respirations, elle expire et je l’inspire pendant que mon âme entre dans la sienne à travers le tunnel de ses pupilles dilatées, ouvertes toute à moi, ouverte toute à moi, Marylène + Paloma = Anna Elle, Annaëlle. Elle me réveille ainsi avec autour de son sourire ses lèvres rouge désir.

• Petit-déjeuner ! Au lit.
• Il manque le lait, mais tu vas bientôt en donner. Ça a marché. Ça se voit déjà sur ton visage. Tu es enceinte. C’est une fille. Elle a ta grâce.

Elle se love sur moi, elle est chaude, câline, pleine d’envies insoupçonnées qui la surprennent elle-même, elle m’aime et on se mange en mangeant et elle se nourrit comme jamais je l’ai vue engloutir ses tartines, pour deux.

• Paloma, je crois qu’il est temps, que je te présente, à mes parents. Des terriens de la deuxième vague. Ma mère Yaël, fille de Gabrielle, petite-fille de Aurélie. Mon père, Lambert, fils de Lisa. Je suis tout ça.