198 - voir en soi
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Je la surprends nue devant le grand miroir, immobile, elle se regarde.
- Qu’est ce que tu fais Mary ?
- Je prends conscience, de moi-même, mon corps. Je dois le faire plus souvent. Je change beaucoup en ce moment. C’est ma grand-mère Lisa qui m’a montré comment faire, je le fais depuis toute petite. Elle a dû le faire plus souvent aussi, pour intégrer tous ses changements en Marielle. Elle est devenue la jolie poupée blonde de Énola. Et moi je deviens la femme de Paloma, je te fais un bébé, notre fille, dans mon ventre. Toi aussi tu as beaucoup changée avant de me connaître. Je ne pense pas que tu as conscience de toi-même, vraiment. Viens à côté de moi. Regarde-toi.
Elle a raison. Je ne me reconnais pas. Alors j’enlève mes vêtements un a un aussi. Et je suis surprise. Qui est cette dame devant moi ? Je dois m’intégrer, m’apprendre, me prendre conscience. Je lui prends la main.
- Montre-moi, Mary.
- Tu dois prendre conscience de moi aussi comme je prends conscience de toi, Paloma. Pourquoi tu m’appelles par mon nom de famille ?
- Parce que Little ça ne te va plus. Regarde comme tu es grande. C’est moi la petite maintenant. On dirait que tu es moi en mieux, Katioucha.
- Voilà qui est mieux, ma chère, et tendre, Paloma. Ça te manque pas tout ça ? L’occulte. Les Messes.
- Non, c’est plus du folklore que de la spiritualité. Même l’Amour, j’y ai beaucoup cru mais il a fini par disparaître, s’éteindre même en l’être aimé. Même nous, nos jours sont comptés Katioucha. Il n’y a plus de toujours et à jamais. Il n’y en a jamais eu, même dans l’éternité. Mais avec toi, c’est différent, tout est différent à commencer par le parcours de notre relation.
- On est peut-être dans l’Invisible.
- Je l’aurais cru avant quand j’étais sous emprise avec mon intuition aiguisée par des psychotropes. Mais là, aujourd’hui, avec toi, tout est bien clair. Il n’y a plus de calendrier, plus de rapports, plus de Bible ou d’annexe, plus d’institution à superviser. Il ne me reste que mes lettres et toi. Cette vérité réelle me suffit amplement. Katioucha, il faut me débaptiser.
Je la prends par la main et on va dehors, il commence à faire jour. On a parlé toute la nuit ? Dans le jardin il y a une fontaine près de la serre. Je rempli un vase et je lui tends.
- Asperge-moi, fort.
Quand je reçois l’eau froide sur mon corps nu, je crie de toutes mes forces pour rejeter tous mes sacrements. Et je m’effondre en pleurs dans ses bras.
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