208 - synchro
Jess vit sa vie, je ne la vois pas beaucoup de la journée. Mais quand on se croise, elle continue notre conversation là où elle s’était arrêtée.
- À chaque fois que j’en parle, j’ai envie de me faire du mal.
- Regarde-moi Jessie. Regarde-moi. Ça n’arrivera plus. On peut en parler autant que tu veux. D’accord ?
- Je sais. Ça marche bien ton truc. C’est de l’hypnose, c’est ça ?
- Un genre de. Et tu es très réceptive.
Elle sourit et elle me regarde avec son regard mystérieux, un peu dans le vague, jusqu’à ce qu’on soit interrompues par son Édith qui veille sur elle. Mary nous a remarqué aussi. Elle me le fait savoir, sur l'oreiller :
- Qu’est ce qui se passe avec Jess ?
- Elle a le profil, mais c’est peut-être un peu tôt pour l’envisager. XVIII. De toutes façons, ce n’est pas à moi de la trouver, c’est à Kate. Si elle n’y arrive pas, je pourrai quand même l’orienter.
- Et moi j’avais pas le profil ?
- C’est ton profil qui m’a sauvée, Mary.
Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, Jess hésite et vient me parler :
- Paloma, je vais aller courir. Je sais que tu n’aimes pas ça, que ça sert à rien, qu’on gaspille notre énergie pour rien, qu’il n’y a pas de finalité etc. Mais j’aimerais que tu viennes courir avec moi. Toutes les deux.
- J’ai eu le droit à ça dans toutes les institutions du Grand Chelem, ou presque, et j’ai détesté. Mais à l’époque, je n’avais pas un aussi beau corps d’athlète. Alors, ça me fait tout drôle de te dire, oui. D’accord.
Son visage s’éclaire, elle a l’air tellement heureuse tout d’un coup.
- C’est une blague ? Un challenge ?
- Non ! On va courir pieds nus sur la plage, là où le sable est mouillé. Et ne t’inquiète pas, on va vers les gros numéros, pas vers le 44.
- Heu… combien de numéros en tout ? Parce qu’il faut revenir après, non ?
Elle rit. Et elle me prend par la main, on va se préparer. Je suis un peu gêné de la voir nue, elle enfile des habits adaptés, légers et près du corps. Elle commence à avoir des formes. Je fais de même et elle m’attache les cheveux. Je l’aide aussi pour les siens. Et c’est parti. Au début on arrive encore à parler. Mais à deux numéros, on commence à entrer en transe. Nos rythmes se synchronisent, respiration, enjambées, mais d’un coup elle part en sprint et j’essaie de la suivre, je ne veux pas la perdre, j’y arrive. Alors elle ralentit et on continue, ensemble, tout doucement.
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