Cher Journal,

« Ce n'est pas grave si vous avancez lentement, du moment que vous ne vous arrêtez pas », Confucius.

Ma gueule de bois m'empêche de bien écrire, autant piquer la phrase d'un autre. J'ai mis du temps avant de trouver les bons mots pour dire :

« Ok, hier, j'étais bourré, pas mon meilleur visage, je m'excuse, pour ma soirée, et ma semaine, passée à regarder des vidéos ou écouter les chansons des autres, mon défi n'a pas décollé, ma guitare est encore dans son carton, mais une nouvelle semaine commence, alors on se motive, on s'active, et on va y arriver ! »

J'ai trouvé la citation allongée sur mon lit, tête vers le plafond, main droite sur le téléphone à moins de dix centimètres de mon visage, main gauche dans un paquet de chips premier prix. Si Confucius m'avait vu…

« C'est bien de piquer mes phrases, ce serait mieux de bouger ton cul, tu ne penses pas ? », Confucius.

Il est marrant, lui. Je ne sais même pas quel style de chanson écrire. Ouais, j’aurais pu y penser avant. C'est comme chercher sa fille à l’école, en prenant la voiture, dans le froid, seul, et remarquer à vingt bornes de chez soi qu'on ne sait pas où se trouve l’école. Et qu’on n’a pas de fille. Savoir où on va et pourquoi on y va, c’est important.

Le style musical le plus évident ? La petite balade à la guitare, la chanson d’amour toute gentille avec quatre accords, idéale pour devenir le nouveau Michael Miro ou Guillaume Grand : un gars que vous avez tous oublié même si vous avez sûrement entendu son seul tube à la radio tous les jours pendant six mois, car l'horloge tourne, pour toi et moi… Parler d'amour, ce n'est pas mon truc. Quitte à écrire sur les filles que je vois, je préfère un couplet sur ma grand-mère que sur mes plans cul. Ma dernière histoire a commencé en soirée, où une fille de dix ans de plus que moi m'a demandé si j'avais écouté l'album de Daniel Auteuil.

« Oui, il fait aussi de la musique, et c’est franchement pas mal ! »

Même Mamie est moins ringarde, vous comprenez pourquoi je préfère parler d'elle ?

« Nous, on fait l’amour, on vit la vie, jour après jour, nuit après nuit », Confucius.

Pour une belle chanson d’amour impossible, il y a Clara. On a grandi ensemble, maternelle, école primaire, avant qu’elle ne déménage. On s'est retrouvé quinze ans après par hasard, dans le même job de merde au Casino, et pas celui qui rapporte gros. De collègue de marelle à collègue tout court, on a traîné ensemble, on s'est rapprochés, on s'est tourné autour, sans jamais rien s’avouer, sans jamais rien oser. Jusqu'à ce qu'elle s'éloigne à nouveau, quittant la région, la boîte et le rayon fruits et légumes… L'histoire rêvée pour une chanson d'amour torturé :

« À la maternelle, la main, tu me tenais.

À l’école, tu l'as lâché.

Aujourd'hui, je l'ai retrouvée.

Au… Suuuupeeeermarchéééééé. »

Bon…

« Cela ne casse pas trois pattes à un canard… C'est même bien éclatax. », Confucius.

Je suis nul pour l’amour. J'aime bien le rap français. Un bon ego-trip, écrire un texte sur moi… Hum… J'ai déjà ce journal pour ça. Une chanson qui dénonce ? Pour dénoncer quoi ? Je suis un homme, blanc, jeune, hétéro, en bonne santé, né en Normandie. Et je vais me plaindre des difficultés de la vie ? Comme si quelqu'un attendait un deuxième Orelsan. Je n'ai aucun combat dans lequel m'investir, aucune différence pour laquelle me battre. À la limite, je suis un peu grand… Je ne connais pas de tubes sur la discrimination des grands. Pour dénoncer les darons qui lancent fièrement :

« Houla, bah t'as encore grandi ! »

Alors que ta croissance s’est arrêtée en même temps que la vie des derniers cheveux sur leurs crânes. Pour dire aux grands-mères que rien ne m’oblige à attraper leur boîte de petit-pois tout en haut de l'étale, même si je mesure deux têtes de plus qu'elles. Pour dire… que c’est une idée de merde de se plaindre, vu que le seul problème que j’ai dans ma vie, c’est moi.

« Au fond, j’crois qu’la Terre est ronde », Confucius

Il reste quoi ? Le métal ? Pas mon style. Le seul élément métal chez moi, c'est ma casserole compatible induction avec poignée amovible… Ou un hit de l'été ? Pour que tout le monde danse en maillot de bain dehors et attrape du bonheur. On est en novembre… S'ils sortent en maillot, c'est la crève qu'ils attrapent.

« Oh, t'es triste ? Eh, laisse tomber tes problèmes et viens danser ! J'ai le hit de novembre pour te remonter le moral ! Et ça fait… LES BARBECUES C'EST MEILLEUR L’ÉTÉ CAR L’HIVER ÇA CHAUFFE MOINS BIIIIIIEEEEN !!! »

« C'est vraiment la gueule de bois qui t'empêche de bien écrire ou seulement ton manque de talent ? », Confucius.

Vous savez quoi ? On s'en fout du style de musique, suffit d'écrire une chanson qui me ressemble. Simple. Unique. Bienveillante. Sympathique. Seule. Paumée dans sa vie. Qui n’appelle pas assez ses proches… Ok, pas obligée d'autant me ressembler. Je dois juste écrire un texte qui parle de moi, qui me parle, qui parle vrai. Une fois le début trouvé, le reste viendra tout seul, c'est évident. J'y crois. Si je n’y crois pas, qui va y croire ?

Toi qui lis ce journal, tu as l'impression que je n’avance pas. Soit patient, mon jour viendra, même s’il prend son temps. Car, comme disait un grand homme :

« Au fait, c’est qui Confucius ? », Confucius.