Autodafé
Comment bien écrire une histoire ? Mettons-nous donc dans l'ère du temps, la modernité, la pensée positive, celle que tout le monde se doit d'avoir sans exception.
Déjà, pas de héros, ni d'héroïne. Car comprenez bien, avoir un genre défini, ce n'est plus très bien vu. Alors appelons notre protagoniste un "hérosine".
Ben oui. La dernière fois que nous avons osé écrire : "Chers AUTRICES et AUTEURS", nous nous sommes faits taper sur les doigts, on nous a même fait un procès, parce que oui, maintenant, être genré est mal vu.
Notez aussi que dans ce massacre à la langue Française, on met la version masculine en premier dans ce mélange chelou et on termine par le féminin.
Exemple :
"Un autEUrice". Déjà, "UN", puis "autEURice". Le "un" devant désigne donc un groupe d'individus de sexe différent, alors le masculin l'emporte, grammaticalement. Oh tiens... exactement comme... "DES auteurs" ! Sinon, on pouvait toujours dire "des autrices ET des auteurs" pour n'oublier personne et inclure tout le monde...
Mais apparemment, c'est mal vu. Sauf pour les transgenre. Eux, ils ont le droit de choisir d'être une femme ou un homme. Donc, les gens, déclarons-nous transgenre pour avoir le droit de revendiquer notre état de femme ou d'homme.
Voyons, que faut-il d'autre pour écrire une bonne histoire, maintenant ? Ah oui, il faut inclure toutes les personnes possibles, même s'ils n'auront aucun rôle dans le scénario, contrairement à des films comme "Love to hide". Eh oui, à l'époque, il y avait de l'inclusion...
Ah non, ça ne compte pas. Les deux prota hérosines sont blancs. C'était donc encore incorrect. En plus, ce film n'incluait pas toutes les minorités.
Alors incluons donc un PMR dans une fantasy où les fauteuils roulants n'existent pas forcément. Ah, et surtout pas de type affro, sinon, ça va aussi crier au scandale.
Oh, et attention aux controverses des personnages ! C'est interdit, désormais !
Exit l'amour coup de foudre ! Exemple :
Frollo ("Le Bossu de Notre-Dame) aurait clairement dû demander le consentement d'Esméralda avant de lui faire un discours torride au sein de la Cathédrale de Notre-Dame ! Si, tu sais, le moment où il lui empoigne les mains et s'enivre de l'odeur de ses cheveux, avant de lui confier son fantasme de la voir pendue. C'est vrai, enfin, le scénario aurait été tellement incroyable si cela s'était déroulé ainsi :
- Ma Dame, permettez-moi de vous saisir et de vous offrir un discours torride !
- Volontiers, monseigneur !
Ah, et pareil pour Quasimodo lorsqu'il la sauve du bûcher. Elle était asphyxiée par la fumée, mais tout de même, jamais il n'aurait dû la toucher, comment a-t-il osé la prendre dans ses bras ?
Et concernant le physique de l'hérosine ?
Si c'est un homme, pas bodybuildé comme Terminator et compagnie, c'est très mal vu, maintenant. S'il doit être en couple, c'est forcément mixte, sinon, c'est raciste. Ah, en fait, non, il doit être forcément homo, sinon, les gens vont crier au scandale ! Parce que, vous comprenez, maintenant, il n'y a qu'un seul type d'amour prôné, et non plusieurs.
- Ah, et idée de génie ! Faisons DEUX versions d'un même film : un avec un héros afro, et le même film avec un héros pâle. Comme ça, ils seront tous contents, les moutons.
- Mais... n'est-ce pas du racisme ? De la discrimination, de penser ainsi ?
- Si... je crois... enfin, je ne sais plus. Apparemment, maintenant, penser comme ça, c'est être "éveillé" et inclusif.
Faire de la distinction, de la condescendance envers toutes les ethnies, et n'aller surtout dans aucun sens.
Certains ne comprennent pas que l'on crie au scandale quand notre culture, nos personnages se font léttéralement violer par ces nouveaux courants de pensée. Pourtant, Karaba la Sorcière, qui est juste un personnage splendide, tant dans sa psyché que physiquement, si on faisait un remake de ce personnage en la transposant en une blonde à la peau blanche, ne serait-on pas tous en train de crier au scandale ? Et cela serait valable.
Quitte à soutenir une idéologie, autant aller jusqu'au bout de l'idée, et non en prenant juste ce qui nous arrange, sinon, cela s'appelle de l'hypocrisie.
C'est ok d'être amoureux/se du sexe opposé. C'est ok d'être amoureux/se du même sexe.
C'est ok d'être un mec bodybuildé. C'est ok d'être une brindille.
- Mais non, tu n'y comprends rien ! C'est très, très mal vu, tout ça, maintenant. L'amour, ce n'est pas bien, ça veut forcément dire que l'hérosine féminine est faible. Parce que tu comprends, une femme forte, elle est forcément badass et casse des gueules à tout le monde. Le féminisme, ce n'est pas montrer que les femmes sont aussi capables que les hommes, c'est les écraser. Donc surtout pas d'amoureux.
- Donc, comment faisons-nous notre futur film ?
- Déjà, choisissons une hérosine ! Karaba la Sorcière.
Faisons-là avec la peau blanche pour ces petits blancs racistes et débiles, comme ça, le "Kirikou et la sorcière" original ne restera regardable par les afros, et le remake par les blancs. Car notre vision du monde est ainsi, c'est ainsi que l'on traite l'inclusivité ! Tu comprends, les blancs ne se sont pas sentis touchés par le personnage de Karaba parce qu'elle est noire.
- Ah bon ? Tu ne penses pas qu'ils ont été touchés par son histoire horrible ?
- Mais noooon ! Tu n'y comprends vraiment rien ! Preuve en est, on fonctionne ainsi aujourd'hui. Nos remakes inclusifs sont là justement pour corriger cette injustice, pour que chaque communauté se sente concernée.
- Ah ? Je ne savais pas que la psyché avec une couleur de peau.
- Bref ! Donc : Karaba sera incarnée par une blonde à la peau blanche. Comme ça, les femmes à la peau blanches se sentiront elles aussi concernées par sa tragique histoire.
Kirikou, ne le faisons surtout pas petit, et moins athlétique comme dans la fin du film original, c'est démodé et très dérangeant, maintenant. Dans le scénario, au moment d'enlever l'épine, pensons à lui faire demander son consentement à Karaba. Parce que tu comprends, c'est hyper choquant quand il la surprend, lui tombe dessus et lui arrache l'épine avec ses dents.
Voilà. Ah si ! Et surtout pas d'histoire d'amour entre eux ! Comprends, maintenant, si on fait un couple homme/femme, les minorités vont hurler au scandale. Ils resteront juste amis, Kirikou ne demandera pas Karaba en mariage. Kirikou se mariera avec l'un des hommes du village qu'il aura libéré du sortilège de Karaba la sorcière. On écrira qu'il sera tombé sous le charme, qu'il aura eu le coup de foudre pour l'un des fétiches.
- Ah bon ? Mais je croyais que l'amour coup de foudre, il ne fallait plus ?
- C'est vrai. On pensera donc à écrire une séquence où le fétiche donnera son consentement à Kirikou, comme ça, on sera protégés.
- Eh ! On le tient, notre remake, on le tient !
- Oui ! En plein dans l'idéologie de cette nouvelle ère ! Ce remake sera une oeuvre d'art, acclamée par tous !
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