Dainknut - Nouvelle route
La nuit était calme, à peine perturbée par le hululement des chouettes et autres cris des animaux nocturnes. Dainknut était sur la route depuis plusieurs dizaines désormais, lui et sa caravane, à destination de Grymnoria. Membre de la guilde des caravaniers, il en était le seul autorisé à passer les portes de la 9e archi-cité.
Son camp s'était établi à la lisière d'une forêt et non loin d'une petite rivière. Le feu encore brulant, crépitait au milieu des carioles et de leurs montures endormies. Les loups des montagnes étaient les compagnons de route préférés des nains. Vaillants, robustes et bagarreurs, ils incarnaient à merveille l'image du peuple nain dans le monde animal.
En tirant une grande bouffée sur sa pipe, Dainknut comtempla les étoiles. Demain ils arriveraient à Grymnoria, juste à temps pour le début des célébrations de Grymnor et l'épreuve des sens. Dainknut n'aimait pas les cités des hommes, bien trop bruyantes et immorales à ses yeux durs de nains. Le commerce y était toujours lucratif mais il devait bien souvent faire face aux regards et aux bourrades condescandantes des habitants. Comme à son habitude, il se charga du premier tour de garde et profita du calme de la nuit. Un autre nain se releva de l'arrière d'une cariole et lui adressa un signe amical. Dainknut lui indiqua une place auprès du feu et vint alors le rejoindre.
- Tu n'arrives pas à dormir, c'est cela ?
- Oui, j'ai hâte d'atteindre la cité demain, dit le nain, dont les lueurs du feu de camp mettait clairement son visage infantile en avant.
- Ce premier voyage t'as endurci mon ami, mais tu restes encore aussi espiègle qu'un rossignol, plaisanta Dainknut, un grand sourire aux lèvres. Nous apercevrons les hautes tours de la cité plusieurs heures avant de l'atteindre. Dès la fin de la traversée de la forêt derrière nous, tu les verras. C'est un moment assez particulier de découvrir une des neuf grandes cités des hommes.
- Les as-tu toutes visitées Dain ? Je veux dire, celles qui existent encore ? Demanda le jeune nain.
- J'étais encore un tout jeune nain lorsque j'ai appris la chute de la 5e cité et j'ai pu passer les portes de la 6e avant sa chute depuis. Et de manière générale, j'ai travaillé avec toutes les cités des hommes et des différents peuples de ce monde. Je pourrais t'en conter les détails de chacune de ces cités mais Grymnoria demeure vraiment la plus intriguante.
- Pourquoi sommes nous en route pour la cité des hommes, nous avons déjà effectué notre trajet commercial et rien ne nous oblige à passer par là ?
Dainknut sourit et donna une tape franche dans le dos du jeune nain.
- Tu es bien le seul à oser me poser ce genre de questions. Tous nos amis endormis sont mes compagnons de route depuis des décennies et ils me suivraient dans les flammes du sous-monde sans sourciller. Nous allons à la rencontre d'un vieil ami qui a souhaité ma présence pour un événement particulier.
- Y serons-nous à temps ? Ne pouvons-nous pas tirer profit de la situation pour obtenir un contrat ?
- Oui, nous y serons. Connaissant mon vieil ami, sa requête pour me faire venir ne peut être anodine, il y aura un contrat, officiel ou officieux, je ne sais pas encore...
- C'est pour cela que tu n'as pris que des guerriers dans la compagnie alors ? Tu te doutes de quelque chose...
- Tu sais ce que l'on dit, faire confiance aux siens est naturel, se méfier des intentions des hommes aussi...
- Mais n'est-ce pas ton ami que nous devons retrouver ? S'inquièta le jeune nain.
- Ce n'est pas lui qui m'inquiète, mais les tours de la cité. Elles ont des yeux et pas que des bienveillants... Tu t'en rendra vite compte...
Dainknut tira à nouveau longuement sur sa pipe puis signifia à son jeune compatriote qu'il était temps qu'il prenne congé. La journée de demain serait forte en émotions pour lui.
Dainknut passa l'heure suivante à repenser à cette étrange missive qu'il avait reçu de son ami deux lunes auparavant, le priant de venir à Grymnoria pour l'épreuve des sens. Il n'en comprenait pas l'intérêt mais par respect pour son ami, il avait décidé d'accèder à sa requête.
Dimaz sorti Dainknut de ses pensées pour lui indiquer qu'il prenait le relais. Il était le meilleur ami et le plus fidèle guerrier aux côtés de Dainknut. Ils avaient vécu tellement d'aventures ensemble qu'il était inconcevable aujourd'hui pour un nain d'imaginer croiser l'un sans l'autre.
Les nains étaient tous prêts au départ avant l'aube, ils dispersèrent les quelques traces de leur campement puis prirent la route de la forêt. Les compagnies de nains faisaient de parfaites caravanes marchandes, au delà de leur grande endurance et de leurs aptitudes aux combats, ils étaient en plus, de fins et âpres négociateurs. Dainknut parcourait les routes avec sa compagnie depuis des décennies, réalisant toutes sortes de contrats allant du simple transport de marchandises à la livraison de créature à risques. Aujourd'hui, sa réputation n'était plus à faire et c'était donc un honneur pour les nains de sa compagnie d'en faire partie. Il était d'ailleurs le seul nain de la guilde des caravaniers, ordre ayant plus un intérêt dans la débauche de ses membres que d'un réel sens, à posséder un passe droit dans toutes les archi-cités du monde. Certaines maisons du sous-monde lui étaient même redevables et lui réservaient donc un droit de passage tout particulier.
Les nains traversèrent la forêt en quelques heures et dès que les arbres commencèrent à se faire plus rare, avant même d'avoir véritablement atteint la lisière, les hautes tours de Grymnoria furent déjà en vue.
- Ferme la bouche Ber'rin, les mouches vont y entrer, lança Dainknut au jeune nain qui était véritablement ébahi devant la grandeur de la cité qui s'annoncait.
- Je... Euh... Bredouilla-t-il, déclenchant l'hilarité de sa dizaine de compagnon.
Chevauchant leurs loups des montagnes, les nains gagnèrent rapidement les grandes portes de l'enceinte de la cité. On leur signifia alors que de tels bêtes n'étaient pas autorisés à pénétrer dans la ville. Dainknut le savait et ordonna à ses hommes d'installer un campement aux abords de la cité à distance raisonnable des portes. Seul lui, Dimaz et Ber'rin allait passer les portes aujourd'hui.
Ils passèrent les majestueuses portes de la cité et Dainknut les guida à travers le dédale de ruelles encombrées d'échoppes et marchands ambulants. Il avait rendez-vous dans une auberge du quartier de l'aqueduc avec son ami. Cette vieille auberge lui avait longtemps servi de point de chute lors de ses passages à la cité et ils savaient également que l'établissement traitait correctement les autres races du monde extérieure.
Les rues bruyantes mais ordonnées de la cité impressionnaient Ber'rin qui enregistrait tout autour de lui. Souhaitant se rappeler du moindre détail qui l'entouraient, le jeune nain en avait presque le tournis. Dainknut lui, ne manqua pas de noter les quelques garde qui les avaient pris en filature dès leur entrée dans la cité. Dimaz l'avait lui aussi remarqué et indiqua même à Dainknut qu'un comité d'acceuil semblait les attendre devant l'auberge. En effet, une demi douzaine de gardes était postés devant la petite auberge. Une bien trop importante troupe de soldats, tous chevronnés qui plus est, pour que cela soit une coïncidence nota Dainknut.
- Mes respects maître caravanier, lui lanca le capitaine monté sur un énorme destrier dont le nain n'atteignait pas le poitrail.
- Messieurs, quel accueil... Avez-vous amener du vin avec vous que l'on festoie dignement ? Demanda Dainknut en imitant une révérence pour le moins exagérée.
- Nous sommes là pour assurer le bien être de la cité, sois en certain nain, dit sèchement le capitaine. Traites tes affaires en vitesse et sans désordre, nous t'avons à l'oeil.
Dainknut s'inclina de plus belle pendant que la troupe de soldat quittait la petite place. Une fois hors de vue, il se tourna vers ses amis :
- Je crois qu'une bonne pinte nous fera un meilleur accueil !
Les trois compères entrèrent en riant dans l'auberge.
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