Dainknut - Fuyons
Dainknut avait rejoint les siens au cours de la nuit. Le camp fut rapidement levé afin de se rendre au point de rendez-vous. Même s'il n'aimait guère cela, il n'avait eu d'autres choix que de faire confiance à la lame ombre.
Dainknut avait assisté à toute la cérémonie de l'épreuve des sens. Il avait vu le pouvoir émanant de cette jeune femme et les ravages qu'elle avait causé. Donbar lui avait fait parvenir peu après leur entrevue une missive le priant de veiller sur sa nièce. Il se devait d'assister à la cérémonie et essayer d'entrer en contact avec elle. Il indiquait dans sa lettre avoir été contraint de quitter la cité pour les mines d'Argonat. Loin d'être un endroit sûr, cela restait pour l'instant la seule destination qu'il pouvait indiquer à la jeune femme.
Avant minuit, lui et ses compagnons atteignirent la forêt Nord de la cité. Laissant en retrait la plupart des nains et leurs montures, Dainknut et Dimaz approchèrent de la place des Ombres qui bordait la forêt. Une seule idole s'y trouvait et des dizaines de bougies se consumaient à ses pieds. La place était déserte et les alentours trop tranquille. On entendait au loin les cloches de la cité qui sonnaient encore l'alerte. La ville ne dormirait pas cette nuit. Dainknut avait rapidement mis sa caravane aux faits de la nuit et de cette nouvelle mission qui leur incombaient désormais. Dimaz et lui étaient tapis sous des fourrés, haches et dagues en main. Il n'attendaient plus que leurs invités. Soudain, ils furent tous deux saisis par les pieds et tirait en arrière. Suspendus la tête en bas, on les lacha ensuite lourdement au sol. Les deux guerriers se redressèrent aussitôt et firent face à cette menace.
La peau noire comme la nuit, des yeux oranges et unis, brulant comme le soleil, les sondaient. L'armure de cuir dont les coutures argentés laissaient se refleter les éclats de la lune, rendait la lame ombre encore plus impressionante. Dimaz fonça et tenta d'asséner un coup de hache à cet inconnu. Bashu pivota et trancha la hache avec son épée d'un coup net puis donna un coup de tête dans le visage de Dimaz qui fut projeté plusieurs mètres en arrière. Bashu pointa sa lame sous la gorge de Dainknut :
- Qui êtes-vous ? demanda Bashu dans la langue des hommes.
- Donbar, des amis de Donbar, répliqua Dainknut qui, d'un coup de dague, retira la lame menaçante.
- Que nous voulez-vous ? Comment m'avez vous trouvé en ville ? enchaîna Bashu la lame toujours pointée en direction du nain.
- Tenez, prenez cette lettre. C'est la demande de Donbar pour que l'on aide sa nièce.
Daknknut tendit la lettre en mettant en avant le sceau qui terminait celle-ci.
- J'étais dans le grand hall pendant la cérémonie, reprit Dainknut. Avec ma taille, j'ai pu me faufiler et avoir un bon angle de vue. Lorsque cela a dégénéré, j'ai foncé à la place des Ombres la plus proche. Vous avez de sacrés pouvoirs, je ne peux pas le nier, mais vous êtes surtout sacrément liés à votre culte.
- Vous avez déjà cotoyé des ombres par le passé ?
- J'en chasse parfois, si la récompense est à la hauteur du défi, dit Dainknut avec un sourire au coin de la bouche. Dites moi où est la fille maintenant, je vais l'emmener en lieu sûr.
Bashu releva sa lame au niveau de la tête de Dainknut et lui répondit :
- Piètre mortel, crois-tu vraiment que tu pourrais mieux la protéger que moi, sa propre lame ombre !
- Mieux, non peut-être pas, répondit calmement le nain, mais plus discrètement, ça c'est sûr. Même si vous avez faits des détours par ton monde avant de venir ou je ne sais quoi, votre magie laisse des traces, et si un simple caravanier peut les suivre alors d'autres...
Bashu fit volte-face et Dimaz se tenait face à lui :
- Que faisons-nous Dain ? demanda le guerrier nain.
- Abaisses ton arme, je résonne notre ami, et nous partons, répondit Dainknut.
Dimaz baissa son arme et s'en alla rejoindre son ami, tout deux faisant désormais face à la lame du guerrier des ombres. Bashu n'avait pas baissé sa lame et restait sur ses gardes. Même si les alliances n'étaient pas dans la nature des lames ombres, il dut reconnaître que le nain n'avait pas tort. A force d'utiliser sa magie, lui et Tana seraient vite repérés. Les nains en connaissant les montagnes et les chemins cachés, pourraient certainement dans un premier temps, leur offrir de bien meilleures chances de survies, aussi il rengaina sa lame.
- Tana est inconsciente depuis que nous avons quitté le grand hall et les téléportations n'ont pas arrangés les choses. Nous sommes arrivés içi il y a plusieurs heures, j'ai eu le temps de nous installer sommairement sous les fourrés à l'orée de la forêt. Je vous ai ensuite patiemment regardé arriver.
- Nous avons mis un peu de temps à nous mettre en route, répondit Dainknut, mais puisque vous êtes désormais enclin à la discussion, ne perdons pas de temps et bavardons en rejoingnant notre camp. Dimaz part prévenir les autres que nous nous mettons en marche.
Dimaz acquiesca d'un mouvement de tête et s'en fut en ne quittant pas Bashu du regard.
- Je crois qu'il vous aime bien, dit Dainknut d'un air enjoué. Menez moi à elle maintenant.
- Non, répondit séchement Bashu, attendez moi là. Je ne serais pas long.
Aussitôt avait-il terminé sa phrase, qu'il disparut dans la noirceur de la nuit. Les lames ombres et leurs peaux noires pouvaient presque être invisibles de nuit. La proximité d'une place des Ombres intensifiait d'autant plus les pouvoirs des guerriers des Ombres. Dainknut n'aimait guère les autres races du mondes, mais il avait appris à faire avec. A commercer avec eux, à jouers aux dés avec eux et même parfois, trinquer avec eux. Mais les créatures du sous-monde, il ne les supportait pas. Ces abominations des temps anciens ou ces démons du roi des Ombres, il les détestaient. Dainknut respectait les cultures et les peuples, et aimait d'ailleurs en rencontrer de nouveaux. Mais le sous-monde et ses ressortissants n'apportaient jamais que la destruction et la soif du pouvoir. L'afflux ces dernières années des démons des Ombres autour de la neuvième cité des hommes ne l'avaient pas empêché de commercer. Mais cela ne pouvait être un hasard et il le savait. Les nouveaux pouvoirs des hommes de Grymnoria et leurs avancées écrasantes sur les autres peuples du royaume, devait être liés à l'avénement du roi des Ombres, il y a plusieurs décennies déjà.
Durant ses brefs séjours dans le sous-monde, Dainknut avait pu rencontrer des émissaires du roi des Ombres. Auto-proclamé roi du sous-monde, il avait peu à peu dominé chacun des peuples y habitant. L'arrivée de son culte à la surface coïncidait étrangement avec un grand revirement des choix politiques de la neuvième cité des hommes. En proie à un repli sur elle-même ces dernières années, la cité avait depuis reprit vigueur et opté pour une politique colonisatrice et barbare sous la bannière du culte des Ombres sans que jamais le roi du sous-monde ne soit cité. Dainknut craignait ces événements qui n'auguraient rien de bon. Il avait vu les chutes des cités des hommes et on lui avait conté celle des plus anciennes. Toutes avaient en commun la volonté de s'étendre et de rassembler sous son égide, coûte que coûte. Chaque cité avait ses raisons. Chaque cité a aujourd'hui dépérie ou s'est consumée.
Bashu réapparut devant lui portant dans ses bras la jeune nièce de Donbar. Elle était belle et innocente. Minuscule dans les bras du guerrier, elle était toujours inconsciente. Dainknut le pria de le suivre afin de retrouver sa caravane mais Bashu se figea.
- Prenez-la, lui dit-il, partez. Ils arrivent.
- Qui arrivent ? répondit Dainknut en récupérant la jeune fille.
- Partez, je vous retrouverai. Vous aussi les nains, vous êtes faciles à traquer, dit Bashu sur un ton presque détendu. Courrez maintenant.
Dainknut maintena Tana sur son épaule et partit en direction des siens. Il eu le temps de voir toutes les bougies de la place des Ombres s'éteindre puis une fumée noire électrique recouvrir la scène. Bashu pénétra dans cette obscurité et Dainknut détourna le regard, tout en accélérant sa foulée.
***
Dainknut retrouva rapidement les siens qui sous le bon commandement de Dimaz étaient déjà tous en ordre de marche. Dimaz comprit au visage préoccupé de son ami et à l'absence de la lame ombre ce qui avait pu se passer. Ils hissèrent tous les deux la jeune fille dans une des carioles et donnèrent le départ.
- On ne l'attends pas ? demanda Dimaz qui chevauchait son loup aux cotés de la cariole de Dainknut.
- Non, il a fait ce qu'il avait à faire. Je ne sais pas trop dans quoi je nous ai embarqué mon vieux Dimaz... indiqua Dainknut, songeur.
- Une nouvelle aventure, répondit joyeusement le fougeux guerrier nain.
La caravane en marche s'enfonça rapidement au coeur de la forêt en direction des montagnes Bleues. C'est par cette route que Dainknut comptait rejoindre Argonat et ses mines.
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