« Bien, prenez place ! »

La jeune femme attendit que le calme se soit installé avant de prendre la parole.

« Je vous souhaite, comme tous les autres membres du corps enseignant, une bonne rentrée. Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis Erendira Salawa, professeur d’Histoire et Sciences des incantations, et je tiendrai également le rôle de professeur principal de votre classe cette année. En considérant ces deux distinctions, il est de mon devoir de vous rappeler quelques règles avant de commencer ce cours. »

Elle prit son sac et le posa sur son bureau, face à l’amphithéâtre rempli d’étudiants. Elle en sortit une liasse de feuilles qu’elle posa bien en évidence au centre et la désigna avec un sourire.

« Ceci, très chers élèves, est le sempiternel règlement que vous recevez chaque année et qui vous sera une fois encore distribué à la fin du cours. Il contient quelques consignes évidentes concernant l’usage des incantations au sein de l’établissement, comme par exemple l’autorisation de s’en servir à peu près partout à condition qu’elles ne soient pas trop puissantes, ou encore l’interdiction formelle d’employer l’une des incantations proscrites. »

Tout en leur servant ce discours convenu, elle commença à faire les cents pas devant le premier rang, s’arrêtant de temps à autre devant un étudiant particulier. Elle parlait avec autorité mais un éclat dans son regard sombre laissait deviner qu’elle ne prenait pas la situation tout à fait au sérieux. Ses élèves l’appréciaient beaucoup, et son caractère espiègle associé à une certaine forme d’élégance n’y étaient pas pour rien. Elle marqua une petite pause théâtrale avant de s’adresser à un jeune homme du second rang.

« Sélian, peux-tu rappeler les principales incantations interdites ?

- Oui, Mademoiselle ! dit-il en se levant. Il y a tout d’abord celles qui portent atteint à l’intégrité physique ou morale d’un tiers ou de soi-même, comme le changement d’apparence, et ceci inclut également l’occultation et la dématérialisation. Ensuite, on peut citer la téléportation, les incantations visant uniquement à provoquer la douleur, ou encore l’exploration mentale de l’esprit d’autrui sans son consentement.

- Bien, apprécia l’enseignante, et Nadeï, te souviens-tu de quelques exceptions à ces règles ?

- Eh bien, certaines capacités spéciales permettent de contourner ces consignes. Par exemple, les sigao peuvent se rendre invisibles et intangibles, les adoketai sont autorisés à se métamorphoser, et les opheleiai ont le droit de se soustraire à certaines interdictions liées à l’esprit. On pourrait dire que le choix revient à leur libre-arbitre et à leur sens moral. Les pharmakon, en revanche, sont particulièrement concernés par ces restrictions, ce qui peut rendre les soins importants compliqués. On pourrait citer le cas des blessures liées à des incantations de modification physique, sur lesquelles il est presque impossible de revenir selon le droit international.

- Parfait, le remercia-t-elle, maintenant quelqu’un pourrait me résumer ce que sont les capacités spéciales ? Je n’ignore pas que nous savons tous ce dont il s’agit, mais les procédures étant ce qu’elles sont je me vois dans l’obligation de rappeler les évidences. »

Elle leur sourit d’un air entendu, puis passa sa main dans ses longs cheveux noirs et revint se placer près de son bureau.

« Taïslav ? interrogea-t-elle.

- Pour expliquer ce que sont les capacités spéciales, on peut faire une comparaison : tout le monde peut tenir un crayon, tirer des notes d’un instrument, ou manier une lame, mais certains seront plus doués en dessin que d’autres, ou meilleurs musiciens, ou auront plus de talent avec les armes. De même, n’importe qui peut utiliser une incantation, mais chacun excelle dans un domaine particulier.

- Cet exemple est parfait ! le félicita le professeur. Je devrais le noter pour les prochaines années. Et à ce propos, Messieurs, je pense que nous avons assez discuté. Prenez vos manuels d’Histoire et ouvrez-les à la première page, nous allons commencer le cours ! »