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« Je suis désolée que tu aies été mêlé à cette histoire, Sei.
- Tu n’as pas à t’excuser, Sakura, il est normal que j’aie cherché à vous aider. Et je connaissais les risques. Même si j’ignorais tout de ton existence il y a encore quelques heures, je n’allais pas te laisser seule face à eux. Enfin, maintenant, je me demande où tout ça va nous mener... Si j’avais su, je me serais mieux préparé et tu serais avec ton frère à l’heure qu’il est.
- Tu n’avais pas l’intention d’en réchapper, n’est-ce pas ?
- Comment as-tu deviné ?
- Tu as dit qu’il n’y avait qu’un Ipsa.
- Exact. J’ai beau avoir un peu joué les héros, d’un point de vue réaliste je savais que je n’avais aucune chance face à cinq soldats d’élite. »
La jeune fille acquiesça, résignée, avant de soupirer.
« Je ne sais vraiment pas ce que nous allons faire.
- Je dirais que suivre une démarche logique pourrait nous aider. Commençons par observer, puis nous pourrons déterminer la marche à suivre.
- Ça semble si simple dit comme ça.
- Disons que la première étape l’est relativement. Après tout, Gavriil nous a dit que nous étions libres d’aller à peu près où nous le souhaitions.
- Mais il faudra agir vite. Je suis inquiète pour mon frère. »
Il y eut un silence alors que tous deux réfléchissaient à ce qui pouvait ou risquait d’arriver.
Ils s’étaient réveillés dans cette chambre peu de temps auparavant. L’un des Chasseurs leur avait appris qu’ils se trouvaient là où Tōru avait passé les trois précédentes années de sa vie, et les avait informés qu’ils disposaient d’une relative liberté de mouvement tant qu’ils se tenaient tranquilles. Après cela, il était parti, les laissant seuls.
« Et si nous allions visiter notre lieu de vie pour les prochains jours ? tenta de plaisanter Sei.
- Je pense que nous n’avons rien de plus utile à faire. »
Ils sortirent de la pièce et se retrouvèrent dans un passage couvert entourant un petit jardin intérieur. Au centre de cet espace jaillissait une fontaine. Le soleil faisait jouer ses rayons dans les milliers de gouttes d’eau, créant de multiples reflets arc-en-ciel.
« C’est beau. dit-elle. Pour une première impression je dirais que nous ne sommes pas mal tombés.
- La cage est dorée. » répondit Sei.
Ils continuèrent leur exploration. En suivant le couloir, ils arrivèrent à une autre porte. Après une hésitation, elle se décida à l’ouvrir. Ils entrèrent dans un salon assez spacieux prolongé par une grande véranda. De l’autre côté des vitres s’étendait un jardin immense que l’on aurait aisément pu qualifier de parc. Toutes sortes de plantes y poussaient à profusion, néanmoins savamment ordonnées, et une pièce d’eau occupait le côté droit. Quelques arbres fruitiers étaient dispersés autour des allées tandis qu’un haut mur ceinturait le tout.
« Pas mal, la vie d’homme de l’Empereur. fit observer la jeune fille.
- En effet, je me demande ce que nous réserve la suite de la visite. »
Ils repartirent et parvinrent à un escalier. Une fois à l’étage ils trouvèrent un autre salon élégamment meublé. Au fond de la pièce se trouvait une grande porte à double-battants. Ils la passèrent et s’arrêtèrent une fois entrés tant la salle était impressionnante. C’était une bibliothèque aux dimensions gigantesques.
« C’est… magnifique. » souffla Sakura.
Sei acquiesça. Des dizaines de rayonnages remplis de toutes sortes de livres semblaient n’attendre qu’une personne pour se perdre dans l’univers de lecture qui se trouvait là, à portée de main. Les étagères alignées contenaient des recueils colorés de diverses tailles, dont les caractères variés recensaient d’innombrables langues. Les bois se mêlaient, du sol plus sombre aux rayonnages d’une nuance moins marquée, et au fond s’ouvrait une immense fenêtre qui laissait entrer à flots la lumière du soleil. Les deux jeunes gens s’apprêtaient à visiter cet attrayant sanctuaire quand ils remarquèrent un Chasseur. Adossé à l’une des étagères, il lisait un livre qu’il venait de choisir. Une expression détendue sur ses traits, il paraissait totalement absorbé par son ouvrage. Il le délaissa tout de même pour reporter son attention sur eux et prit la parole :
« Alors, que pensez-vous de la maison ?
- Elle ne correspond pas vraiment à l’idée que je me faisais de la demeure de tueurs professionnels. répliqua Sakura.
- C’est que le mot professionnel change tout. » sourit Gavriil.
Elle soupira. Il ajouta :
« Si vous continuez votre visite, je vous déconseille d’aller faire un tour au deuxième étage. C’est celui où nous avons nos chambres. Et aucun de nous n’aimerait que vous vous y rendiez ; surtout pas Nikita.
- Aucun risque. répondit Sei.
- Sur ce, nous vous laissons à votre lecture. » conclut la jeune fille.
Et elle quitta la salle, suivie de Sei.
« Où allons-nous à présent ? s’enquit-il une fois qu’ils furent sortis.
- Allons au jardin extérieur. J’ai besoin de m’aérer.
- Bonne idée. »
Ils redescendirent et passèrent au salon puis sortirent par la porte de la véranda. Il faisait une température des plus agréables à l’extérieur. Quelques nuages glissaient lentement dans l’azur. Guidés par un petit sentier, ils se rendirent au bord de la pièce d’eau. Des poissons multicolores y évoluaient, formant un ballet silencieux. Une douce brise agita les branches d’un cerisier et déposa des pétales rose pâle à la surface de l’onde.
« Cet endroit est étrangement poétique. fit remarquer Sei.
- C’est assez déroutant de se dire que c’est là le cadre de vie des hommes les plus impitoyables de l’Empire. »
Elle regarda autour d’elle. Dans ce jardin tranquille s’épanouissaient de nombreuses plantes de toutes les espèces si bien qu’il était impossible de déterminer dans quelle région ils se situaient. Elle se demanda ce qu’il y avait au-delà de l’enceinte. S’ils la franchissaient, trouveraient-ils une zone habitée ou un désert ? Alors que son regard suivait la paroi, elle remarqua un nouveau détail.
« Regarde, il y a des fresques sur les murs.
- Et si on allait voir ça de plus près ? »
Ils se rendirent à la décoration la plus proche. Elle représentait un paysage de bord de mer sous un coucher de soleil. À l’onde bleu roi succédait une plage couleur de neige, prolongée par de l’herbe émeraude et un peu plus loin une forêt de pins.
« Je me demande si ça a un sens, s’interrogea-t-elle, et surtout qui l’a peint.
- Peut-être que les autres nous donneront un indice. »
Ils allèrent voir chacune des œuvres. Elles étaient au nombre de cinq en comptant celle qu’ils venaient d’observer. L’une d’entre elles représentait une plaine glacée sous un ciel étoilé, une autre une forêt d’arbres de toutes les espèces imaginables, et la suivante un village dans les montagnes. Tout était si bien peint que l’on aurait cru les paysages réels. En voyant la cinquième, Sakura eut une réaction de surprise.
« Mais, c’est… »
C’était une vue de la capitale de l’Empire. On voyait en arrière-plan le palais, majestueux et auréolé de la lumière du soleil levant. Cependant l’œuvre n’était pas encore achevée ; vers le milieu du paysage, un espace n’était pas rempli.
« Il manque l’endroit exact où se trouve ma maison.
- C’est curieux… répondit Sei. Mais je pense avoir une idée quant à la signification de ces paysages. Ce sont probablement les lieux d’origine des Chasseurs, puisqu’il y en a cinq.
- Je ne suis pas sûre. Tu oublies que Sergey et Pavel sont jumeaux, ils sont donc originaires du même endroit. Donc quatre. Et cela n’explique pas pourquoi l’endroit où je vivais n’a pas été dessiné.
- Peut-être que cela a un rapport avec Tōru. Et que l’artiste va bientôt compléter le lieu manquant.
- S’il a fait cela parce qu’il pense que mon frère va devenir l’un des leurs, il se trompe.
- Il faudrait trouver l’auteur pour avoir les réponses à nos questions. dit Sei. Cependant je ne suis pas sûr d’avoir envie d’engager la conversation avec un Chasseur, partant du principe que c’est l’un d’entre eux. »
Elle sourit. À ce moment, le vent se leva, accumulant de gris nuages au-dessus d’eux. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber.
« Nous ferions mieux de rentrer. » observa-t-elle.
Ils se dépêchèrent de retourner à l’intérieur alors que le vent gagnait en puissance et que la pluie se faisait plus forte. Une fois de retour dans leur chambre, elle remarqua quelque chose sur sa table de nuit.
« Tiens, un livre. Que fait-il ici ? » s’étonna-t-elle.
Elle le prit et regarda la couverture.
« Contes et légendes, par Krystal. C’est mon livre préféré. Qui l’as mis ici et pourquoi ? Et comment celui qui l’a apporté savait que c’est mon livre favori ?
- C’est très étrange. Regarde à l’intérieur, peut-être qu’il y a un message. »
Elle ouvrit le livre. En haut de la première page était inscrit un nom ou une signature illisible, tout juste pouvait-on reconnaître un ‘‘e’’.
« Ça ne me dit pas de qui il s’agit. constata-t-elle, un peu déçue et curieuse. Nous allons avoir des mystères à résoudre ici.
- Encore faut-il que les réponses soient accessibles.
- C’est sans compter sur mon insatiable curiosité ! » sourit-elle.
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