Le soleil était à son zénith. Elle avait passé sa matinée à lire les Contes et Légendes, et avait déjà parcouru un tiers du livre. Elle se fit la réflexion qu’elle pourrait presque se plaire ici. Elle était bien traitée, voyait de temps en temps les Chasseurs, mais ceux-ci se comportaient avec elle comme avec une invitée, et le temps s’écoulait paisiblement dans cette maison toujours ensoleillée. Le troisième matin où elle avait ouvert les yeux ici, elle s’était demandé en voyant la magnifique robe qui avait été déposée sur la chaise près de son lit où les Chasseurs allaient chercher les tenues que Sei et elle mettaient. Autant pour lui, ce n’était pas étonnant qu’ils aient des vêtements d’homme, mais pour elle le mystère demeurait entier. Surprise, elle arrêta là ses réflexions ; il lui arrivait souvent de se poser des questions étranges sur tous les sujets possibles et imaginables.

Cela faisait maintenant presque trois semaines que la vie poursuivait son cours ici. Ce jour-là, elle portait une longue robe en dégradé partant du blanc au niveau du bustier pour virer au rose magenta au bas du tissu. Elle se rendit à la véranda et sortit dans le jardin. Elle remarqua que l’un des Chasseurs s’y trouvait, devant l’une des peintures murales. Il était en train de la terminer. Il s’agissait de la dernière œuvre, celle de la capitale. Curieuse, elle s’approcha. L’artiste ne l’entendit pas, tant il était absorbé par ce qu’il faisait. C’était Desya. Il maniait son pinceau avec dextérité, et elle remarqua à cette occasion qu’il était gaucher. Son art faisait des merveilles. Il mit la touche finale, ajoutant un léger éclat doré, puis posa son pinceau et regarda le résultat final. Il était satisfait de son œuvre.

« Est-ce toi qui a peint ces cinq paysages ? » demanda Sakura.

Le jeune Chasseur se retourna vivement. C’était la première fois qu’elle lui adressait la parole. D’ordinaire, elle restait avec Sei. Elle ne montrait aucun signe de défiance, au contraire elle semblait même plutôt amicale. Elle considérait que son ennemi était avant tout le Lieutenant, les autres Chasseurs suivant simplement ses directives.

Elle lui sourit. Il ne savait comment réagir. Finalement, il acquiesça, hésitant.

« Tu as un réel talent. le complimenta-t-elle. Mais pourquoi as-tu peint ces paysages ? Quelle est leur signification ? »

Il la regarda un instant, puis elle sentit que leurs âmes entraient en contact. Cela la surprit, elle ne l’avait fait qu’une ou deux fois auparavant. Chacun des deux sentait la curiosité de l’autre à son égard, mais ils ne dépassaient pas les limites de leurs esprits respectifs.

Ce sont les lieux d’origine de tous ceux qui sont passés par cette maison. déclara-t-il.

« Et lequel appartient à qui ? »

Il esquissa un sourire.

Essaye de deviner.

« D’accord. répondit-elle, amusée. Mais je ne suis pas sûre d’y arriver, car je ne vous connais pas vraiment. Je pense que la forêt est le lieu d’origine des jumeaux, la montagne celui de Gavriil, la plaine pour Nikita, et tu viens de la plage avec une forêt. Ai-je trouvé ? »

Presque. Tu as juste inversé pour les jumeaux et Gavriil. Mais je suis étonné que tu aies réussi si facilement.

« C’était dû au hasard. dit-elle. Mais pour le paysage de la capitale… »

Lorsque Tōru est parti, j’ai cessé de peindre. Et puis tu es arrivée. En revanche je ne sais pas d’où vient Sei.

« Moi non plus. Je pourrais lui demander, si tu veux. »

Je ne suis pas sûr d’avoir le temps de peindre un nouveau paysage, mais je peux toujours essayer.

« Que veux-tu dire ? »

Je pense que cette histoire est en passe de se résoudre.