Elle entendait encore la même mélodie. D’habitude, celui qui jouait attendait que la nuit soit complète avant de s’installer à sa harpe. Mais cette fois-ci, ce n’était que le crépuscule. Elle était à nouveau dans le jardin intérieur. Dès qu’elle avait entendu les premières notes, elle était sortie. Bien que ce morceau puisse sembler monotone à la longue, elle ne s’en lassait pas. Surtout depuis qu’elle connaissait son histoire. Elle vit l’un des Chasseurs passer. C’était le Lieutenant. Il ne la remarqua pas, mais elle s’aperçut qu’il arborait une expression encore plus neutre que d’habitude. Il monta les escaliers et disparut de son champ de vision. Elle entendit quelques instants après une voix, provenant de la chambre dont la fenêtre était ouverte. Elle ne pouvait comprendre les mots mais lorsque la voix s’arrêta de parler, la harpe cessa de jouer. Le silence se fit dans la nuit nouvellement installée. Elle demeura là quelques instants, puis songea à aller chercher son châle, car bien que les températures soient agréables, la brise qui commençait à souffler lui faisait froid. Elle se leva, et se fit la réflexion que lorsqu’elle sortait la nuit elle devrait s’attacher les cheveux car elle n’aimait pas que le vent les lui emmêle. Elle se les tressa rapidement, et les attacha au moyen du ruban pourpre qu’elle portait en bracelet. Elle entendit des pas dans les escaliers. Elle se tourna dans cette direction et vit arriver Desya. Il se rendit lui aussi dans le jardin intérieur, et s’arrêta lorsqu’il la remarqua. Elle sentit que ses joues se coloraient légèrement. Se retrouver en chemise de nuit en présence d’un Chasseur était assez embarrassant. Il esquissa un sourire, comprenant sa gêne, et leurs âmes entrèrent en contact.

Désolé. déclara-t-il. Veux-tu que je m’en aille ?

« Ne t’en fais pas, répondit-elle, je partais, de toute façon. »

Il parut hésiter, puis reprit.

Est-ce que demain je pourrais te montrer quelque chose ?

« De quoi s’agit-il ? »

Un endroit, dans cette maison. Mais je n’en dirai pas plus.

Ils eurent le même sourire.

« Tu es bien mystérieux. Et je t’avouerais être assez curieuse quant à ce lieu. Et si tu me le montrais dès maintenant ? Sauf si tu as autre chose à faire. »

Allons-y.

Il partit et elle le suivit. Ils montèrent jusqu’au premier étage, mais quand elle vit qu’ils allaient au deuxième, elle s’arrêta. Il se tourna vers elle et déclara :

Tu es avec moi, cela ne pose pas de problème que tu viennes. À moins que nous ne croisions Nikita.

Elle remarqua un éclat amusé dans son regard. Elle se décida à l’accompagner. Ils longèrent un couloir, puis arrivèrent à une porte. Une fois entrés il généra une source de lumière, car la douce clarté de la lune entrant par la fenêtre ne suffisait pas. C’était une chambre comme une autre, mais où tout paraissait figé.

« Est-ce que… ? » commença-t-elle.

Il acquiesça.

Oui. C’était la chambre de Tōru.

Elle ne dit rien mais observa avec attention la pièce, notant tout dans les moindres détails. Un lit sur la droite, des étagères pleines de livres, et sur le bureau, des engrenages. Elle remarqua une autre porte.

« Où mène-t-elle ? » demanda-t-elle.

Il s’y rendit et l’ouvrit. Elle le rejoignit. Ils passèrent dans la pièce suivante. L’unique élément était un piano de couleur grise, se trouvant au centre de la pièce. Émue, elle s’en approcha.

« Puis-je ? »

Il fit un signe d’assentiment. Elle s’assit devant l’instrument et l’ouvrit. Elle effleura le clavier du bout des doigts. Elle tenta quelques notes. Étonnamment, bien que personne ne s’en soit servi depuis presque un an, il était parfaitement accordé. Elle hésita, puis commença à jouer. Il reconnut dès les premières notes le morceau. C’était une musique évoquant un jour d’été, à une époque révolue. La mélodie était empreinte de délicatesse, emplie d’une beauté tranquille. Lorsqu’elle eut terminé, elle se tourna vers lui, et, d’une voix ne cachant pas son émotion, lui dit simplement un mot :

« Merci. »