Bruxelles, gare centrale. Jeudi (2/2)
Il contemple son petit doigt ensanglanté puis l’enveloppe dans un Kleenex usagé. Plus qu’à attendre encore un peu. Quand Dino arrive, il cache sa main blessée dans sa poche droite et celle ornée de la chevalière dans la gauche.
— Salut Nic. Pourquoi tu souris comme ça ?
Il ne répond pas et son ami en conclut qu’il a probablement croisé la petite nana.
— Y a une action p’tit dej au bout du couloir du métro, tu m’accompagnes ?
— Nan, pas tout de suite. J’ai un truc …
— Ah ouais, ça va être l’heure de la bombasse. Mais celle-là, elle est à moi. J’te laisse la petite brune, deal ?
Nic ne répond pas.
D’ailleurs elle arrive. Merde, elle n’est pas seule. Un bellâtre aux yeux verts l’accompagne. Tant pis.
Le playboy la tient par la main et se dirige vers la guinguette à café, à quelques mètres d’eux à peine.
— Je te prends un moka ma Chérie ?
— Oui s’il te plait. Je t’attends ici.
Alors que l’homme commande ses cafés, elle sourit aux deux SDF. Elle est radieuse, Nic en a le souffle coupé. C’est à peine s’il ose bouger, mais il doit le faire ! Dino, lui, entame sans complexe la conversation avec l’ange blond tandis que le copain de la fille attend sagement son tour dans la file. L’homme au chien se fait la réflexion que c’est la première fois qu’ils se trouvent debout face à elle, habitués qu’ils sont de la contempler depuis leur poste d’observation, assis sur les marches. Elle est plus petite qu’il ne le pensait, à peine quelques centimètres plus grande que la brunette. C’est bizarre, il la voyait bien plus grande, campée sur des jambes interminables. Mais ce ne sont pas ses jambes qui sont longues, ce sont ses affriolantes petites robes d’été qui sont courtes ! Effet d’optique probablement. Son mec est en train de régler les cafés. Vite, il faut qu’il la pique. Pourvu qu’elle ne sursaute pas trop violemment sous la morsure du petit ergot pointu à la base de sa chevalière. Il hésite. D’habitude, il profite de la foule, au moins passe-t-il inaperçu. Mais là, il n’y a que l’ange, Dino, et lui. Quand elle sentira la pique, elle va forcément être surprise. Il ne parvient pas à se décider.
C’est à ce moment que Dino ose l’impensable. Enfin, impensable, certains ne se seraient pas gênés, mais là, en plein hall de gare, en pleine conversation, avec le petit ami à quatre mètres … il lui colle la main aux fesses. Ou plutôt, il tente littéralement de lui peloter le cul. L’ange bondit sur le côté dans un sursaut défensif bien compréhensible en s’exclamant :
— HEEE !!
— Putain Marie !!!
Car c’est évidemment le moment qu’a choisi joli coeur pour arriver avec ses deux cafés. Un des gobelets tourbillonne littéralement en l’air en perdant son précieux liquide tandis que le contenu de l’autre gicle dans toutes les directions. L’ange blond et Dino poussent un cri sous l’effet combiné de la surprise et de la brûlure causée par le café bouillant sur leurs peaux respectives.
C’est un véritable désastre, une catastrophe sans nom. La chemise du petit copain est souillée mais la jeune femme, elle, en a vraiment partout. Sa robe arbore une énorme tache brune et un filet brun achève de s’écouler dans son décolleté. Elle est stupéfaite, Dino, lui, complètement hagard, mais le bonhomme est furieux. Quant à Nic, il sourit.
— Putain lance l’homme … et ça vous fait rire !
Ca ne fait pas rire Nic du tout. Il est juste heureux et satisfait. Mission accomplie. Il a en effet profité de la pagaille totale et au moment où le café noir frappait l’ange de plein fouet, en a profité pour poser sa main sur son épaule. Sous le coup de la surprise et du contact brûlant sur sa poitrine, elle n’a rien senti.
L’homme fulmine, la femme jette un regard noir à Dino tandis que deux policiers s’approchent.
— Ca va Madame ? Un problème ? lance le gardien de la paix.
— Non, ça ira, merci monsieur l’agent.
Tous deux s’éloignent, lui tout excité et elle avec la démarche d’une Reine vaincue quittant un champ de bataille. Nic et Dino tentent de faire de même, mais les deux policiers les retiennent.
— Pas si vite les gars … vos papiers … enfin … si vous en avez.
Les deux compères fouillent leurs poches et en sortent des cartes, qu’ils tendent au premier policier. Ce dernier fronce les sourcils en voyant les papiers.
— C’est quoi ça pour des cartes d’identité ?
Il semble manifestement contrarié.
— Et ces noms ? Vous vous foutez de ma gueule ou quoi ?
— Qu’est-ce qui se passe ? fait son équipier ?
— Ben regarde … Nic DOPU et Dino YSOS. C’est quoi pour des noms ça ? D’où venez-vous ?
***
— Mais qu’est-ce qui t’a pris de me sauter dessus comme ça ? C’est la cata, on ne peut pas aller bosser ainsi, faut qu’on rentre …
Elle ne répond pas, elle n’a aucune envie d’en parler. L’homme ajoute :
— Et c’est quoi ça ? C’est quand même pas moi qu’ai fait ça ?
— Quoi donc ?
— Ben ça … ton épaule …
Depuis la délicieuse épaule bronzée, un fin filet de sang s’écoule le long du bras délicat.
FIN
Bon, c'est décidé ... Pour répondre à la demande et parce qu'il semblerait que ce qui m'est évident ne l'est pas pour tous, je vais me fendre d'un petit épilogue :-)
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